Slađan Lipovec est né en 1972 à Bjelovar, en Croatie. Poète et auteur de textes de prose, de critique littéraire et d’essais, il est rédacteur de la revue littéraire Quorum et dirige des rencontres de poésie et multimédia dans la région de la ville de Čazma, où il vit. Ses recueils de poésie, dont le présent volume propose une anthologie en première version française, ont été récompensés par plusieurs prix.
*
KVART JE MOJ
nedjelja
vrelim vjetrom
mete sve pse
i njihove bijesne ljude
na uzdama
balkoni zjape
prazne su staze
jedino se glasaju ptice
jedino se drveće u krošnjama giba
i dječaci lijeno
pokatkad
udare loptu
sparušen kvart usisao je ljude
sa svim kroničnim boleštinama
i paranojama od sunca
sparušen kvart izvire
iz smrdljivih kontejnera
sparušen kvart pozdravlja me
danas je napokon moj
LE QUARTIER EST A MOI
le dimanche
d’un vent brûlant
balaie tous les chiens
et leurs humains furieux
au bout des laisses
les balcons sont béants
les chemins déserts
que les cris des oiseaux
que le mouvement des feuillages
et des garçons qui paresseusement
de temps à autre
touchent le ballon
le quartier grillé a aspiré les gens
avec toutes leurs maladies chroniques
et leurs paranoïas de soleil
le quartier grillé émerge
des containers puants
où je jette la poubelle
le quartier grillé me salue
aujourd’hui enfin il est à moi
*
ZAPAMTI OVO
za nama žmirkaju
zadnji semafori
klizimo prema
istoku
tamna naoblaka pretječe
noć
ljudsko je tijelo točka
nasađena na brze kotače
i kao i svakoj sitnoj čestici
nemoguće mu je precizno
odrediti stanje
brzinu i položaj
ali vrijeme je
da se gibamo
u ušima struje
kilometri prostora
zapamti mi ovo
nebo zapamti
ovaj tamni trenutak
prije nego nas
pojedu razdaljine
već na ulazu
u sljedeći grad
poprimit ćemo
sasvim nove
uloge
RETIENS BIEN CECI
derrière nous clignotent
les derniers feux
nous glissons vers
l’est
un ciel sombre nuageux double
la nuit
le corps humain est un point
plaqué sur des roues rapides
et comme à toute particule minuscule
il lui est impossible de définir
avec précision son état
sa vitesse et sa position
mais le temps est
au mouvement
dans nos oreilles vibrent
des kilomètres d’espace
retiens moi bien ce
ciel retiens
cet instant sombre
avant que nous ne soyons avalés
par les distances
déjà à l’entrée
de la prochaine ville
nous serons affublés
de tout nouveaux
rôles
*
DOBRO JUTRO
pozdravljao je spiker
s radija kiša se lijepila
za prozore autobusa i svjetlucala
po asfaltu doimalo se
svježe i doimalo se
umjesto na posao
da ponovo idemo
na neki nesvakidašnji
put samo je trebalo odabrati
pravu reklamu
i zaletjeti se u njene idealne
predjele pratiti smjernice
skretanja signalizaciju i nijeme
nezainteresirane jastrebove
poredane po ogradi
uz autoput
BONJOUR
saluait la voix
à la radio la pluie adhérait
aux vitres du car et faisait luire
l’asphalte donnant l’impression
de frais et l’impression
qu’au lieu d’aller travailler
nous partions de nouveau
pour une destination inhabituelle
il suffirait de choisir
la bonne publicité
et de se ruer vers ses idylliques
contrées suivre les indications
détours et signalisations et les faucons
muets indifférents
alignés sur les rails
de l’autoroute
*
EMILY DICKINSON U MOM GRADU
u gluho doba
još jedne noći
bez vedrine
ona se budi
baš u trenutku
kada sanja
svoje šareno biće
naviklim
pokretima odijeva
gaćice
grudnjak
čarape
kombine
vezenu košulju
suknju
pregaču obuva
lagane cipele i
kroz
muklu tišinu zidova
gustoga mraka
samo
prosijava prozirna
bjelina njenih
ruku dok piše
grafite
EMILY DICKINSON DANS MA VILLE
dans le silence profond
d’encore une nuit
sans clarté
elle se réveille
juste au moment
où elle rêve
à son être bariolé
machinalement
elle met
sa petite culotte
son soutien-gorge
ses bas
sa combinaison
son chemisier brodé
sa jupe
son tablier elle chausse
ses souliers légers et
à travers
le silence assourdissant des murs
de l’obscurité épaisse
il n’y a que
la blancheur transparente
de ses mains qui rayonne
lorsqu’elle écrit
les graffitis
*
MEDUSOBNO PRIVLACENJE DVAJU
TIJELA U NEDJELJU
kada
nemamo
ni cigareta
ni kave
ni soka
nemamo
novca ni mnoštva
ostalih stvari za koje
ni ne znamo da postoje
pa se i ne mogu uvući
u pjesmu kroz otvoren prozor
kao lastavice koje u
parovima pridržavaju dalekovode
ili ove krošnje raspirene zelenilom
cvrkuta prhuta i vjetra po
treperavoj koži naših
tijela od brzih
vižljastih životinjica kao
na arcimboldijevim
ATTRACTION RECIPROQUE DE DEUX
CORPS LE DIMANCHE
quand
nous n’avons
ni cigarettes
ni café
ni jus de fruit
quand nous n’avons pas
d’argent ni toutes
ces autres choses dont
nous ignorons qu’elles existent
si bien qu’elles ne peuvent s’introduire
dans le poème par la fenêtre ouverte
comme les hirondelles qui
en couples soutiennent les fils électriques
ou les frondaisons qui diffusent leur verdure
toute de pépiements, volètements et vent
sur la peau frémissante de nos
corps de bestioles
grouillantes comme
dans les tableaux d’Arcimboldo
*
SADNJA KRUMPIRA
susjedi
zemljastih lica i ruku
u kojima krumpir postaje
jestiva gruda svjetlosti
izlaze iz van
goghove slike iz travnja
1885. i pomažu nam
dok polažemo sjeme u
brazdino krilo kao jaja
prhka se prašina hvata
po našim znojnim
licima i rukama postajući
vidljiva kao i živica zanesena
zbog ptičjega žagora u svakoj
od pjesama anke žagar u čijem
zelenom hladu osmijeh
našega umora postaje
bjeljim
PLANTATION DES POMMES DE TERRE
les voisins
visage terreux et mains
où la pomme de terre devient
une motte de lumière comestible
sortent du tableau
de Van Gogh d’avril
1885 et nous aident
quand nous déposons la semence
dans le giron du sillon comme des œufs
la poussière friable s’attache
à nos visages et à nos mains
en sueur devient
visible aussi la haie enchantée
par les murmures d’oiseaux dans chaque
poème d’Anka Žagar où
dans la fraîcheur verte de l’ombre le sourire
de notre fatigue
s’éclaire
*
POGLED IZ STAKLA
sa suprotne strane
blijedog odraza
ukočenoga pogleda
na staklu noć
ostavlja svoju sjenu
REGARD DE LA VITRE
de l’autre côté
du pâle reflet
du regard figé
sur la vitre la nuit
laisse son ombre
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