Qui, honnêtement n’a jamais entendu parler de Mohammed Taleb — ce soufi d’origine algérienne, sectateur de Carl Gustav Jung, et plus précisément de la psychologie archétypale développée par l’américain James Hillmann à Zurich, puis aux Etats-Unis, et, tout du long, lors des rencontres d’Ascona en Suisse italienne — tout autant passionné par l’immense philosophe Alfred North Whitehead, et par le héraut de la contre-culture que fut quelqu’un comme Theodor Roszak ?
Or, on voit bien ce qui les relie tous les uns aux autres : la croyance, dure comme fer, à ce que depuis Plotin, et surtout depuis le « Timée » de Platon, il est convenu d’appeler l’Ame du monde. Autrement dit, la façon dont nous participons tous d’une âme universelle, qui nous met en contact avec l’ « Intellect divin » dont nous sommes issus, et avec l’intégralité du cosmos. Est-ce pour rien, de ce point de vue que, voici déjà quelques années, Mohammed Taleb avait fait publier les entretiens qu’il avait menés sur le thème « Sciences et archétypes » ? (En se rappelant quelle est l’occurrence multiforme de ce dernier mot dans toute la pensée dite « néoplatonicienne »).
Et voici qu’il récidive aujourd’hui en nous présentant tous les « chefs de file » de ce courant, en ne s’interdisant surtout pas de rechercher comme ils ont anticipé (et influé sur) certains développements de la réflexion moderne.
D’ailleurs, la couverture du livre ne nous en prévient-elle pas tout de suite, qui porte : «De Plotin à Henry-David Thoreau / D’Ibn Arabi à Rabindranath Tagore / De Hadewijch d’Anvers à Carl Gustav Jung » ?
C’est ainsi à un véritable tour du monde que nous sommes invités, à comparer les voies cosmiques de l’Orient et de l’Occident, à nous rassasier de poésie (car quasiment tous les auteurs, qu’ils écrivissent en prose ou en « vers », furent de grands poètes — ou de grandes poétesses), et à redécouvrir (nous le savions déjà, mais il est toujours bon de le rappeler), le rôle déterminant que joua la pensée musulmane dans notre accession à la raison — forcément différente de ce que nous nommons l’ « intellectus » — et à un style de prise en compte de l’Univers que notre culture avait sans doute oublié.
Faut-il dès lors s’étonner que les évocations se terminent aujourd’hui, de l’importance accordée au grand Romantisme allemand, et d’une section de ce livre entièrement vouée à l’Islam ? Non, sans doute. Et, de Jung et de ses navigations sur le lac de Zurich, ou de sa manière de rencontrer les dieux lares dans le feu qu’il allumait dans sa tour de Bollingen, à Gilbert Durand et à la maison fortifiée qu’il habitait près de la frontière italienne, on comprend mieux pourquoi Taleb se réclame de ce qu’il appelle une « écopsychologie » qui respecterait tout autant la Nature que la réalité de notre âme…
Bref, un livre à lire de toute urgence — ne fût-ce que pour nous faire réfléchir et (bien) rêver !
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