Le bleu de Max Alhau
Aujourd'hui, face aux signes de bouleversements de civilisation, pour ne pas dire de déconstruction de l'être occidentalisé, la langue de Max Alhau en son dernier recueil Du bleu dans la mémoire peut nous venir en aide. Il n'est qu'à lire les évènements du monde avec en palimpseste ce livre de poèmes pour apprécier ce qui se joue à tous les niveaux de la parole humaine. Une course à l'abîme, d'un côté. De l'autre le souci de préparer d'ores et déjà un relèvement.
Du bleu dans la mémoire est un beau recueil de poèmes composé de quatre parties. La première, étonnamment, s'appelle "Pays" et l'on appréciera ce que le poète, dans cette notion, y charge d'épaisseur. Quatre parties, comme un hommage aux quatre coins du monde, mais un monde à la frontière du concret et de l'abstrait, du concept et de l'imaginaire, du complexe et des simples.
La parole d'Alhau, rehaussée par les encres d'Hélène Baumel, est un poème prêt à franchir le revers de l'être et, ainsi se retournant sur ses pas avec un vent de nostalgie, pousse son souffle vers la rosée d'une aube abolissant le temps, et le noir de toute vie passée. La nostalgie douce semble attendre, dans la vivacité de la mémoire où scintille le bleu, l'instant qui la délivrera. Le pays de la parole, de l'être, donc, est celui du souffle emplissant de sérénité la vie intérieure.
Il te suffit d'avancer
vers une clairière
encore à défricher
pour espérer y faire halte
et déporter le malheur.
Il s'agit ici d'espérer sans attendre, secret pour continuer de cheminer, le regard avivé par une source claire. La quatrième partie du livre est nommé La voyageuse. Est-elle l'âme, la poésie, l'inconscience, la conscience ou la femme ? Tout cela sans doute, et peut-être l'éternel féminin s'aventurant
de l'autre côté du fleuve
dans ces près où jamais
la nuit ne prend ses quartiers.
En ces moments cacophoniques, la parole de Max Alhau, et la couleur de la mémoire qu'il nous rend, sont une chance. Il sait, sage, se poster là "où l'aube ouvre la voie". Notre monde aurait bien besoin d'une voie praticable, indiquée par de vrais adultes. Celle d'Alhau est d'espérance. Celle qui sait diluer discrètement la nostalgie sans se départir tout à fait de l'inquiétude quant au revers de l'existence.
Le chemin est appelé par une couleur au delà du noir, au delà du gris, et ce bleu officiant en guide met en mouvement pour le dépassement du malheur. Et de l'autre côté du malheur, poètes, construisons la joie.