Charles Wright (1935- )
Inlassable arpenteur de l’invisible
Présentation et traductions par Alice-Catherine Carls
Entre sagesse ancestrale (chinoise, égyptienne, italienne, biblique) et géographie quotidienne (Charlottesville, en Virginie, le Montana, les Appalaches du Tennessee), entre désincarnation vers l’au-delà et attachement poignant au monde végétal, lumineux et sonore d’ici-bas, Charles Wright examine le sens de la vie. Il recherche la permanence à la frontière entre lumière et obscurité, il la perçoit aux points d’éblouissement, là où la lumière sert de pont, de guide, de lien, et de mystère. Cet équilibre entre les extrêmes de la vie et de la pensée est une victoire fragile. Par ses contrepoints de mots (ésotérismes et néologismes), d’humeurs (accès de mélancolie et illuminations), de thèmes (intimes et philosophiques), et de registres (concret minutieusement observé et imaginaires métaphysiques), la poésie de Charles Wright prend possession de nous et ne nous quitte plus. Il n’y a pas de meilleur guide pour apprendre à vivre en poésie.
Charles Wright a reçu la distinction la plus prestigieuse pour un poète américain : en juillet 2014, la Library of Congress l’a nommé poète-lauréat des Etats Unis. Cette marque d’estime que lui porte la communauté littéraire confirme ce que ses lecteurs savent déjà : cet homme à la modestie proverbiale est l’un des plus grands poètes du vingtième siècle. La revue World Literature Today ayant ouvert un concours du livre le plus important publié depuis 1989, son volume intitulé Appalachia (1998) y figure parmi les vingt finalistes. Ces deux distinctions font suite à de nombreux prix: National Book Award (1983); Ruth Lilly Poetry Prize (1993); Lenore Marshall Poetry Prize (1996); Pulitzer Prize et Los Angeles Times Book Prize (1997); Griffin Poetry Prize (2007); Bollingen Prize (2013). Ayant pris sa retraite de la chaire Souder Family Professor of English à l’Université de Virginie, où il enseignait depuis 1983, Charles Wright reste très actif. Bye-and-Bye (2012) regroupe cinq volumes récents et Caribou (2014) est un volume entièrement nouveau. Ces deux volumes augmentent la tapisserie poétique que tisse inlassablement le poète depuis son premier volume, The Grave of the Right Hand (1970), où les critiques reconnurent l’influence des Cantos d’Ezra Pound.
Les quelques quarante recueils poétiques que Charles Wright a publiés sont marqués par trois “trilogies” qui représentent une sorte de livre des morts appalachien. Les thèmes et paysages de son oeuvre deviennent si familiers qu’ils s’intègrent dans le paysage mental du lecteur, où ils fonctionnent comme une sorte de code. Ce support permet au poète d’apporter des variations innombrables à ce qu’il sait, ce qu’il voit, et ce qu’il sent. On le lit comme on écoute Telemann ou Bach dont les variations renouvellent l’univers sonore et bâtissent une cathédrale résonnante d’harmonies. Chaque variation nous apprend à mieux écouter et entendre, tout comme les poèmes de Charles Wright nous apprennent à mieux voir, sentir, et penser. Leur réalité immanente codifiée en permanence transcendantale libère notre imagination.
Les poèmes ci-dessous sont extraits du volume Buffalo Yoga et publiés en bilingue avec la gracieuse permission de l’auteur et de son éditeur, Jonathan Galassi, directeur des éditions Farrar Straus & Giroux.
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