La Revue Ornata 5 et 5bis, et “Lac de Garance”
La gémellité sous-tend la création et la réalisation de la revue Ornata, et du premier opus des éditions Eurydema. "La version en ligne est l’espace de travail pour la revue papier" déclare le site : Ornata bis présente des textes en attente d’images et des images en attente de textes – elle précède donc la fort belle revue papier - sa jumelle accomplie – dont elle présente en format pdf des extraits fort alléchants, ainsi que la liste des images et textes (prose ou poèmes) en quête de leur double.
Ainsi pour ce numéro sont annoncées les propositions en attente d'images d'Irène Vekris, de Pauline Bourdaneil, Patrice Maltaverne, Roselyne Cusset, et Igor Quézel-Perron, ainsi que les images (acryliques) en attente de textes de Valérie Tournemine.
Les textes (prose et poèmes) d'Irène Vekris réapparaissent dans la version papier accompagnés d'images apportées par Sandrine Follère et Catherine Désirée et Valérie Tournemine trouve un pendant avec un texte de Denis Emorine.
Reste à imaginer le destin des orphelins sans besson – perdus? Non ; en attente de propositions retardataires pour un prochain numéro de la revue (( les contributions à envoyer à l'adresse indiquée sur le site :
https://www.eurydemaornataeditions.com/revue-ornata-en-ligne-5)) dont nous feuilletons maintenant le numéro papier. Superbe papier glacé qui donne aux images une belle profondeur.
On y découvre les magnifiques photos en n&b de Valérie Simonnet, "photographe de ville" au style expressionniste, transposant le réel avec un alphabet pictural dans lequel les contrastes et la profondeur du noir ajoutent une dimension surréelle aux sujets présentés. La première illustre la fin du poème "Exil" :
nous fuyons / derrière la vitre / la main / qui pourrait nous apaiser
les suivantes évoquent le vide et la disparition qui sont au coeur des deux autres textes.
Ceux de Géraldine Sébourdin sont accompagnés des peintures d'Audrey Chapon, platicienne mais aussi metteure en scène et fondatrice de la compagnie Lazlo, à Lille – leur collaboration se prolonge ailleurs, par la réalisation de la pièce Quatre-soeurs, en 2017.
Hans Limon et Hélène Desplechin conjuguent les images fluides et floues en noir et blanc de cette dernière à des poèmes évoquant les mêmes eaux mauvaises que décrivait Gaston Bachelard
en pieuvre abreuvée d'onde / en Ophélie féconde / en fée des eaux vagabondes / en plaie de lie nauséabonde ...
Sous le titre de "Mémoire consumée", Alexandre Nicolas et Olga Voscannelli conjuguent leurs imaginaires : les mots de l'un, sur l'effacement, la rêverie induite par la fumée de la cigarette, et les photos de l'autre, évoquant des flammes-corps sur le point de s'évanouir entre noir et couleur.
Le travail de Benjamin Godot et Sophie Moysan associe les poèmes de l'un avec les dessisn à la plume et encres noire de l'autre. (on imagine, car aucune information n'est donnée sur les techniques utilisées). Série de paysages, comme un carnet de voyage, sur un rivage de fin du monde.
Cette livraison se clôt sur un poème de Denis Emorine, intitulé "Marée Basse" ((erratum, envoyé par Denis Emorine : "ce poème n'est pas de moi. Il y a eu depuis impression d'un bon numéro, (avec la mention "erratum en page 53) qui fait correspondre, aux photos de Valérie Tournemine, In The Shadow" et "Burn out.")) , qu'accompagnent deux beaux portraits d'artistes de la photographe Valérie Tournemine. C'est peut-être le lien le plus ténu et l'on pourrait le penser le moins convaincant de l'ensemble des productions proposées, l'appariement étant ici contrarié également par le choix de titres différents pour chaque illustration – mais e l'intensité émotionnelle véhiculée autant par les photos que par le poème, évoquant "le fracas des voix / lorsque ta mort / a fait de moi / un petit garçon déchiré" - en longs échos pour le lecteur.
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Cette belle petite revue (petite par la taille) s'accompagne dans l'enveloppe que j'ai ouverte d'un livret aux mêmes dimensions, né des expériences des précédents numéros, intitulé "Lac de garance", et consacré aux "errances". Le thème y est développé par Valérie Chesnay au long de 16 illustrations en techniques mixtes (aquarelle, calques et dessin) aux couleurs sombres et dessins souvent estompés, comme sortant d'un rêve, et par Mical Anton, au fil de textes oniriques, dont l'univers se lie tout à fait à celui de l'artiste, si bien qu'on ne saurait décider – et c'est ainsi parfait – de la méthode (image puis dessin, ou le contraire) qui a présidé au recueil.
Dès la couverture, nous interrogent les yeux - lacs aux eaux profondes comme la mémoire – d’un portrait aux contrastes expressionnistes, la bouche barrée de l’ amer trait de couleur rouge qui souligne les mots du titre. Lac/laque d'un glacis dont la transparence permet d'apercevoir des détails enfouis, comme dans les paysages de Valérie Chesnay, l'image double portée par le titre nous entraîne dans une rêverie voyageuse ou se mêlent les temps et les lieux, à partir de cette évocation d'un enfant qui "à cause de Soutine, à cause du paradis / à cause de l'évidence et en dépit vraiment / de tout l'enfant qui viendra s'il doit venir / s'appellera garance laque de garance." Un beau travail d’édition qu’on salue avec plaisir, en attendant la suite.