Les Journées Poët Poët, la poésie dans tous ses états d’art

Ce festival original, qui s'est emparé du thème du Printemps des poètes pour le décliner sous la forme de "L'éphémère infini",  s’est déroulé du 19 mars 2022 au 27 mars 2022, dans les Alpes-Maritimes, bousculant les villes et villages impliqués dans les actions éphémères et performatives proposées à Nice, Aiglun, La Gaude, Clans, Saorge .

Maintenu  durant les confinements, (avec 2 éditions en 2020 et 2021) le festival, qui avait en 2019 invité Charles Pennequin, ou Pierre Guéry en 202o, et Sapho pour les 15 ans de l'événement en 2021, a repris cette année, pour une seizième édition, avec Jean-Pierre Siméon (prochain invité de L’Ire du Dire de Carole Mesrobian, le 25 mai sur  RFPP 106.3 ), et Laurence Vielle comme parrain et marraine.

Né d’un pari fou entre copains amateurs de poésie il y a 16 ans, le festival, mené par Sabine Venaruzzo et le Poëtbrurö , doit son nom à un poëme de Léon Paul Fargue « L’air du poète », mis en musique par Erik Satie. Les initiateurs, devenus habitants de la Pouasie , déclarent « une envie certaine de transmettre notre passion, de bousculer avec tendresse le quotidien, et de combattre l’image poussiéreuse de la poésie auprès d’un plus large public avec audace, fantaisie et beauté ! »

C’est ainsi que chaque année, les Journées Poët-Poët proposent  un programme éclectique avec chaque fois  une nouvelle donne : de nouveaux lieux, de nouveaux espaces, de nouvelles idées. Tout se réinvente à chaque fois, rien n’est figé. « Depuis 13 ans nous relevons avec succès le défi de tisser le lien entre les poëtes (vivants), les artistes, les lieux et les publics (scolaires, amateurs et découvreurs) et le désir d’expérimenter les dimensions livre/hors du livre, les actions in situ/ex situ, maintenir l’approche transdisciplinaire, développer les publics, affirmer la place du poète au cœur de la cité, occuper poétiquement les espaces d’un territoire hétérogène »

Ce programme nourri d’actions inédites et éphémères proposait cette année des installations d’écoute poétique sur le littoral (le plan d’eau de la Coulée Verte) et dans les vallées, avec le dispositif d’écoute « La voix est libre », offrant aux passants des voix de poètes lisant leurs textes mais aussi les d'enfants et de retraités, afin que toutes les générations entrent en écho.

Une lecture musicale au lever du soleil de printemps sur la plage du centenaire à Nice, a permis d’écouter La Noyée d’Onagawa, de Marilyne Bertoncini, dont les mots, accompagnés au violon par Sophie Allain,  prenaient le large et rejoignaient l’infini.

Une Petite Maison de Poësie itinérante, dressée dans le jardin de la Coulée Verte, accueillait un poète-locataire – cette année Tristan Blumel - qui y exposait ses textes et des objets totems, tandis que le public, qui assistait aux performances du poète et de Magali Revest, performeuse et danseuse (Cie Pieds nus) sur le petit « parvis » de l’installation, pouvait aussi, avec les craies de couleurs du bonheur, écrire ses propres mots, et bousculer ceux des autres.

On citera aussi un bal éphémère dans la ville de La Gaude, qui accueillait l’exposition et la performance de Chiara Mulas, plasticienne et performeuse (voir ici l’entretien réalisé par Marilyne Bertoncini), une sieste poétique à 700 mètres d’altitude dans le nid d’aigle d’Aiglun, “une table ronde qui tourne comme la terre” où dialoguent poètes et médecins… des lectures et performances, avec chaque fois la rencontre de textes, d’auteurs, d’artistes outre ceux déjà cités, Dimitri Porcu, poète et musicien (voir l’entretien accordé à Christine Durif-Bruckert),  Mikael Saint Honoré, poète et éditeur, les éditions de l'Aigrette, maison d'édition de poésie Patrick Quillier, poète Pascal Giovannetti, poète, Laurie Camous, artiste protéiforme Emilie Pirdas, comédienne et clown OK Chorale Laure Nilius, artiste sonore et visuelle…

Et l'on n'oubliera pas, parmi les actions offertes à la créativité du public, des ateliers d’écriture menés par Pascal Giovanetti, et  par Gabriel  Grossi, (présent aussi pour des "écoutes intimes" de poésie sur la Coulée Verte par le truchement du tuyau "poëtons ensemble"), qui est intervenu à l’EHPAD du CHU de Cimiez, pour une séance dont les poèmes ont été diffusés dans l’installation sonore.

« en raison de leur grand âge, nous dit Gabriel Grossi, à qui je cède la parole, les résidents n'étaient guère en mesure de lire et d'écrire. Le choix d'un enregistrement audio se justifiait ainsi parfaitement : Après un temps d'explication du projet, les participants ont été invités à évoquer le thème de l'éphémère (thème du Printemps des Poètes 2022). La lecture de plusieurs poèmes existants (haïkus, poèmes contemporains…) a permis de les mettre en confiance, avant qu'ils ne prennent eux-mêmes la parole, en évoquant les petites joies précaires de leur quotidien : coucher de soleil, promenade dans le parc, coup de téléphone de l'arrière-petite-fille… J'écrivais sous leur dictée sur un paper-board, de façon à fixer le poème qu'il s'agirait ensuite d'enregistrer, avec les voix des participants… »

Parmi les textes produits, ces exemples :

« Je me réveille et je vois où je suis

C'est dur, au début

S'asseoir sous un arbre dans la mi-ombre

Le matin, tout commence. »

 

« Faire quelques pas

Voir les couleurs des arbres

(Jamais la même couleur)

Le coucher de soleil sur la colline d'en-face

À vous laisser ébahie, pensive

Se remonter le moral