Paolo Universo (né en 1934 à Pula, en Croatie — alors italienne -, et décédé à Trieste en 2002) n’a pratiquement rien publié de son vivant. Et pourtant, des débuts prometteurs dans le monde des salons littéraires, d’abord vénitiens puis milanais, pouvaient laisser présager une brillante carrière : très jeune, il rencontre, entre autres, Ezra Pound, Raymond Queneau et Giuseppe Ungaretti qui l’honorera de son amitié jusqu’à la fin de sa vie. En 1971, l’estime dans laquelle le tiennent Vittorio Sereni et surtout Giuseppe Pontiggia lui vaut de voir publier treize de ses poèmes de jeunesse dans le premier numéro de ce qui deviendra la très prestigieuse revue Almanacco dello Specchio (Mondadori, 1972) aux côtés d’Octavio Paz, Jude Stefan, Costantino Kavafis, Ezra Pound, Attilio Bertolucci, Giampiero Neri. Mais, sur le point de signer un important contrat de publication à Milan, il renonce, au nom d’une « poésie honnête » (selon l’expression de son aîné et concitoyen Umberto Saba), et rentre à Trieste (ville qu’il déteste au point d’avoir intitulé un recueil de ses poèmes Delenda Trieste) où il se voue alors à une existence littéraire solitaire, excentrique et tourmentée, dont le prix à payer est une condition sociale précaire et la souffrance de voir son humanité niée.
Il se consacre à l’étude et à la traduction de l’œuvre de Rimbaud et à la rédaction d’innombrables variantes de son grand poème en prose, Dalla parte del fuoco – 150 pages d’une incroyable densité et force imprécatoire, saluées par la presse, lors de sa publication posthume en 2005 (Hammerle Editori, Trieste), comme une « Divine comédie contemporaine ». Paolo Universo va se tourner, jusqu’à la fin de sa vie, vers ceux qui, comme lui, sont des laissés-pour-compte de la modernité — les marginaux, les « fous » — et devenir un personnage dérangeant. Les années 70, marquées à Trieste par la fermeture des hôpitaux psychiatriques sous l’impulsion de la pensée et du travail de Franco Basaglia, vont être à l’origine d’écrits satyriques, notamment de La ballade de l’ancien asile (inédit en Italie, traduit en français par Danièle Faugeras et Pascale Janot et publié en 2008, dans la collection PO&PSY, Erès, Toulouse).
De l’œuvre inédite de ce poète, il reste quelques milliers de vers (dont une petite dizaine publiés dans Poesie giovanili 1967–1972, L’Officina, Trieste, 2003), des œuvres plus brèves comme Pensieri per versi (une centaine d’aphorismes tranchants) et Autoritrackt (un autoportrait impitoyable), et un essai sur l’œuvre de Rimbaud.
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Poèmes choisis (1962–1989) :