Un arti­cle de Solenn Real Moli­na et Miguel Angel Real

 

La pre­mière ques­tion que pose la revue cun­ni lin­gus est “mais que font le genre et la langue à la poésie”. Dans leur accueil-man­i­feste, cette pub­li­ca­tion revendique son inten­tion de “décon­stru­ire le phénomène de nat­u­ral­i­sa­tion des rôles femme-homme, qui con­di­tionne la recon­duc­tion de la dom­i­na­tion hétéro-patriarcale”. 

Il s’ag­it en effet de créer un espace où la réflex­ion sur le lan­gage soit le point de départ pour arriv­er à trans­former, retourn­er et ren­vers­er les normes de genre hétéro-sex­istes et binaires. Cun­ni lin­gus  se définit donc comme une revue poé­tique, queer et fémin­iste pour laque­lle le corps, la langue, la poésie émet­tent des mes­sages éminem­ment poli­tiques que per­son­ne ne peut ignorer.

On peut y trou­ver des objets textuels à lire, à écouter, des textes cri­tiques, théoriques, d’auteur·e·s vivant·e·s ou mort·e·s ain­si que des textes de créa­tion. Ces pro­duc­tions lit­téraires à dom­i­nante poé­tique peu­vent égale­ment revêtir un car­ac­tère pam­phlé­taire, expéri­men­tal, post-pornographique, ou de toute autre nature pro­pre à bous­culer la langue qui invis­i­bilise la présence, la place et le rôle dans la sphère publique et privée des per­son­nes qui ne ren­trent pas dans la caté­gorie homme hétéro-sex­uel cis­genre et celles qui sor­tent des caté­gories de genre : per­son­nes trans, inter­sexe, agen­rée, non-binaires.

Par­mi les arti­cles qui fig­urent dans la pub­li­ca­tion, réu­nis sous l’on­glet « à lire‑à écouter », on peut trou­ver des essais, comme celui d’Eliane Vien­not, extrait de son œuvre « Non, le mas­culin ne l’emporte pas sur le féminin ! : petite his­toire des résis­tances de la langue française » (Edi­tions Ixe). Sur la même tonal­ité, nous lisons « Femmes, poésie et démas­culin­i­sa­tion » de Chloé Richard.

Par ailleurs, Flo­ra Moricet, retrace l’his­toire de Danielle Col­lobert, écrivaine bre­tonne (1940–178) qui « a écrit des textes avec peu de mots, dans une langue chargée de sen­sa­tions, min­i­male et con­cise », avec « une écri­t­ure dense et mod­erne sur les lim­ites du langage ».

Le lan­gage poé­tique a toute sa place dans la plume de Murièle Camac, qui présente un extrait de son recueil inédit « Pas d’his­toire », ou dans l’in­ten­sité de la voix de Josée Yvon qui lit « filles-com­man­dos-bandées ». Citons aus­si le poème « Le e muette », de Marie Pierre Bipe Redon, qui s’in­scrit pleine­ment dans l’ob­jec­tif de la revue avec ses vers percutants :

Nous mon­trons nos seins pendants
Nous mon­trons nos langues à vif
Nous met­tons nos mains en cor­net devant nos bouches
pour crier encore plus fort
Nous relevons nos jupes,
Bais­sons nos pantalons
et pis­sons debout


Nous nous cla­m­ons d’abord
Et nous calmerons après.
Peut-être. 

 

De belles trou­vailles graphiques appa­rais­sent dans « La Ronde, en française dans le texte », qui à l’in­térieur d’un cal­ligramme rond explique que « La réveil a son­né tôt cette matine, elle y a des journées comme celle-là . » Notons aus­si la per­for­mance vocale de Béa­trice Brérot « QQOQCCPP sur le féminin »

La revue recueille aus­si des textes d’auteur·es comme Paul B. Pre­ci­a­do (« Fémin­isme amnésique »), qui nous par­le de la dom­i­na­tion du lan­gage dans la moder­nité, Gertrude Stein ou Vir­ginia Woolf.

Cun­ni lin­gus est en défini­tive une pub­li­ca­tion à suiv­re, qui pro­pose de met­tre en lumière des points de vue his­torique­ment et sociale­ment minorisés, invis­i­bil­isés ; ceux-ci appor­tent leur pierre à l’éd­i­fice d’une réflex­ion tout à fait néces­saire sur le lan­gage comme out­il poé­tique mais surtout comme catal­y­seur de change­ment social.

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Miguel Angel Real

Né en 1965, il pour­suit des études de français à l’Université de Val­ladol­id (Espagne), sa ville natale. Il tra­vaille en 1992 à l’Agence France Presse à Paris. Agrégé d’espagnol, il enseigne au Lycée de Cornouaille à Quim­per. En tant qu’au­teur, ses poèmes ont été pub­liés dans les revues La Gal­la Cien­cia, Fábu­la et Saigón (décem­bre 2018) (Espagne), Letralia (Venezuela), Marabun­ta, El Humo et La Piraña (Mex­ique), ain­si que dans l’an­tholo­gie de poésie brève “Gotas y hac­ha­zos” (Ed. PÁRAMO Espagne, décem­bre 2017). Les revues français­es “Le Cap­i­tal des Mots”, “Fes­ti­val Per­ma­nent des mots” “Lichen”,“La ter­rasse” et “Revue Méninge” ont égale­ment pub­lié cer­tains de ses poèmes en français, orig­in­aux ou traduits de l’es­pag­nol. Il a pub­lié en avril 2019 un recueil per­son­nel, Zoologías, aux édi­tions En Hui­da (Séville). Les édi­tions Sémaphore pub­lieront bien­tôt son recueil bilingue Comme un dé rond. Il fait par­tie du comité de rédac­tion de la revue poé­tique espag­nole Crátera. Il se con­sacre aus­si à la tra­duc­tion de poèmes, seul ou en col­lab­o­ra­tion avec Flo­rence Real ou Marceau Vasseur. Ses tra­duc­tions ont été pub­liées par de nom­breuses revues en France (Pas­sage d’en­cres, Le Cap­i­tal des mots, Mange-Monde), Espagne (La Gal­la Cien­cia, Crátera, El Colo­quio de los Per­rros) et Amérique (Low-Fi Arden­tia, Por­to Rico, La Piraña, Mex­ique). Dans cette dernière pub­li­ca­tion il dirige deux sec­tions de tra­duc­tion nom­mées « Le Piran­ha Transocéanique » (https://piranhamx.club/index.php/le-piranha-transoceanique) et « Ven­tana France­sa » (https://www.piranhamx.club/index.php/quienes-somos‑2/ventana-francesa) Tra­duc­tions pub­liées: — “Fauves” (Edi­to­r­i­al Corps Puce), poèmes de l’au­teur équa­to­rien RAMIRO OVIEDO (Traduit avec Marceau Vasseur, décem­bre 2017) — “Erra­tiques”, poèmes d’ANGÈLE CASANOVA, pho­tos de PHILIPPE MARTIN. Edi­tion bilingue. Édi­tions Pourquoi Viens-Tu Si Tard, octo­bre 2018 — “Les travaux de la nuit”, de PAUL SANDA. Édi­tion bilingue. Ed. Alcy­one, décem­bre 2018.