La poésie, le Scriptorium, la paix… FAIRE PAROLE ENSEMBLE ! Entretien avec Dominique Sorrente
De trace en trame, de revue en recueil, Dominique Sorrente ne cesse de désirer, de tenter de matérialiser un lieu ensemble, pour toutes et tous, un endroit où la poésie serait cette évidence que nous partageons. Une planète que nous avons en commun (on se réfèrera par exemple à C’est bien ici la terre, préfacé par Jean-Marie Pelt en 2012 et publié chez MLD), et au-delà de la langue un socle, l’humanité, faite d’émotions universelles. Incessant combattant pour la paix, passeur de poésie, il poursuit son action poétique à travers des ateliers d’écriture, des conférences, des lectures-spectacles, et la création en 1999 du Scriptorium, “espace de poésie partagée, en prise sur notre temps.” C’est dire que son engagement est inaltérable.
des arbres, n’hésite pas un seul instant : choisis les trois.
(extrait de Pays sous les continents, MLD, prix Georges Perros 2012)
Tout simplement est un poème écrit et dit par Dominique Sorrente.
Porté par une true story de Ben Rando.
Le poème est une évocation d'une histoire de coeur née en bord de Meuse.
Il a été écrit durant l'été 2020.
Nous avons aussi trouvé notre lieu d’ancrage symbolique dans l’espace public : le monument Rimbaud ( œuvre en cérastone, réalisée par le sculpteur aixois, Jean Amado) sur un promontoire de la plage du Prado à Marseille. J’engage tout visiteur de Marseille à y faire halte ; il est hélas encerclé en ce moment par les travaux en vue des Jeux Olympiques de l’été prochain… ; c’est là que nous avons créé lors de la Journée mondiale de la poésie (Unesco) notre Instant Bateau Ivre Salutaire. Un moment rare, nourri par des lectures, performances, poésie chorus, jeux de marionnettes, sons de contrebasse et guitares…un moment à ciel ouvert qui réconcilie les voix des poètes « expérimentés » avec les voix inconnues et nouvelles. Avec les humeurs des éléments à accueillir…mer, vent, pluie plus rarement…
Ce poème a été écrit lors de l'INSTANT BATEAU IVRE SALUTAIRE du SCRIPTORIUM, le 19 mars 2022, au monument RIMBAUD, plage du Prado-Roucas, à Marseille. Lecteur : Marc Ross à la contrebasse : Marco Zoti.
Le Scriptorium Sémaphore de Poésie À l’occasion du Printemps des Poètes 2021, et en route vers la Journée Mondiale de la Poésie, prévue le 21 mars par l'Unesco, les poètes du Scriptorium proposent une lecture de poèmes créés sur le thème du Désir. Ces poèmes inédits figurent en version écrite sur le blog de l’association : http://www.scriptorium-marseille.fr
Poésie « engagée », le mot m’a d’abord intimidé, puis irrité (on connaît les caricatures !), puis amusé. Il avait disparu de la logosphère comme les mots « poétesse », « déclamer »…et même « poème » dans un certain milieu textuel. Mon écriture, je suis à peine provoquant en le disant, est le plus souvent « désengagée ». La raison simple en est ce détour, cette mise à l’écart qu’oblige l’acte d’écrire qui est une action, mais en retrait, quoi qu’on fasse. Lorsque je m’associe en écriture à ce qu’on appelle une cause (je le fais rarement), l’enjeu est de toute façon que mon poème tienne par lui-même. J’ai composé, par exemple, une chanson « Au bonheur de Lily » pour une association d’enfants atteints d’un cancer du squelette (rhabdomyosarcome). Au moment de l’invasion de l’armée russe en Ukraine, j’ai répondu à un projet d’anthologie lancé par l’artiste visuel Pablo Poblete pour Unicités. Mais, au fond, je suis plus troublé par le mystère qui m’a fait écrire Faire neige ( poème lu et publié sur youtube, deux mois avant que la guerre n’ait commencé. C’est un poème de toutes les guerres, de toutes les angoisses devant l’arrivée des ennemis, invisibles encore, de toutes les situations des cœurs démunis face à la terreur occupante. Est-il engagé ? Ce n’est pas mon mot. J’espère seulement qu’il touche à de l’intime. Avec la part de croyance en ce qui va renaître, malgré tout.
Faire neige, poème de Dominique Soreente. La musique All the regrets est une composition de Loïk Brédolèse. Ce poème a été écrit par Dominique Sorrente à l'automne 2021 en résonance avec les vies d'oubli, notamment en Europe orientale. Il résonne aujourd'hui fortement à présent que se déroule sous nos yeux la tragédie ukrainienne. Il est dédié aux victimes inconnues de ce conflit. Son introduction (qui ne figure pas dans le présent enregistrement) dit ceci: "Tu m'as dit qu'il me suffirait de fermer les paupières pour que le monde me fasse signe. Alors, j'ai écrit ces mots-buées avant de me frotter à toi, mon amour." le 28 février 2022
Avec le Scriptorium, l’an passé, j’ai été sollicité sur le thème « Paix et Poésie » par la Maison Montolieu (un espace créé par les Jésuites dans les quartiers Nord de Marseille). Au-delà de ma propre intervention, j’ai proposé à quelques amis poètes du Scriptorium d’apporter leurs contributions. Ce qu’ils ont fait avec beaucoup de sensibilité et d’inventivité dans le propos. J’ai plaisir à citer leurs noms : Wahiba Bayoudia, Emmanuelle Sarrouy, Marc-Paul Poncet, Henri Perrier-Gustin, Nicolas Rouzet, Isabelle Alentour, Marc Ross. Une note du blog évoque ce moment qui, évidemment, mériterait un prolongement…
Permettez-moi de terminer par un poème « Give peace a chance ». Il est né à l’occasion de cette journée « Paix et Poésie » qui nous a réunis avec le Scriptorium.
Aujourd’hui, tout encore est à reprendre…
GIVE PEACE A CHANCE
Nous faisions partie de ceux-là,
ceux qui répétaient en chœur
"All we are saying is
give peace a chance", sans savoir de quoi était faite
cette chance, cette paix embrumée,
mais nous les appelions sur nous,
cette chance, cette paix,
cette façon d'éconduire la menace.
Nous avons inventé comme cela nos autels de fortune.
Nous écrivions des mots sourds, fervents, maladroits,
nous parlions de lampes et de sécession,
des barbelés d'hier et de ceux du présent,
et des tenailles miraculeuses.
Il y avait un cercle pour nous affranchir du malheur.
Nous y logions comme dans une arche
la grue en origami, le calumet et ses nuages,
la colombe qui fait retour, le rameau
d'après le Déluge,
la flamme entourée de ses pierres,
le fusil brisé, le coquelicot blanc,
le drapeau arc-en-ciel, tout ce qui appelait sur le monde brûlé
l'amour de vivre.
Cinquante ans ont passé, et les "plus jamais ça"
ont défilé d'un train à l'autre.
Et tout encore est à reprendre.
Comme si nous n'avions rien compris
des premiers mots du désir mimétique inscrit au cœur,
des courroies noires d'entraînement, des falsifications
au jour le jour,
des façons visibles ou secrètes
d'honorer
les dieux alpha-mâles des guerres
quand vient le règne des décombres.
Et tout encore est à reprendre,
à cette heure-là où les mots reviennent groggys
du voyage vers les scènes cruelles, oubliées, manifestes,
un peu plus troublés encore
d'avancer avec leur mémoire obstinée
et la longue suite de ceux qui n'ont pas
fini de vouloir les prononcer:
All we are saying is
give peace a chance.
Sud-Soudan, Sri Lanka, Colombie, Angola, Burundi,
Ukraine, Israël, Palestine...
Un sémaphore
agite ses bras d'enfant
comme sur un tarmac de refuge.
Au loin se récite
la légende des mille grues.
Il y a une main qui ôte la poussière
sur la Vierge de Nagasaki.
Tout ce que nous disons est:
donne une chance à la paix !