Le Bel amour (27), La vérité du poète (sur Max Jacob)

 

 

On sait bien toute la place qu’occupa Max Jacob dans le panorama de la poésie du XX° siècle - et encore beaucoup plus, tant il eut un génie protéiforme. On ne s’étonnera donc pas de voir Jean Cocteau s’intéresser à lui et le faire publier, - du moins quant à ses Méditations religieuses et à L’Homme de Cristal.

Or, ce sont précisément les recueils que nous rendent aujourd’hui les éditions de la Table Ronde, augmentés du texte d’une conférence inédite à l’époque tenue (en 1937) par M. Jacob,  La Vérité du Poète, et accompagnés de dessins de l’auteur, ainsi que des savants commentaires et aperçus d’un professeur de Littérature Française à l’Université de Lausanne, Antonio Rodriguez.

On sait aussi bien quels furent les rapports étroits de Jacob avec tout le mouvement cubiste (ce n’est certes pas pour rien qu’il fréquenta tant Picasso et qu’il habita le Bateau Lavoir, auquel il donna d’ailleurs le nom qui lui est resté) et, de toute manière, les cercles les plus « avancés » du siècle passé : il vit beaucoup Apollinaire avant que celui-ci ne mourût à la « Grande guerre » (c’était, se souvient-il dans sa conférence, Picasso qui le lui avait présenté) comme il s’entretint de nombreuses fois avec quelqu’un comme Braque, dont on connaît toute l’importance, de même qu’avec les cercles intellectuels qui fréquentaient alors le quartier Montparnasse (on n’en était pas encore aux réunions germanopratines de l’après-seconde-guerre-mondiale) : ce fut de la sorte qu’il rencontra des gens comme Derain ou comme Modigliani.

On sait encore comme, en tant que poète justement, Max Jacob fut tenté par toute la doctrine catholique : n’avait-il pas aperçu le Christ en personne durant quelques-unes de ses visions, et, bien que juif de naissance, ne s’était-il pas fait baptiser… avec Picasso comme parrain ?

Hélas ! Les nazis ne plaisantaient pas avec les origines : et comme, dès 1942, Jacob fut obligé de porter l’étoile jaune, il fut arrêté par les Allemands, et déporté à Drancy, où il termina sa vie.

Et, autant qu’il eut des amours tumultueuses avec certains hommes (ah ! cette liaison avec Maurice Sachs !), on s’aperçoit vite comme Jacob fut toujours poursuivi par ses aspirations religieuses - ou faut-il simplement dire qu’il fut la proie de ses rêveries sur un autre monde qui aurait dépassé le nôtre ?

A témoin, ces lignes, tirées des Méditations religieuses, sous le titre « Païens et chrétiens » : « L’orgueil à la cuirasse d’or lance des flammes qui blessent. Il est le frère de la colère, laquelle empourpre le ciel accablé d’une atmosphère lourde et vénéneuse et détruit la nature créée par Dieu. L’orgueil et la colère accomplissent l’œuvre épidémique du démon, ils font fuir la douceur de Dieu, finissent par la convulsion. Montrez-leur l’humilité au bas de la croix : l’orgueil et la colère sont des nuages d’où sortent les flèches de la médisance, de l’aigreur ; le fiel du dédain coule comme la pluie de ces nuages et arrose la terre de la susceptibilité, de la vanité, empanachées d’arbres maigres. »