Philippe Mac Leod n’en finit pas d’écrire des « poèmes pour habiter la terre » comme l’indiquait le titre de l’un de ses derniers livres (Le Passeur, 2015). En quête de « vif », de « pur », « d’infini », de « transparence »…, il voudrait rendre à la parole poétique « ce pouvoir incomparable, non plus de nommer, de capter, de saisir, mais d’être elle-même le cœur battant du mystère ». C’est bien le cas dans cette Supplique du vivant qu’il publie aujourd’hui aux éditions Ad Solem et dans Variations sur le silence chez le même éditeur.
Né en 1954, attiré par la tradition monastique mais aujourd’hui engagé dans la voie d’une consécration laïque, Philippe Mac Leod a longtemps mené une vie solitaire, à la manière d’un ermite, dans le massif pyrénéen près du sanctuaire de Lourdes. S’il réside aujourd’hui en Bretagne, dans les Côtes d’Armor, il continue à dire sans faillir « le poème de la montagne » (titre d’un des chapitres de Supplique du vivant). « Il n’y a rien à expliquer sous un ciel si grand. Rien à éclaircir. Et pourtant, vivre réclame tes mots » (…) « Ton poème ne viendra que de ce chemin retrouvé – et sans jamais dépasser l’herbe rase des pelouses, l’étoile d’un ciel de gentianes ».
Philippe Mac Leod s’exprime en « prose poétique ». Il flirte parfois avec l’aphorisme. Mais le ton dominant est celui de la méditation, de la contemplation et de l’introspection. Il associe toujours poésie et réflexion. Il y a, en permanence, une pensée, une idée, en toile de fond de ses textes. Son écriture est exigeante. Ses poèmes, note l’éditeur, « ne décrivent pas mais écrivent ce dont l’auteur vit, ce qui l’a poussé à entamer un chemin d’écriture en rupture avec le monde et ses artifices ». Aussi peut-on lire, sous sa plume, ce type de constat : « Il faudra enfin mourir pour commencer à vivre ». Et donc, ajoute-t-il avancer « plus que d’un pas libre ». Pour retrouver quel pays ? « Les marges ». Pour faire place à quoi ? « A l’infime, l’inaperçu, l’éraflure du timbre brisé, le geste inachevé, l’étincelle perçue d’un clignement ». Car, nous dit Philippe Mac Leod, « le temps ne nous a rien pris. Il nous rend à ce que nous avons toujours été, une enfance qui ne savait que naître ». Ailleurs, il nous parle de « la voix qui brûlait dans la lumière du jour et que nous n’avons pas su entendre ni retenir ».
Nous voici donc orphelins de quelque chose ou de quelqu’un. Les mots-clés pour se mettre à l’écoute de cette voix dont il parle et pour passer sur l’autre rive s’appellent « lumière » et « silence ». Philippe Mac Leod écrit : « Le silence est ma lumière et la lumière est mon silence ». C’est ce silence qui charpente précisément ses Variations sur le silence.
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Face à ce magma qu’est le monde actuel, que peut la poésie ? Dans son livre La poésie sauvera le monde (Le Passeur, 2016), Jean-Pierre Siméon esquissait une réponse. « Rejoindre le réel par l’évocation du sensible ». Comme en écho, Philippe Mac Leod affirme : « Nous entendons mais du réel nous n’écoutons rien. Nous écoutons mais nous n’entendons pas. Parce que le cœur n’est pas tourné vers le silence ». Ce que Jean-Pierre Siméon formulait aussi à sa manière : « Tout poème est un acte de résistance » car « le poème nous rend au silence dont il est né, il fait silence en nous ».
C’est bien sûr ce silence-là qui habite les textes de Philippe Mac Leod. Et qu’il entend sauver. « Silence défiguré – moqué – piétiné — puis se redressant d’un lumineux aplomb, silence de gloire au-dessus des vallées étroites de nos courtes vies, tristes vies, qui attire tout à lui, de son écume un jour lancée comme le filet d’une parole irrévocable ». Sous d’autres cieux, à une autre époque, le poète britannique Thomas Carlyle (1795–1881) n’avait pas dit autre chose : « Lorsqu’on observe l’inanité tapageuse du monde, ses mots porteurs d’un sens si maigre, ses actes si insignifiants, il est réconfortant de songer au grand Royaume du Silence ». L’espoir habite donc toujours les poètes : « Dans le grand silence des mondes ensevelis, souligne pour sa part Philippe Mac Leod, il neige de petites semences de silence qui mûrissent d’autres mondes où les nuits sont blanches et l’ignorance clairvoyante ».
Le silence peut devenir ainsi, pour nos âmes égarées, un « sas », un « filtre », un « tamis ». C’est ce silence qui peut nous aider à gagner « l’autre monde ». Mais cet autre monde « est de ce côté – tout proche – aussi ténu qu’une palpitation sous le fin duvet de l’oisillon ». Il nous tarde de le rejoindre car « le bain de silence toujours nous mène au bain de lumière ».
Supplique du vivant, Philippe Mac Leod, Ad Solem, 88 pages, 14 euros.
Variations sur le silence, Philippe Mac Leod, Ad Solem, 96 pages, 14,50 euros.
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