Laurent Cennamo, Pierres que la mer a consumées
Beau projet que d’évoquer par un essai libre, autobiographique et forcément personnel, les toiles de son père Fausto (1950), né près de Rome.
En petites notes aiguës, le fils Laurent annote, commente, analyse prolonge les œuvres du père. Petits tableaux énigmatiques à l’aune de ceux du père, artiste qui joue de sobriété dans ces acryliques sur papier kraft, des années 2000. « Doloroso », « Le vieux Chinois ».
C’est aussi à une réflexion sur l’acte de peindre que se livre Laurent Cennamo, cernant au travers des réalisations de son père les grandes lignes d’une esthétique, révélatrice de l’enfance et d’influences (Picasso, Tapiès, Gris, Burri, entre autres). Amour du père pour la peinture cubiste.
Peindre : effleurer des lèvres, dans la nuit, chuchoter à l’oreille des fantômes (p.34).
La peinture, alors : flèche qui traverse les mondes (p.69)
Grande attention portée au bord, à la bordure (délicatement déchirée ici, là plus tranchante, menaçante) (p.40)
De proche en proche, le fils réussit à traiter de toute cette matière picturale avec les outils de la poésie, ceux de l’analyse picturale, ceux encore de la vénération filiale : telle couleur (le bleu extraordinaire à la Modigliani), telle forme coulée, tel refus, ces visages voilés ou cryptés. L’acuité est saisissante, celle qui arrive à évoquer sans alourdir, sans évacuer la part de mystère et d’étrangeté.
Bel hommage, sans cesse revivifié des atouts de l’observation élémentaire, au sens bachelardien.