Dans ce recueil, le poète Pascal Boulanger poursuit son travail d’affrontement avec le nihilisme contemporain, travail mené depuis Tacite, recueil édité par Flammarion en 2001. On ne sera donc pas surpris, de ce point de vue, de voir paraître ce lierre et la foudre chez Corlevour, par ailleurs éditeur de l’excellente revue Nunc. La poésie de Boulanger met le Poème en situation face au monde contemporain, déconstructeur, assassin du sens et du profond au profit de l’immédiateté illusoire de… de quoi au fait ? De rien. C’est cela, dans cette poésie, le monde que nous vivons, un prolongement en nous et autour de nous du réel de l’Enfer. Ainsi, la poésie de Boulanger est tout sauf écriture du compromis avec notre monde (aussi étrange que cela paraisse, ce type de poésie du compromis connaît une certaine vogue). Les textes du poète vont au profond des choses et de l’être, en poésie de l’affrontement, du combat même, le poète ne rejetterait certainement pas ce mot, ou de la réactivation dans l’instant présent du combat essentiel du vrai contre le faux se faisant passer pour le vrai. Et n’y parvenant malheureusement que trop bien. Nous sommes en guerre semble dire le poète, en écho à la guerre sainte de Daumal, mais alors, ici, une guerre tout autant intérieure que poussée dans la réalité extérieure, une guerre de la totalité de l’être au sein de la totalité du nihilisme.
Il a y aussi, en écho, dans la poésie de Boulanger, un christianisme poétique, ce qu’il est par nature au fond, ainsi que les phrases éloignées de Debord, Cendrars ou Baudrillard. Muray aussi. Et la guerre menée contre le Simulacre imposé par le Spectaculaire. Le poète repère, à l’instar d’autres poètes encore trop rares, trop peu visibles, la vérité de la réalité : une image qui parvient à se faire croire à elle-même qu’elle réussit à passer pour le vrai. Quoi d’autre que la poésie pour dire une complexité pareille ? Et c’est pour accompagner la renaissance du réel contre ce simulacre que le poète écrit comme l’on pousse un cri :
Là où l’on se trouve
Ne se trouve plus le monde
L’apparence simple de ces deux vers n’est qu’apparence, il y est dit beaucoup. Et c’est beaucoup de souffrance. Beaucoup d’éveil aussi.
Lisant Pascal Boulanger, on lira une poésie politique, au sens noble et profond de ce terme, engagée même, contre le processus de déconstruction à l’œuvre dans nos vies. Et l’on se rappellera d’autres poésies, en d’autres temps de résistance à d’autres formes de nihilisme, des poésies qui font vivre.