Laurent Mourey, Cet oubli maintenant

pas un au-delà mais l’échappée
un souffle nous détache comme on surveille
le jour et sa limpidité nous rend aveugle
un nord s’inscrit dans ses visages et tu tournes
encore au travers ni un exil tu sais que jamais
assez n’avons navigué ni un naufrage ô
mémoire  

 

Il y a à lire Laurent Mourey toute une écoute de la voix. Du continu de la voix dans le langage et la vie. D’un continu qui fait poèmes D’un œil, le monde (L’Atelier du Grand Tétras, 2012) à C’est pourquoi voler (Contre-allées, 2014), à Cet oubli maintenant (éd. du Cygne, 2020). Cet oubli maintenant actualise cette écoute de la voix dans le poème comme passage de la voix du passé vers l’avenir. Expérience que Laurent Mourey qualifie de « poésie résolument dialogique » en citant en exergue de son recueil un extrait des Essais de Montaigne s’intitulant de l’exercitation. Texte qui donne toute son importance au langage et au corps dans son rapport à l’autre et au monde. Constitutif d’un trouble entre l’état de veille et de sommeil dans le langage. Écoute que Laurent Mourey renouvelle dans l’écrire de ses poèmes : « ce quelque chose dans ta voix/ ce trouble m’efface/ sans m’annuler je disparais/ en toi ce lieu n’existe que/ de venir je répète que sortir/ de moi c’est sortir/ de toi ».

Laurent Mourey, Cet oubli maintenant, Editions du Cygne, 52 pages, 10,00 €.

 

Ou bien : « ce trouble m’efface je disparais/ sans m’annuler de tant venir/ tu n’en finis pas de sortir/ de moi et moi de sortir/ de toi et de venir et d’aller/ dans tes mouvements/ de voix ». Qui en tant que trouble manifeste n’est plus nommer avec la tête, mais suggérer avec tout le corps : « je t’appelle qu’est-ce que je fais d’autre/ sinon donner tant de noms/ à tous les noms dont ton nom/ et l’oubli et le don qu’est-ce/ que je fais d’autre que des tours/ et des tours de questions autour/ de nous ». Qui est tout le travail du connu vers l’inconnu : « vivre tu viens tu souffles/ des infinitifs dans tes gestes/ et fais comme s’élever/ des précipices de quoi nous sommes/ des fragments en passe de devenir/ l’infini de bouche à bouche pour ce qui n’a pas/ de nom ». Poèmes dans lesquelles Laurent Mourey excelle à dire les silences et à vivre l’oralité des voix. Leur pluralité, leur altérité, leur résonance. Qui fait entendre aujourd’hui dans la littérature une voix qui impose sa singularité.