Alain Santacreu, Le manuscrit de l’Ami
Partir d’un grand éclat de vide
Se perdre
Lecture hauturière
Résurrectionnelle
Sans reprendre haleine
À tombeau ouvert
Dans le manuscrit de l’Ami
Remonter patiemment le fleuve
Exsangue de la pensée
L’eau amnésique du Léthé
Jusqu’à l’anamnèse du Verbe
La source amniotique de l’Aletheia
La Vérité n’est pas un secret
La croyance au secret produit le pouvoir
Ami délivrons-nous de la doxa des livres
Des milliers de lignes de forces qui magnétisent
Nos corps
La pensée n’est jamais neuve et fonctionne toujours
Dans le champ du connu incapable d’appréhender
L’inédit que seul le manuscrit peut transcrire
Ensemble
Crevons l’abcès des crépuscules
Car le moi est haïssable
L’orgueil du jour gonfle avec l’aurore et la cellule de la nuit
Grouille de nos rêves
Le moi est une coagulation de rôles que la pensée engendre
Sans l’Ami je n’aurais été que cet homme tenant la porte à d’autres
Un portier les incitant à franchir un seuil dont il ne sait rien
Mais je suis maintenant le lisant de l’Ami
Au seuil il faut mourir sinon la vie passe outre
Briser le miroir sans tain de l’écriture
Tomber le masque
Donner sa chair à dévorer
Se faire être jusqu’à l’omphalos de l’Incréé
En lisant mes yeux suivent
La courbe concave de l’Amour qui transfigure
Les signes à la source des choses
Il n’est plus le pays qui a perdu sa langue
Sans pays une langue n’est plus réelle
Le manuscrit de l’Ami traduit une langue qui fut parlée
Jadis dans un pays
Aujourd’hui plongé dans une obscurité profonde
Dans une une terrible noirceur
Une langue traduite qui doit se lire autrement
Ami qui peut seul me dire – car Il parle par nous.