Le poète et dramaturge turc Hasan Erkek, que nous avons eu le plaisir de publier sur Recours au Poème, est aussi un grand voyageur, et un passeur. C’est à ce titre qu’il nous a récemment rapprté de Cuba les poèmes de Gisele Lucia et ceux de l’auteure que nous présentons ici, dans la série de nos publications sur la littérature turque. Ce sont — traduits par Dorian Pastor — les poèmes d’une figure engage de la lutte pour la démocratie et les droits des femmes : BETÜL TARIMAN.
Poètesse née en 1962, dans le nord de la Turquie, actuellement enseignante à l’université d’Ankara, elle a publié ses premiers poèmes en 1992. Créatrice d’un prix à la mémoire du poète Rıfat Ilgaz (1911–1993), considéré comme l’un des plus grands représentants du réalisme social en Turquie, elle est aussi conseillère artistique pour un projet architectural, sous les auspices de la World Academy for Local Democracy (WALD) et elle anime des ateliers de poésie avec ses étudiants à Kastamonu, mais je retiens surtout qu’elle est l’initiatrice de Kadınlar Edebiyatla Buluşuyor (« Rencontre des femmes avec la Littérature »), atelier dont le but est d’encourager les femmes à écrire des poèmes et des nouvelles.
Betül publie aussi un magazine, Toplu Fotoğraflar, que ses étudiants contribuent à réaliser. Un de ses documentaires, An afternoon in Kastra Komnenus (« Un après-midi à Kastra Komnenos »), remporte de prix du sixième Festival des Documentaires de Safranbolu. La poétesse contribue aussi à l’organisation d’un colloque littéraire sur l’écrivain et nouvelliste turc Oğuz Atay (1934–1977) pionnier du roman moderne et postmoderne en Turquie, aujourd’hui considéré comme un auteur culte et une figure majeure de la littérature turque. Enfin, elle est l’organisatrice d’une exposition avec quatre artistes femmes nommées Me, Woman (« Moi, femme »).
Du style et des thématiques de Betül Tariman, la poète Ayten Mutlu écrit :
Elle n’utilise jamais de jeux de mots. Un narrateur calme et simple fait ressentir les images (…) Les poèmes ont un rythme intérieur qui semble spontané, non forcé et imposé,. Les vers qui donnent l’impression d’être prononcés facilement au premier regard arrêtent un instant le lecteur et l’invitent à chercher la structure profonde.”
Traduction : DORIAN PASTOR
YALNIZ ÇİÇEK
kapı aralığına oturdum
ayaklarım eşikte
kollarım sarılı dizlerime
sense yalnız çiçek
bir köşede öylece
boynunu bükmüş
sanki küskünsün kendine
rengin sararmış
yaprakların nemli
kurumuşsun mevsimi geçmiş gibi
oysa bir çocuk
elinde kalem
seni çizecekti
beyaz defterine
LA FLEUR SOLITAIRE
Je me suis assise à la porte
Les pieds sur le seuil
Mes bras étreignant mes genoux
C’est toi, la fleur solitaire
Qui dans un coin
Se tord le cou
Laissant penser que tu te fuis toi-même
Tu as le teint jaune
Les feuilles humides
Comme si tu avais fanée la saison dernière
Alors que l’enfant
Une plume à la main
Allait te dessiner
Sur son cahier vierge
Betül Taraman, Kon tiki.
CAM KIRIKLARI VE MİMOZALAR
kırmızı karanfilleri en çok annem sevecek şimdi
en çok acıyan sularınızda puslu bir ırmak bu yaz
I — gün
saat durdu
kırıldı çin vazo
cam tuzla buz
tutmaya korktuğunuz ellerinizde
ölü bir kaplumbağa vardı
II — gün
neyi anlatabilirim ki size, hangi şarkısını
hiçliğin, anlamazdınız geniş patika bir yolda
o ürkmüş kuş içinizde susardı
III. gün
uyurken parmak uçlarınıza dokunduğum doğru
gülüşünüzü o mor sularla……….
içimde aşk denizine koşma isteği
bilmezdiniz yitirdiğim çocuk
eksilen yanlarınıza akardı
LES VITRES BRISÉES ET LES MIMOSAS
Les Œillets rouges sont ceux que ma mère aimera le plus, maintenant…
Une rivière vaporeuse dans l’été où se mêlent vos flots tourmentés
1erJour
Le temps s’est arrêté
Le vase de porcelaine s’est brisé
Fragile comme de la glace
Dans vos mains, qui avaient peur de s’en saisir,
Il y avait une tortue morte
2èmeJour
Qu’aurais-je pu vous expliquer, quel chant
De votre absence vous n’auriez pu comprendre, dans ce large sentier ?
Cet oiseau farouche, tout au fond de vous, avait soif
3èmeJour
En dormant j’ai touché l’extrémité de vos doigts
Et votre sourire, avec ces eaux violettes…
L’amour en moi voulait courir vers son océan
Vous n’auriez pu connaitre l’enfant qui vit en moi ;
Sa peine aurait coulé sur vos flancs éteints.
Betül Taraman, Sinir ötesi.
RÜYADA MEVSİMLER VE TİKLER
kara bıyıklarıyla yüzü kara
yüzü sertti müdür
ara sıra kaşlarını kaldırır
hitler’e benzerdi az önce gitti
iç organları taşarcasına ağzından
söylenirdi sabahlar geceler
zaafları vardı iflah olmaz kadın severdi
rol icabı büyük masada oturur
çıkardı ceketinden
siyah ceketi kapı eşiğinde
müdürdü kurtulamazdı
müdürlüğünden
yürürdük şimo ben ve önder
koridor uzundu ve içindeki ünlemler
arada bir nöbet tuttuğum koridorda
öğretmenler ellerinde çantalar
koşar gibiydiler ve koridorlar
arada boş saatinde öğretmen
elinde iki şiir bir kalem
soluk soluğa ve telaşlı
müdür öfkesine hakim olamaz
hatırlardı müdürlüğünü
dünyanın gürültüleri yüzüne kapanırken
katı bir şeydi böyle sert
bazen çakırkeyif yalpalaya yalpalaya
boğazına kadar müfredata batmış
çünkü müfredat önemlidir
— başarıyı arttır – kravat bağlanmalıdır
kızım saçlarını topppla
çünkü düşlere dalınmazdı
susun derdi müüü müdür
bizi haritadan silmeye niyetli
göbeği yağ bağlamaz oturur otururdu
oturur kalkar
aldırmazdık mevsimler
mevsimlere eklenirdi ve tikler
çizerdi müdür anlamı bakışlarıyla
bir asker gibi rap rap rap
mahcup olmazdı yine de
kırıldığından beri cesaret bakışın karasında
birazdan yüzü buruşacak
şimo diz çök ve yere yat
seni bekliyor üzerine kapandığın hayat
LES SAISONS DANS UN RÊVE ET LES TICS (RÜYADA MEVSİMLER VE TİKLER)
Visage noir, moustache noire
Il avait le visage dur, le directeur
De temps à autre il haussait les sourcils
Parti il y a peu, il aurait pu ressembler à Hitler
Ses organes jaillissaient par sa bouche
Il aurait maugréé nuit et jour
Il avait ses penchants, il aimait les femmes obstinées
S’asseyant autour de grandes tables, dans son rôle
Retirant sa veste
Sa veste noire, sur le seuil de la porte
Nul n’aurait su l’extirper, le directeur
De sa place
On a marché, moi, Ebru et Önder
Le corridor était long, il suintait le désespoir
Ce couloir où je faisais le guet
Les professeurs, sac à la main,
Semblaient tous y courir
Lors de son temps libre, l’enseignant
Dans ses mains deux poèmes, un stylo
Haletait, trépidait
Le directeur dont rien n’éteignait la colère
Se souviendrait de sa place
Quand le vacarme du Monde sur lui se s’abattrait
Il avait quelque chose de rude, si dur
Parfois éméché, titubant
Plongé jusqu’au cou dans les chartes
Parce que les chartes sont importantes
– elles accroissent la réussite – il doit nouer sa cravate
Attache tes cheveux, ma fille
Parce qu’il n’écouterait pas vos rêves
Taisez-vous ! aurait-il dit, le directeur
Voulant ignorer vos existences
Il s’assiérait et s’assiérait
Se lèverait, s’assiérait
Le temps courait au fil des saisons
Accroissant, nerveux les tics à nos visages
Il nous aurait brisés de son regard d’acier, le directeur
Comme un soldat : clac clac clac !
Sans aucune gêne
Il anéantissait toute volonté
Peu après, son visage se froisserait
« Ebru, à genoux, couche toi au sol ! »
Elle t’attend la vie qui sur toi se referme