La Nuit

 

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cela fait quelques jours que le sommeil glisse
comme un drap au bas du lit, au petit matin
les nuits sont encore chaudes, mais le froid s'immisce
comme un mari volage dans le lit, quand vient le matin

 

la nuit meurt
un oiseau chante
quelque chose palpite
le poil se hérisse
on ne sait trop pourquoi

 

on pense qu'écrire de la poésie
éloignera pour un moment ce poids sous la paupière
dans leurs chambres, les enfants dorment, l'homme est immobile
hormis le pépiement du rouge queue, il n'y a aucun bruit
on frissonne : le silence qui rampe ressemble à un caveau

 

on attend avec impatience que surgisse la ville
qu'une portière claque, qu'une voiture freine
est-ce que le monde s'arrête quand la pensée dérape
s'englue menu menu, dans un rêve incertain
on attend avec impatience, puisque l'on ne dort plus
que quelque chose se casse dans la peur qui grince

 

quand on en a marre d'attendre, on allume l'ordinateur
les doigts sur le clavier font une petite musique qui berce
et calme l’angoisse

 

la nuit est morte
le jour n'est pas encore vivant
dans la brèche faite par l'inconscient, on discerne des bribes de rêves
des battements irréguliers, la mécanique du corps
la nuit est morte
dans le trou on comprend, qu'à cette heure au fond
rien n'est vraiment vivant

 

il y a au milieu du ventre cette blessure franche
par laquelle s'écoule un embrouillamini de mots, de vers
sur le lit, sur la table
on les regarde devenir durs et friables
comme de la roche calcaire

 

on boit un verre d'eau
on avale un cachet
on écrit un poème
et la masse devient selon
de la taille d'un poing
ou d'une tête d'aiguille

 

on écrit
un poème
vite
mal
on écrit
il y a urgence à la déchirure de l'aube
si tous les mots s'effacent dans la lumière du jour
comment dire le poids des ombres

 

 

 

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on écrit
un poème
vite
mal
on écrit
il y a urgence à la déchirure de l'aube
si tous les mots s'effacent dans la lumière du jour
comment dire le poids des ombres

 

il faut faire vite
alors on pond un poème
comme une poule pond son œuf
dans la stupéfaction et la douleur
de se défaire d'une partie de son corps

 

on sait malgré tout qu'on ment un peu
qu'écrire de la poésie revient à tourner autour
chien fébrile qui veut mordre sa queue

 

on se regarde
dans le miroir de la salle de bain
le verre à moitié vide entre les mains
ignorant dans la minute où s'écrit ce poème
ce que l'on fait là et ce que l'on devient

 

car la femme de l'autre côté du tain ne nous ressemble pas
ses yeux sont rouges, ses rides sont muettes
on ne voit pas sa langue dans le trou de sa bouche
personne ne la comprend
nous non plus

 

on se demande dans le clair obscur
qui redessine les formes de son visage
à quel moment on a perdu chair
à quel moment, on ou un autre a cessé de nourrir
le monstre joyeux qui la tenait debout

 

on entend un enfant pleurer
quelqu'un court dans une pièce
l'ascenseur se met à ronfler
et pendant que notre reflet fond dans la glace
toutes ces intrusions de vie se mêlent
aux pensées désordonnées qui nous chavirent le cœur

 

on n'est pas seul malgré la peau cerclée
malgré le vide en-dessous
qui claque sa toile
sur la mer démontée

 

on n'est pas seul
si on fait l'effort de saisir nos yeux plantés comme des flèches à l'arrière du cerveau
si on fait l'effort de les glisser doucement par l’entrebâillement de la porte de la chambre
on peut voir leur poitrine neuve, se soulever au rythme du vent dans les rideaux

 

 

 

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on entend un enfant pleurer
quelqu'un court dans une pièce
l'ascenseur se met à ronfler
et pendant que notre reflet fond dans la glace
toutes ces intrusions de vie se mêlent aux pensées désordonnées qui nous chavirent le cœur

 

on n'est pas seul malgré la peau cerclée
malgré le vide en-dessous
qui claque sa toile
sur la mer démontée

 

on n'est pas seul
si on fait l'effort de saisir nos yeux plantés comme des flèches
à l'arrière du cerveau
si on fait l'effort de les glisser doucement
par l’entrebâillement de la porte de la chambre
on peut voir leur poitrine neuve
se soulever au rythme du vent dans les rideaux

 

on regarde les draps s'emmêler entre leurs cuisses et leurs mollets
il faisait si chaud cette nuit, que l'on avait lors d'un premier réveil, ouvert grand la fenêtre
on avait écouté les ténèbres vibrantes sur les toits de la ville
tenté de saisir accoudé au châssis, le message profond dans le noir de la nuit

 

la nuit se meurt disait la lune
dans son éclat dardé sur les tuiles assombries
la lune le disait, et nos cœurs battaient vite
du mystère dénudé

 

on est, allongés dans le lit
une répétition de morts en devenir
 l'obscurité nous sculpte dans
l'albâtre 
quand vient le petit jour
comme une beauté froide de gisant

 

n'aie pas peur, disait aussi la lune
l'heure n'est pas venue, elle viendra
n'aie crainte
où paupières fermées, il faudra fusionner 
notre odeur aigrelette au fade de la tourbe

 

en attendant, on s'accroche à la suée sucrée 
à cette odeur douceâtre de peau de nouveau-né

on s'accroche à la déformation fugace de poitrines nubiles 
puis d'un clignement d’œil, on passe
du vagissement aux sanglots sénescents

 

on pleure, on écrit
on écrit, on pleure
dans le même mouvement
on sait combien la nuit perturbe la focale
retourne le regard comme une peau d'orange
on triture du bout de l'ongle et de la pensée
l'ombilic fébrile qui ne nous lie qu'à nous