L’épingle du jeu de Bruno Grégoire

En de brefs poèmes ciselés en vers brefs eux aussi, autour des thèmes prégnants de la brûlure, du tourment, le poète sait tirer parti – et donc, forcément son épingle d’un jeu qui serait trop ordinaire – des aphorismes qui cinglent (« on n’apprend pas la solitude/ on l’endure/ ou on l’œuvre »), des « banalités » apparentes qui cachent des morsures ou des manques, et surtout des interpellations à cet « ami »  auquel les textes sont adressés, comme des invites à mieux vivre ?

Une lecture pourrait s’enhardir à trouver la réponse à ce « feu » qui brûle en chaque texte dans un extrait de la seconde partie du livre « Sans » : n’est-ce pas un apologue qui propose, mine de rien, sous le couvert d’un personnage presque anonyme, manquant pour tout dire :

Sans

joue avec le feu

sue et pense la danse

des flammes

Les bords, les bouts, les limites ordonnent une poésie qui touche, surprend par ses fausses douceurs, ses rosseries envers soi, qui sait dire sans forcer le poids de l’enfance amère, les murs au-delà des mots, le « jardin » dont il aime la terre.

J’ai grandi ailleurs trop longtemps

pour  désapprendre l’alphabet du sable 

ou

la nuit

a conquis ses territoires

Cette poésie, qui se tient « juste au bord », dans une élégance rare tissée de sobriété et de justesse du verbe (parfois jusqu’à la blessure), questionne, happe la brièveté du monde, ce « feu/ qu’on a mis un temps fou/ à faire vivre - / pour qu’il n’en finisse plus/ de mourir ? ».