On savait déjà que Philippe Walter, ancien professeur à l’Université de Grenoble, et, dans le sillage de Gilbert Durand, animateur des CRI (Centres de recherches sur l’Imaginaire), était un fin connaisseur de toute la littérature médiévale. On savait aussi, depuis son étude parue chez Artus, de la légende de Tristan et Iseut, puis ses considérations sur les « équivalents » écossais et irlandais du Merlin britonnique, qu’il était parfaitement au courant de la mythologie celte qui — au prix très souvent d’une christianisation et d’une « féodalisation » forcées — a donné ce que nous avons pris l’habitude de nommer la « matière de Bretagne ».
Or, voici que, coup sur coup, deux essais parus sur Merlin et sur le roi Arthur, et sur tous les mythes qui entourent ce dernier, ou qui relèvent plus ou moins de lui, viennent, si le besoin en était, conforter cette opinion…
Sans oublier, bien sûr, que le nom d’Arthur dérive d’une vieille racine indo-européenne art, que l’on rencontre par exemple chez la « grecque » Artémis (on ne sera donc pas étonné de trouver une Artémis braurania, autrement dit, une Artémis ursine), dans le nom des Ardennes (qui vient d’une ancienne divinité Art-uinna), ou chez ce roi d’Irlande qui avait tout simplement Art pour nom, de la même manière que son fils est connu comme Cormac mac Art. Ni sans oublier que, par rapport au Cheval (il suffit de penser au Tristan où le roi Marc est un cheval — ce que veut dire très exactement son nom), l’Ours jouit d’une royauté suprême, entée sur l’Autre Monde et sur l’immortalité, si ce n’est sur l’éternité du Divin qui régit le cosmos, qui dépasse la simple royauté du cheval…
C’est de tout cela que nous entretient Philippe Walter, nous obligeant à prendre en compte que, si nous sommes bien les enfants de Rome, d’Athènes et de Jérusalem, nous sommes aussi pétris de ces rêves qu’ont transportées avec elles les tribus venues des courbes du Danube.
Il ne suffit pas de dire, comme nous l’avons répété durant des décennies, «nos ancêtres les Gaulois », mais de prendre conscience (le De Bello Gallico de César ne nous le démontrait-il pas déjà à l’envie ?), de tout ce dont nous sommes redevables aux Celtes — et particulièrement des socles de nos imaginations et de nos croyances les plus profondes.
Michel Cazenave a publié Le Bel amour chez Recours au Poème éditeurs
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