La passion pour la poésie et pour la littérature jeunesse de Patrick Joquel (éditeur de la revue Cairns présentée dans le numéro 183) nous permet de vous proposer désormais une rubrique consacrée aux incontournables de ce pan de la littérature, consacré à la poésie. Nous commencerons en donnant la parole à l’auteur lui-même, qui nous présente deux de ses albums.
Avec Johan Troïanowski, nous avons cherché à travers quatre ouvrages édités par trois éditeurs différents à croiser Bandes dessinées et poèmes. Pour ce Chercheur d’or, le quatrième de cette réflexion, ce fut une commande des éditions Pluie d’étoiles
http://www.pluiedetoiles.com/.
Format et pagination imposés. Johan avait le désir de travailler ce personnage de scaphandrier. Je suis parti alors sur ce thème du chercheur, un clin d’œil sans doute au trésor de Rakham le Rouge (on vient de son enfance, n’est-ce pas ?). Un premier texte poétique a été récusé par Johan pour sa longueur, et c’est alors que je l’ai resséré en revenant au haïku. Cette fois-ci cela pouvait fonctionner pour Johan. Il s’est mis au travail de découpe et de dessin. Les haïkus se sont dissous dans la réalisation au point de se cacher dans les cases. Seul un lecteur attentif saura les dénicher.
J’aime bien cette idée de fondre le poème dans un projet livre. Chaque haïku, ici, peut-être pris en indépendant. Ensemble ils forment un récit déroutant que les encres et les crayons de Johan colorient.
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Chercheur d’or. Scénariste : Patrick JOQUEL Dessinateur : Johan TROIANOWSKI. Pluie d’étoiles éditions septembre 2014 8.00 €
Ces Maisons bleues furent le premier édité de notre collaboration. Pas le premier créé. Le premier c’était l’histoire du monde, publié au Québec ensuite.
Nous avons réalisé ensemble quatre livres. Pour trois d’entre eux, ce sont les œuvres de Nathalie qui sont premières. Nathalie travaille souvent par série. Lorsqu’une série me porte, m’emporte, je pars avec les scans et petit à petit, sans urgence, je laisse les mots se poser à côté. L’écriture chaque fois invente sa forme. Texte vertical, haïku, texte horizontal et autres piliers d’encrages diffus.
Pour le Comme un chuintement d’air, nous avons inversé : le texte était premier. Une série de poèmes que j’ai écrits pendant que je menais des ateliers d’écriture à la Maison d’Arrêt de Grasse. Nathalie a su trouver des images fortes qui les accompagnent.
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Maisons bleues, Patrick Joquel, illustrations Nathalie de Lauradour, Soc et Foc, 48 p. 2007, 12 euros
Le temps en miettes, de Chantal Couliou, Peintures de Dar’Jac, Soc et Foc 2017
La poésie, dit souvent Alain Freixe, est affaire de perte. Le temps qui passe signe toutes nos pertes. C’est de cela dont s’empare ce livre de Chantal Couliou. Un livre à plusieurs voix. Celle d’une grand-mère qui se voit vieillir. Celle de l’enfant qui la voit vieillir et qui se rend plus ou moins compte que lui aussi vieillit. Celle du petit enfant qui n’a que le bonheur encore pour horizon, un horizon dont il est le centre et le soleil.
Et quand il devient impossible de colmater les brèches on démantèle… La perte avec toutes ses étapes, jusqu’à la mémoire enfuie…
Pas de pathos, juste de la tendresse et de la justesse.
Un livre plein de gravité, d’amour et paisible finalement.
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Maximes de nulle part pour personne, de Perrin Langda, Illustrations d’ Eric Demelis, Voix d’encre, 2017
Voilà un livre dont j’aime la démarche pour l’avoir utilisée quelques fois : l’artiste devance l’auteur ! L’écrivain, le poète ici, écrit à partir des dessins d’Eric Demelis. De petites vignettes, des personnages, à l’encre noire. Perrin Langda les contemple, les écoute, leur donne mots. Voix. Des poèmes courts, des pavés de prose. Ça joue, ça rebondit, ça invente et sourit au lecteur l’air de dire « Tu vois, ça pétille comme champagne sur la langue mais ça tient debout aussi ».
J’adore cet humour, ce décalage et ce côté un peu British. On pense à des affinités avec les Held, Claude et Jacqueline, avec le Touzeil. On ne se prend pas au sérieux mais ça bosse avec le sérieux sourire des enfants.
C’est joyeux. Drôle parfois. Emouvant, aussi. Varié. Plein de surprises, l’imaginaire aux commandes ! Vivant ! On en re-demande !
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Premier recueil poétique d’Alain Chiche que l’on connait déjà pour ses livres jeunesse au Seuil et ailleurs. Un livre qu’il a illustré aussi et qui éclate de couleurs joyeuses. Un livre joyeux oui. Des comptines, des poèmes plutôt courts, mais pas tous. Des textes qui donneront bien du plaisir aux enfants et à leurs maîtresses et maîtres. Des poèmes générateurs d’ateliers d’écriture, des images qui ouvriront l’imaginaire des jeunes créateurs. Un livre riche et agréable à mettre dans toutes les classes, dès la maternelle.
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Effeuillage, d’Alain Chiche, Gros Textes, 2017
Un nouvel éditeur est né en 2 017. Fatrasies éditions. Petit tirage soigné, dynamique souriante. Voilà une bonne nouvelle.
Télescopes
Quand un poète veut voir de plus près les étoiles,
il ferme les yeux et il imagine.
Que ressent le scientifique qui ferme les yeux
et imagine ?
L’envie d’inventer le télescope.
Que ressent le poète qui regarde à travers
la lunette du télescope ?
L’envie d’écrire un poème.
Voilà, d’emblée où cet ensemble de courts poèmes se situe. Dans cet espace infini entre science et songe. On y croise un créateur amateur de thé, un photographe montagnard, un pianiste, un épouvantail et d’autres personnages réels ou non. des poèmes ciselés, chaque mot à sa place. Une écriture est là, qui cherche à tout maîtriser, qui explore, qui s’invente. Un auteur jeune à suivre : il va nous étonner ; il nous étonne déjà.
Les mystères ne sont pas des blocs indivisibles, qu’il faut admirer en l’état ou ne pas admirer : ils sont des galaxies, et nous sommes des télescopes.
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Télescopes, de Nicolas de Casanove, Fatrasies éditions,2017
Le contredit des villes de Killian Provost, Fatrasies éditions, 2 017
Un recueil de poèmes en sept stations. Un héros Orphée moderne dans les gueules de la ville cherche son Eurydice. Des poèmes, un peu comme un récit qu’on suivrait en sautant de cailloux en rochers à travers le lit d’un torrent. Avec de multiples surprises, trésors de langage et paysages urbains comme rarement croisés en poésie. Un livre qu’on pose une fois lu en se disant « tiens, je vais le relire plus lentement dans un moment ».
Un livre qu’on rêverait d’entendre sur scène, avec quelques disants, un décor de photo et quelques gestes…
Station 1 :
Toutes les fenêtres éclairées
Sur la face d’un immeuble,
Toutes,
Se croient nécessaire faisceau
De la lumière éternelle.
Le voyageur, dans son train qui défile
A travers l’intestin des banlieues,
Ne les remarque pas.
Et pourtant, elles,
Elles toutes,
Se savent le reflet
De l’unique lumière.Station 3
Il faut beaucoup s’appliquer pour qu’aucune tête, plus aucune, dans l’intestin des métropoles où d’immenses étrons de fer transportent des cœurs battants, il faut beaucoup s’appliquer et s’appliquer encore pour qu’aucune de ces têtes au visage tiré ne vous paraisse humaine.
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Sacrés, Jean-Claude Touzeil, Images de Pierre Rosin, Editions de la Lune bleue, 2015
Un de ces tirages confidentiels comme savent les inventer les petits éditeurs de poésie. 50 exemplaires numérotés. Quelques pages. Juste histoire de permettre à quelques poèmes d’exister, à un auteur de partager son travail et de quitter son jardin pour aller à la rencontre.
La poésie c’est aussi cet élan vers l’autre et les réalisations de ces petits éditeurs de poésie sont au final plus importantes, plus humaines que confidentielles.
On retrouve ici les arbres chers à Jean-Claude Touzeil. Le vieux poirier (qu’on retrouve au catalogue du Chat qui tousse et dans nos mémoires), l’épicéa de Moravie, le sureau qui soulève le monde, le houx, les peupliers balancés par les vents océaniques et les gingkos dont celui qui est né sur mon balcon d’une graine cueillie sur la Croisette…
C’est tout simple, bien vivant et à partager sans modération !
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