Laetitia Extrémet, Nouveaux aquapoèmes

ÎLE

 

Ile, m’a semblé dans ta dérive
Mèches que le vent égare
Ta chevelure cuivre, tes rives
Et tes lunes éparses
Bruiner le givre à l’onde de tes yeux
Sur tes cils, tes ailes graciles
Qui papillonnent la baie de ton regard ;
A l’ogive des jours, j’ai vu hyaline
La danse de la pluie
Un rideau d’amertume assombrir
L’étende de tes beaux rivages
La lame fluer et refluer en ruisseaux
D’agates, tes larmes ;
Et dans tes coquillages j’entends
J’entends encore,
L’inconsolable mélancolie de tes vagues
L’orage
Ile que le vent égare,
J’entends
Dans ta chevelure cuivre, tes rives
L’évase et ton regard.

 

 

À MES CIEUX TES RIVIÈRES

 

Danse alors la pluie
Tes nuages à mes cieux
Gris, que la brise
N’a pas pu chasser,
Et aujourd’hui si j’ai mal
A ton onde versée
Maintenant que là
Ton cri ne m’est plus
Qu’un silence froissé,
Pour que cesse l’orage
De tes mots indicibles
Qui de toi me laissent
Vaine, vide,
Je peine à taire l’inverse, et
Même si je ne sais vers quel désert
Ton absence me mène
J’aurai pour étancher ma soif
A mes yeux tes rivières
Que la brise
L’effleurement du vent sur mes cils
N’aura pas pu sécher.

 

 

TES YEUX INSULAIRES

 

Et je boirai tes rivières
Les lunes qui perlent aux agates de tes yeux
Quand tu baisses les rideaux de tes cils
Sur tes bleus océans,

Je boirai tes rivières
Déversées sur les grèves de tes sables clairs
Je remonterai le cours de tes aiguières
Pour puiser à la source de tes aquarelles,

A l’épanchement de tes fenêtres
Là tout au bord, je resterai
Pour abriter les orages                                                                                                                      
Et les petits moutons blancs
De tes flots firmaments,

En ton âme diluvienne
J’irai prier les sirènes
Et pleurer les fontaines
De tes îles noyées.

 

 

AU LARGE DE MES ASSECS

 

Où courais-je
Que le vent m’éparpille
Désagrège les pages
Furieusement scellées
De trop de résonnances
Cousues à mes oreilles
Et de beaucoup d’orages
Pour me réconcilier
Avec les mots échoués
Qui m’ont disséminée,

Où courais-je
Et m’avale cette eau
Que je voudrais voguer
Pour étancher la vague
Goûter au plus profond
De la page gravée
Que le vent éparpille
Au large de mes assecs
Et dont l’écho résonne
D’une rage muette,

Où courais-je
Et pourquoi ces gravas
Sur ma grève séchée.

 

 

ALLUVIONS

 

Je n’irai plus
Vêtue de goémons
Mon âme effilochée
Frayer les chemins d’algues
M’enfoncer dans la boue
Dans la poussière d’argile
Et dans les illusions ;

Je n’irai plus risquer l’envasement
Suffoquer dans la tourbe,
Sombrer dans la ravine,
Gît dans son lit mon ombre
Le dépôt de mes armes
Mes liquides amarres
Et quelques alluvions ;

Je voulais juste éprouver l’infertile
Et voir la pluie tomber
Tant pis je n’irai plus.

 

 

 

Présentation de l’auteur

Laetitia Extrémet

Textes

Laetitia Extrémet est professeur d’histoire-géographie dans un lycée à Marseille après avoir été journaliste en presse écrite. Venue récemment à l’écriture de poèmes, ceux-ci ici présentés font partie d’un ensemble d’« Aquapoèmes » à paraître aux éditions « Le chat polaire »  en mai 2020. Certains d’entre eux ont déjà été publiés dans des revues de poésie contemporaine.

Publications :

Poésie/première n° 73 / Avril 2019

Le Capital des Mots /Avril 2019

Possibles n° 45 / Juin 2019

Lichen n°40 / Septembre 2019 

Lichen  n°41 / Octobre 2019 

Ressacs n°3 / Novembre 2019

Le Coquelicot (revue franco-américaine) n°1 / Novembre 2019 

 

© Laetitia Extrémet -DR

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