La douceur amère de l’Américaine Sara Teasdale
Connaît-on vraiment Sara Teasdale ? C’est pourtant une figure importante de la poésie américaine du début du 20esiècle. Voici une anthologie bilingue qui contribuera à la révéler à un plus large public et à mesurer la profondeur de son oeuvre. C’est la simplicité qui domine dans ses poèmes dont « le chant témoigne d’une quête de sagesse », souligne Alain Saint-Marie en présentant ce recueil.
Sara Teasdal fait partie de ces femmes poètes qui ont su, à un moment de leur existence, s’émanciper de leur milieu et exprimer une liberté à rebours du « sens victorien des convenances », comme le souligne Alain Sainte-Marie qui assure la traduction et la présentation de ce recueil. Elle publiera d’ailleurs ses premiers recueils dans une revue fondée par un groupe de jeunes femmes. Plus tard, en 1908, elle rencontrera Marion Cummings Stanley, l’épouse du poète E.E.Cummings et ce sera le début d’une amitié féconde.
La célébration de l’amour (qui fut pourtant, pour elle, l’objet de nombreuses déconvenues ou désillusions) ainsi que la joie et l’émerveillement devant les beautés de la nature, sont les marqueurs essentiels de son œuvre.
Sara Teasdale, Œuvres choisies, La Part Commune, édition bilingue, 155 pages, 14 euros.
Je ne mourrai pas, car j’ai goûté la joie
A la coupe du croissant de lune,
Et savouré comme on savoure le pain
Les nuits profondes de juin
Les textes de Sara Teasdale sont empreints d’une forme de sensualité, surtout dans ses premiers poèmes marqués par la quête amoureuse. A 23 ans, elle écrit :
J’ai offert à mon amour un rouge pavot,
Que j’ai posé sur son cœur froid comme neige :
Mais cette fleur exige un terreau plus chaud,
Nous avons pleuré la mort du coquelicot
S’adressant à son « très cher et très ridicule ami », elle s’exclame : « Pourquoi fais-tu la guerre à l’amour/Pour perdre à la fin la bataille » Ailleurs, la voilà qui se languit « autant que la mare/près du rivage ».
Avec le temps, les « idées noires » gagneront du terrain ainsi que les « songes froids ». Lucide jusqu’au bout sur son état, elle parle de « l’immuable douleur des choses ». Ce dont témoigne son recueil sans doute le plus abouti, La flamme et l’ombre, publié alors qu’elle a 36 ans et dont cette anthologie publie pas moins de dix-huit poèmes.
Quand je mourrai, rappelez-moi
Que j’ai aimé les bourrasques de neige,
Même si elles piquaient comme des fouets ;
Que j’ai aimé toutes choses charmantes,
Que j’ai fait de mon mieux pour accueillir leur dard
D’un rire gai sans amertume
Sara Teasdale se suicide le 29 janvier 1933. Elle avait 49 ans.