L’une des moitiés du lit est vide.
Le coussin y repose pourtant,
la couverture pliée avec soin,
et la serviette, au bout du lit.
Cela provoque toujours de l’attente
en moi,
comme si à tout instant
déboulait quelqu’un,
ici,
dans cet appartement,
où je passe mes vacances d’été,
et il se lancerait,
ce quelqu’un,
il déplierait la couette pliée
avec soin,
et se coucherait dessus, juste comme ça,
pendant que l’une des moitiés du lit reste vide.
∗∗
Feu rouge
La peur, une partie de moi élémentaire.
En quelque sorte, les trams clignotant
dehors le sont aussi.
Des gens y sont assis,
je les vois flous,
leurs contours,
comme
cette fille
ronge ses ongles,
feuillette des papiers,
puis regarde sa montre,
soupire.
Le tram démarre,
devant le feu rouge
resté là un temps.
La fille se rongeant les ongles reste en moi,
La partie élémentaire de sa peur.
Le tram est à l’arrêt.
∗∗
Il n’avait qu’un seul but
Une chauve-souris vole au-dessus des sphères.
Le labyrinthe terrestre s’est installé sous la bête.
Dans le dédale, tout ce qui bouge
paraissait minime et sans couleur.
Des points transparents,
sans destination,
et même
sans direction.
La petite bête n’avait qu’un but :
voler au-dessus de l’univers
comme organisme noir ébène,
pendant que tout reste éclatant,
dans ce jeu sans issue.
∗∗
Rétrécissement
Le chat est arrivé.
La lumière de la porte-fenêtre
lui scinde le visage en deux.
Il grimpe sur la tête chauve de son maître.
Il se fait les griffes sur son dessus-de-tête,
dans l’ivresse de la nuit glaciale.
La bête grandit dangereusement.
Alors que le chauve ne fait que rétrécir.
∗∗
Seulement un moment
Le pêcheur passe par là.
Il s’équilibre sur un buisson épineux.
Le temps s’arrête.
Seulement un moment.
Tout.
La lune commence à luire.
Elle tourne toute seule.
Des cigales se cachent dans la poche du pêcheur.
Un vieux trompettiste dans un coin du cimetière.
Il se met à jouer à l’aube.
Le ciel change d’allure.
Des fourmis se pressent sous le banc en bois.
Une petite fille chantonne toute seule.
La mer a délavé sa robe blanche.
Sa mère la cherche depuis des jours.
Dans deux mondes différents.
Séparés de quelques mètres.
Elles se parlent à travers des tunnels.
Le vieux a attrapé un poisson.
Il a glissé dans le port salé.
S’écrasant sur son pied gauche.
Fendu en trois.
Les larmes de la petite fille dans les blessures.
Le pêcheur s’exclame.
Ils s’exclament ensemble.
Dans une barque qui tangue.
Un moment seulement.