Note : Le principe de cette chronique est le suivant : Matthieu Gosztola écrit à chaque fois un poème « sur » l’œuvre d’un poète contemporain. Ce poème a pour fonction, de par et le sens qu’il véhicule et le recours à la forme qui le constitue en tant que poème, de dire quelque chose de cette œuvre et de son mouvement.
A la suite de son propre poème, Matthieu Gosztola propose plusieurs poèmes du poète en question.
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le
fracas
d’un monde
qui se ferme
le
monde
notre
monde
le fracas
intérieur
d’un monde
qui se
et qui
nous
*
le
fracas
entraîne
en son
fond
ce qui
en nous
est vivant
c’est
*
l’
impossible
à penser
cet impensable
qui englobe
tout
et qui
nous fait perdre
le sens
perdre
jusqu’à
la signification
des
phrases
c’
est
*
c’est la
mort
d’un enfant
son
enfant
mort
que dit
le poème
par séquences
par chants
*
l’impossible
à dire
se
retrouve
jusque
dans le
prénom
martin
devenu
petit m‑pêcheur
*
qui
s’envole
toujours
au-dessus de
quel
paysage
et
revient
*
mais
bernard chambaz
fait sur
tout
avancer
la vie
par
le poème
*
avec
lui
*
faire avancer
la vie
avec le poème
qui vient
dire les
voyages
: l’embrasement
doux
du
corps avec
le feu
de
l’
espace
douce
ment vécu
*
chambaz
porte
l’amour
dans
le
poème son
amour
pour
une
femme
*
attachement
qu’on ne peut
pas
altérer
vécu
dans la candeur
d’un renouveau
perpétuel
comme
si tous les jours
étaient le premier
jour
*
l’amour
d’une
vie qui
fait
que la vie
va avec la vie
sans
un heurt
qui soit
la fin
*
celle
de
la
beauté
*
reprenons
résumons
été de
chambaz :
la mort
une mort
-
la mort
est
un texte
ouvert
qui contient
un vide
dé
mesuré
que le
poème
fait
chanter
par
séquences
-
mais
la vie
module
notre chant
de
vie
en
nous
notre
chant
de
vie
-
la vie
le poème
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Sélection de poèmes de Bernard Chambaz par Matthieu Gosztola
Hier l’Ascension
Un bon jour pour monter
Là-haut
Voir ce que sont devenues nos fleurs
A cause du soleil qui ne démord pas
Même la nuit
Il fait chaud
Pour tout le monde les fleurs le Fils mort sur son petit
Nuage peint au jaune d’œuf à même le mur d’église
L’amande la mandoline
Murmure je t’abandonne monmousseau
Mon petit m‑pêcheur
Comment faites-vous cher Nanni Moretti pour arborer
un sourire pareil et lever les bras en signe de triomphe
Oui comment
et nous deux à Monmousseau
agenouillés au-dessus
du vide
occupés à
nettoyer effeuiller redisposer arroser essuyer
ne pas penser
le moins possible et parler un peu
les fois où ça ne va pas trop mal
verser
les seaux d’eau
pas loin du soir
parce qu’il fait beau et chaud depuis une semaine sans
désemparer
comme tant
d’étés où nous avons tous les cinq grandi
« Séquence 153 », Eté
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Petit cumulus évaporé dans cette fin d’après-midi
D’une fin d’été
Le même début
Juin quand tu joues (à être) immortelle
Un ciel nu la lingerie devenue inutile
La lune qui volerait
Vers
Ton petit colibri émouvant
Mon cœur prêt à sortir de sa cage
Grain de beauté grain de la peau encore
Impensablement douce sous ma paume
Les mots situés
Dans le vers comme
Une vibration obstinée un ensemble d’accords
Qui ressemble à ce que nous sommes. A ce que
Nous serons tant que nous serons
En vie
Et le blanc disséminé en chaque poème
Suggère qu’on s’aime comme on s’aime
Avec pas trop de calme
Et que la terre entière
Va à l’aventure
Une pluie rose
Ton petit colibri décidément sensationnel
« Séquence 156 », Eté
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à partir de rien
(était le titre)
et rien c’était même pas la nuit
même pas l’été
et pas un nuage (dans le ciel à perte d’horizon)
pas même une chose
on aurait pu imaginer un fruit une assiette
le courant d’air dans les rideaux
qui s’envolent qui découvrent une chambre
où les amants
ne font rien
d’autre qu’aimer
sans fin tant qu’un soupçon de violent roucoulis
nous maintiendra en vie
« Séquence 298 », Eté
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hôtel de passage où nous sommes
face au japon
moi à la fenêtre
regardant la rue vide côté japon toi
nue sauf les socquettes
allongée sur le lit
sous un chromo fluorescent de chutes d’eau
au beau milieu du jardin de la longévité
épluchant un pamplemousse
qui sera notre dîner
« Séquence 654 », Eté II
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assise sur le bord du lit
de dos
en slip rouge
bordeaux
face à la bibliothèque
tu te penches en avant pour peindre
tes ongles
du pied droit
laque incolore
« Séquence 709 », Eté II
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comment j’avais trouvé
les petits faons.
je ne sais plus. où ?
forcément dans l’ancien
testament pour je ne sais
pas davantage
quelle peinture. en tout cas
c’était bien trouvé.
par nature ils frémissent.
sous le tissu
ou sous la main.
depuis les petits faons
ne cessent de me hanter
en soi
et comme petits faons
« Séquence 739 », Eté II
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il n’y a pas de consolation à attendre
nous sommes inconsolables.
point
à la
ligne
(.)
le chagrin s’est atténué mais il reste vrillé. nous restons désolés et désespérés d’être sans aucun espoir de te revoir mais c’est comme ça. pas question d’en faire notre deuil, de s’y faire, comme si nous devions renoncer, comme s’il était aberrant que « nous ne (sachions) renoncer à rien », comme si notre petit m‑pêcheur c’était rien, comme si notre petit m‑pêcheur n’était rien, comme s’il y avait un temps pour ça, le deuil, et un temps pour passer à autre chose. j’ai le sentiment que nous restons endeuillés, en deuil, non pas l’apparence, l’habit, le brassard de crêpe noir ou demi-noir, ni le visage car l’expérience prouve que la tristesse ne se voit pas vraiment, non pas l’apparence mais la substance, le dedans endeuillé, navré, même si nous savons faire bonne figure et agréer la gratitude et la douceur de ce qui fut.
« Séquence 807 », Eté II
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savez-vous la nouvelle ?
non. on ne sait jamais la nouvelle.
pourtant.
garcia lorca qui va mourir est déjà mort.
le choeur des femmes
dit qu’il fera bon tout l’été.
mais qui est ce garcia lorca ?
desnos répond
c’est vous-mêmes
« Séquence 839 », Eté II
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Bernard Chambaz est né à Boulogne-Billancourt en 1949. Après une agrégation de lettres modernes et d’histoire, il se tourne vers l’écriture. Et fait paraître une œuvre importante, au sein de laquelle se trouvent les ouvrages suivants :
Poésie
•& le plus grand poème par-dessus bord jeté, Seghers, 1983
•Corpus, Messidor, 1985
•Vers l’infini milieu des années quatre-vingt, Seghers, 1987
•Italiques deux, Seghers, 1992
•Entre-temps, Flammarion, 1997
•Échoir, Flammarion, 1999
•Été, Flammarion, 2005 (prix Guillaume-Apollinaire 2005)
•Été II, Flammarion, 2010
Essais
•Le Principe Renaissance, la Sétérée, 1987
•La Dialectique Véronèse, La Sétérée, 1989
•Œil noir (Degas), Flohic, 1999
•Autoportrait sous les arbres, Flohic, 2001
•La Déposition, avec Jean-Pierre Schneider aux éditions Le Temps qu’il fait, 2003
•Ecce Homo (Rembrandt), Desclée de Brouwer, 2006
•Petite philosophie du vélo, Milan, 2008
•Plonger, Gallimard, 2011
•Caro carissimo Puccini, Gallimard, 2012
Romans
•L’Arbre de vies, F. Bourin-Julliard, 1992 ; Points-Seuil, 1997 (Prix Goncourt du premier roman)
•L’Orgue de Barbarie, éditions du Seuil, 1995 ; Points, 1996
•La Tristesse du roi, éditions du Seuil, 1997
•Le Pardon aux oiseaux, éditions du Seuil, 1998
•Une fin d’après-midi dans les jardins du zoo, éditions du Seuil, 2000
•Komsomol, éditions du Seuil, 2000
•Quelle histoire !, éditions du Seuil, 2001
•Yankee, Panama, 2008
Récits de voyage
•Petit voyage d’Alma-Ata à Achkhabad, éditions du Seuil, 2003
•À mon tour, éditions du Seuil, 2003
Récits
•Martin cet été, Julliard, 1994
•Kinopanorama, Panama, 2005
•Evviva l’Italia : ballade, Éditions Panama, 2007
•Ghetto, éditions du Seuil, 2010
Littérature jeunesse
•Le Match de foot qui dura tout un été, illustrations de Zaü, Éditions Rue du monde, 2002
•Le Tour de France sur mon petit vélo jaune, illustrations de Zaü, Éditions Rue du monde, 2003
•Les J.O., les dieux grecs et moi, illustrations de Zaü, Éditions Rue du monde, 2004
Divers
•L’Humanité (1904–2004), Éditions du Seuil, 2004
•Des nuages, Éditions du Seuil, 2006
•Les Vingt Glorieuses, photographies de Paul Almasy, Éditions du Seuil, 2007
- Notre songe, 31–34 (fin) - 13 juillet 2016
- Notre songe 26 à 30 - 30 juin 2016
- Notre songe : 21 à 25 - 17 juin 2016
- Notre songe 16 à 20 - 31 mai 2016
- Notre Songe 11 à 15 - 13 mai 2016
- Notre songe, 5–10 - 3 mai 2016
- Notre songe 1 à 4 - 4 avril 2016
- Le poème pour dire les poètes contemporains, 8 : la poésie d’Olivier Barbarant - 15 mars 2014
- Le poème pour dire les poètes contemporains (7) La poésie d’Éric Sautou - 20 janvier 2014
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- Le poème pour dire les poètes contemporains (1) - 30 août 2013
- Sous le souffle de la flamme - 30 juin 2013
- Terre à Ciel - 20 janvier 2013
- Jean Maison, “Fragment” - 11 juillet 2012