Les prix de poésie 2021 de la Casa di a Puisia

Les lauréats 

 

Les prix 2021 ont été attribués par le jury présidé par Jacques Fusina à :

Claudine Carette pour son poème : Le long du mur rouge.   (section langue française) Née en 1953 à Fez, après des études de philosophie, elle se consacre à l’action culturelle que ce soit au sein d’organismes associatifs ou dans le cadre de structures officielles. Adjointe au directeur régional de la jeunesse et des sports et de la cohésion sociale durant de longues années, elle dirigea également le GRETA avant d’être nommée chevalière de l’Ordre national du mérite. L’attribution du premier prix de la Maison de la poésie de la Corse l’avait emplie de joie alors que, victime d’une grave maladie, elle vivait ses derniers jours.

De gauche à droite : Vincent Milleliri, Jean-Jacques Colonna-d’Istria, Norbert Paganelli, Marie-Ange Carette (fille de la lauréate décédée), Saveriu Valentini, Marilyne Bertoncini, Valérie Dragacci

 

Le long mur rouge.

Arrange mieux, Soufian, mon jeune frère,

le long turban blanc qui protège ta fête
si bien roulé sur tes cheveux en boucles.

Arrange aussi la grande et large robe,
ta gandoura de laine,
ocre dans l'ocre des sables qui t'entourent.
Et tes mules de cuir brun,
surtout, surtout, ne les oublie jamais, sur le chemin.

Soufian, le soleil est trop près, il t'endort,

et les poussières sèches des tourbillons de sable ferment tes yeux si noirs.

Et tes longues journées, là-bas, jeune Soufian, immobile, accroupi dans les cailloux coupants, 
au bord de ta piste, au désert…

Pauvre frère de misère, immobile,

ô mon joli Soufian,
surveille bien ton unique trésor,

ce troupeau rêche de chèvres n'oies
araignées maigres accrochées maintenant

à la paroi abrupte, et si glissante,
du grand rocher de glaise rouge.
Prêtes à sauter aux branches dures de l'arganier d'épines grises, l'unique, l'infertile.

Et dans ton dos Soufian,

l'immense plateau sombre,
brûlé à grands traits réguliers,
déchiré par les vents,
les violents de l'hiver,
retient dans ses creux, fort,

mais pour combien de temps encore,
ses gros cubes de pierre,

absurdes, trop bien tailles
arrachés des sommets
par les eaux déboulées.

Alors Soufian, prend garde à moi
le plus gros barre les autres,
arrêtés, qui t'attendent,
juste au-dessus de ta tête d'ébène,
si belle, ô mon ami Soufian, suspendus

Soufian, oublie le temps, rêve, rêve encore...
des beaux vergers de Taroudannt.
L'orangeraie brillante et verte,
carré vert après carré vert ourlé des hauts cyprès noirs.

Rêve, Soufian…
revois aussi le long mur rouge qui l'entoure,
construit pour lui offrir, au jour cru de janvier,
à l'instant terminé, la
première orange.
Déposée au creux de ta main tendue vers elle, jeune et belle épousée,
enroulée dans le drap de coton bleu nuit,
seuls ses yeux noirs dévoilés dans les tiens, découpée en forme d'étoile,
 mûre, gorgée de jus sucré.

 

Saveriu Valentini pour son poème. : Brami/Espoirs (section langue corse). Il est l’un des acteurs les plus marquants du Riacquistu. Cofondateur de Teatru Paisanu, Il contribue, à la même époque, à la réalisation des deux premiers disques du groupe Canta u Populu corsu.

Brami

 

Chì vuleti ch'eiu dica di i mei i brami
Chì vuleti ch'eiu dica
Sè u me mondu si ni sfraia
Sè ùn ci hè lumu indocu
Sè ùn vecu orizonti

Chì vuleti ch'eiu dica di i mei i brami
S'eiu ùn so induva vocu
S'eiu ùn so più quali so
Quandu ùn aghju paroli pa' vultà indè mè
Persu à mezu mari
Chì vuleti ch'e vi dica

Di brama so
Socu fattu di brama
So a brama
Ma ùn hè tempu di lagnà mi

 

Espoirs

Que pourrais-je vous dire de mes espoirs
Que pourrais-je vous en dire
Lorsque le monde qui est mien s’effondre
Lorsque la lumière est partout absente
Lorsque l’horizon s’est effacé

Que pourrais-je vous dire de mes espoirs
Lorsque je ne sais plus où je vais
Lorsque je ne sais plus qui je suis
Lorsque les mots me manquent pour retrouver ma demeure
Perdu en pleine mer
Que pourrais-je bien vous dire

L’espoir m’habite
Je suis pétri d’espoir
Je suis l’espoir
Est-ce le moment de me plaindre

 

∗∗∗

Les artistes-peintres choisis 

Vincent Milleliri

Après une maîtrise d’arts plastiques obtenue à la Sorbonne, il expose pour la première fois à la galerie du Roi de Rome à Ajaccio. En 2003 la DRAC et la FRAC font l’acquisition de plusieurs de ses œuvres et il expose régulièrement ses œuvres. Peintre non-figuratif, il est influencé par Paul Klee, Picasso, Cézanne et Jean Elion.

Vincent Milleliri.

Valérie Dragacci

Originaire du village de Cargèse, elle puise naturellement son inspiration au cœur de ses origines grecques. Le bleu grec, l'ocre, ces couleurs offrant cette luminosité méditerranéenne sans pareille que l'on se surprend à découvrir à travers sa peinture.
Elle obtient le 1er Prix International de peinture et de sculpture de Corse sous le patronage de Maurice Rheims à Porto-Vecchio en 1993, elle enchaîne les expositions, en 2000, elle obtient la médaille de bronze au salon artistique international de la Haute-Corse à Erbalunga,
Van Gogh, Turner et De Stael sont ses références.

Valérie Dragacci.