En ce matin d’hiver 2023, il est midi au cadran solaire de la Maison de la Poésie Transjurassienne, nichée dans le village de Cinquétral, à 850 mètres d’altitude. L’inscription dorée du cadran nous invite à « Lire pour rester libre » …
C’est dans cette belle maison que Marion Cirefice me reçoit pour me parler de l’association Saute-Frontière et de la Maison de la Poésie Transjurassienne qu’elle co-préside aujourd’hui avec sa sœur, Elisabeth.
Marion, j’imagine qu’on ne crée pas une maison de la poésie sans de profondes motivations qui remontent loin dans l’enfance peut-être… Pourrais-tu nous tracer les trajectoires multiples de ton parcours de vie, dont je commence à comprendre qu’il est particulièrement riche de chemins de traverse, et original…
Dès mon berceau, j’ai baigné dans le monde du théâtre, à Lyon, ou mon père Louis CIREFICE était metteur en scène et acteur et a fondé le théâtre des Marronniers. Il a passé sa vie sur les planches, ma mère Miette a mis dans mon berceau et celui de ma sœur les beaux jouets de la littérature et de la poésie.
Cette enfance heureuse et cultivée m’a portée : dès les années 70, j’ai volé de mes propres ailes et fondé ma compagnie de théâtre « le théâtre de l’œil nu » et nous avons sillonné pendant dix ans les villages de la Drôme avec un théâtre de proximité.
Mais je n’ai pu résister, après un voyage en Islande à l’appel du grand Nord… », après avoir co-écrit avec ma mère Miette une fiction nordique, destinée à devenir un film d’animation, j’ai décidé de monter un projet plus vaste pour une Bourse d’études auprès des Affaires culturelles du Nord Québec. Et la grande aventure a commencé !
De retour en France, j’ai choisi de me former auprès de Jean Rouch en cinéma documentaire. J’ai étudié l’Inuttitut à l’UQAM, et suivi un cursus de culture Arctique auprès de Jean Malaurie, au centre d’études arctiques.
J’ai choisi de finaliser ce cursus par une maîtrise en muséologie à l’UGAM (Montréal),
Cela m’a permis de repartir en 1990 dans le Nord Québec et de réaliser en fin d’études mon film « Le Lien » ou autrement dit en Inuttitut … « Attaattatsiaralu, Annaannatsiaralu : nos grands-pères nos grand-mères ».
On trouve déjà là deux de tes grands fils conducteurs qui t’on amenée plus tard à créer un lieu tel que la Maison de la Poésie Transjurassienne : la transmission et l’oralité ?
Oui, ces deux pôles m’ont toujours passionnée : la transmission d’une génération à une autre, par l’oralité entre autre, et les échanges d’une culture ou d’une civilisation à une autre, valeurs que je ne cesserai de développer au sein des rencontres et événements de la Maison de la Poésie Transjurassienne.
Revenue fin 1991, à Cinquétral, dans la maison familiale du Jura dont on sait qu’à ses heures les terres deviennent une petite Sibérie… je cherchais comment articuler mes rêves et la réalité, mes passions et la nécessité de vivre… je pense alors à lier une recherche ethnologique antérieure, sur les ateliers de tuyaux de pipe familiaux de Cinquétral avec l’actualité économique. Je crée l’agence ARTHIS et entre 1992 et 2005, je propose aux acteurs économiques locaux mes compétences d’ethnographe et de muséographe. L’idée est de les aider à valoriser leurs productions en les faisant connaître du grand public. Lier culture et économie, quoi de plus passionnant ?
Je collabore alors avec l’Hôpital de Morez, le parc naturel régional du Haut-Jura, la tournerie-tabletterie, les fabricants de boutons, de jouets. J’invite des artistes à devenir les médiateurs de ces confluences. Je soutiens la mise en valeur des Savoir-faire de la Montagne Jurassienne… »
Marion Cerefice
Née à Lyon en 1953, Marion Cirefice entame dès la fin de ses études secondaires une carrière dans le théâtre. Elle sillonne la Drome avec sa compagnie « Le théâtre de l’œil nu » jusqu’en 1985, date à laquelle elle s’élance vers le Grand Nord, le Quebec, dans un voyage fondateur de son parcours à venir.
1987–1990 Études de la langue Inuit à l’INALCO,ethnologie avec Jean Malaurie au Centre d’Études d’Arctiques et cinéma direct avec Jean Rouch.
1991 — Maîtrise de nouvelle muséologie à l’université du Québec à Montréal (UQAM)
1992 — Retour dans le Jura. Création de l’Agence ARTHIS — Mise en valeur des savoir-faire de la Montagne jurassienne avec les acteurs locaux du monde économique (pipe, bouton, tournage sur bois , émail etc..) de l’éducation (lycée des arts du bois de Moirans-en-Montagne), des métiers d’arts au niveau international et de la culture ( musée d’archéologie de Lons-le-Saunier — association Arts tournage et culture lavans-les-Saint-Claude)
1997 — ARTHIS est sélectionné par le Conseil général du Jura pour réaliser la muséographie d e l’Aire du Jura
2000 Création de la SARL ARTHIS / Juste Comme avec 4 artistes plasticiens et musiciens. Dissolution en décembre 2005
2001 — Création de l’association SAUTE-FRONTIERE pour porter le projet transfrontalier des Pérégrinations poétiques dans les Montagnes du Jura dans le cadre d’un programme Interreg qui perdurera jusqu’en 2019.
2009 — Création à Cinquetral de la Maison de la Poésie Transjurassienne qui accueille le projet associatif de Saute-frontière
Janvier 2020 : Avec un nouveau statut de retraitée bénévole et activiste, développement de la bibliothèque associative de la Maison d ela poésie transjurassienne
Maintien des événements en lien avec la poésie, au sein même de la Maison de la Poésie Transjurassienne et avec des partenariats locaux réguliers.
EN JEU LA POÉSIE ! Rencontre-lecture, lecture-promenade, lecture-inédite, randonnée-lecture, apéro-poétique, lecture-performance, lecture-déambulation, lecture-concert, rituel-poétique autant de façons de dire, de lire, de découvrir ensemble et autrement les Montagnes du Jura. 2012.