La vision Claire de Jacques Josse
La poésie du Rennais Jacques Josse – né natif des Côtes-d’Armor – est à l’image de la peinture qui illustre la couverture de son livre : crépusculaire, entre chien et loup, dans un paysage où cohabitent taillis, bosquets, marécages, ruisseaux…
Avec, en toile de fond, quelque chose qui fait penser à des récifs sous un ciel sombre, à une côte découpée, à un pays (le Goëlo) qui a « le dos tourné à la Manche » mais qui se souvient « des pêcheurs perdus/dans des doris/fantômes/au large/de Terre-Neuve ».
Josse nous parle d’un territoire où s’ancre son écriture (aussi bien dans ses poèmes que dans ses nombreux récits). Territoire tout aussi mental qu’incarné dans lequel s’ébrouent des hommes et des femmes au bord de la rupture. A l’image de Georges, « sourire d’algues, barbe grise » qui « s’est pendu mardi soir ».
Et de tous ces hommes et de toutes ces femmes que le poète côtoie sur les quais, dans les rues, dans les chemins ou au bistrot, et qui ont tous un « besoin de consolation impossible à rassasier » (Stig Dagerman). Par chance, les bons samaritains existent là où on ne les attend pas forcément. A l’image de cette serveuse qui « filtre nos prières, nos pleurs »et qui « nous guidera aux creux des digitales, entre l’absence et la mélancolie ».
Jacques Josse, Vision claire
d’un semblant d’absence au monde,
éditions Le Réalgar (collection l’Orpiment),
www.lerealgar-editions.fr, 130 pages,
13 euros, Couverture : Jean-Luc Brignola,
peinture sur huile.
Mais la mort rôde qui « déplie l’agenda/des silences/à la page/du jour ». Car, « ici nul/ne s’exerce/à retenir le sang/des morts qui coule/sous les herbes ». Ainsi, lors d’un retour en voiture la nuit du côté de Plestan, raconte l’auteur, « c’est la ronde des gyrophares » car « un pantin démantibulé gisait recroquevillé sur le bord de la chaussée. Ciré jaune, bottes sales… »
Nous sommes tous, au fond, nous dit Jacques Josse, des « voyageurs égarés » sur cette terre, des « arpenteurs de solitude ». Mais pourtant, en dépit de tout, quelque chose persiste à clignoter (« les feux de la côte nord ont pris possession de l’obscurité »). Le « lieu désir » existe (« loin des ruines, des épaves »). Il faut s’employer, comme le fait sans doute le poète, à « colorer les ornières », garder « des étoiles dans le cœur », comme le il le dit en pensant à cet homme dont le « cœur a lâché la joie/pour l’ombre obscure d’un midi/qui s’est teinté de noir ».
De ses premiers recueils (dont on retrouve certaines traces dans ce nouveau livre) jusqu’à ses textes les plus récents, Jacques Josse se maintient sur une ligne de crête. Il déroule une partition, reconnaissable entre toutes (faite de textes brefs et bien frappés), pour conter les heurs et malheurs de notre être ici-bas.