Dans le TGV en direc­tion de Paris, page 3 du carnet :

C’est hier. C’est aujourd’hui. Je suis pareil aux autres : en ce matin de jan­vi­er, je viens de décou­vrir la neige : bon­heur et innocence.

Salle d’attente, chez le médecin, sous un gros soleil dess­iné au crayon :

Camion­neur, je m’invente une route sans des­ti­na­tion. J’ai le soleil sur ma peau et des rires pleins les cheveux.

 Après la vis­ite du Cen­tre Péni­ten­ti­aire de Béziers :

Rien à manger. Rien à boire. Je vous recom­mande la lumière intérieure. Le ciel entre par les barreaux.

Je porte en moi un poète mort qui n’a jamais réus­si à met­tre au monde la poésie.

Un matin, après être allé acheter des salades sur le marché :

Dans le sac de mon sourire, il y a un œuf, peut-être la ville, quelques herbes folles. Des poireaux.

C’est vrai que je suis d’un autre âge. Je ressem­ble à un singe au paradis.

Sur une page, à côté d’une phrase  de Pierre Reverdy recopiée au stylo :

J’aime le vin. C’est un risque à courir car aimer déchaîne les forces de l’esprit.

Plus loin, un matin d’été au Vigan :

Qu’il repose en révolte l’enfant qui refu­sait que les arbres souf­frent. Que la nuit soit son verger.

Au salon de la biogra­phie à Nîmes, au bas d’une page du carnet :

La poésie ne mène nulle part si l’on oublie qu’elle est la part heureuse de l’homme. La part inquiète de son bonheur.

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