Dans ce monde gouverné par le bavardage des nanosecondes de la prose généralisée, il est des éditeurs pour défendre le profond de l’humain, autrement dit la poésie. Et il est des poètes rares. Gérard Bocholier est de ceux là. Le poète, né en 1947, dirige la belle aventure de la revue Arpa, dont on doit recommander la lecture à quiconque aime la poésie en France : http://www.arpa-poesie.fr/. Bocholier est l’auteur d’une œuvre poétique remarquable et justement reconnue, œuvre parue entre autres chez Rougerie, Cheyne ou Arfuyen. Le simple fait de citer ces maisons suffit à dire l’œuvre construite, leurs catalogues étant parmi les plus importants de toute l’histoire de la poésie.
Des Psaumes du bel amour, Jean-Pierre Lemaire, dit en sa préface que l’on en « perçoit comme le murmure des commencements, un murmure qui ne s’éteindra qu’au dernier mot pour faire place au silence ». Et à la résonance en l’être lecteur de ce qui vient d’être lu. Car Bocholier montre par son écriture combien la poésie n’est littérature qu’en apparence. Elle est en réalité une vibration de l’ensemble d’un corps poète, depuis et en le poète. Et cette vibration résonnante s’étire de poète en poète, d’hier à aujourd’hui. C’est pourquoi, en lisant ce livre, en prononçant ces vers à voix haute ou en les murmurant, le lecteur / diseur sent le lien, non pas avec ce que disent les mots, mais avec le réel qu’ils sont. Et ces mots qui disent la force du sacré, du cœur, de l’arbre vie en l’homme, ces mots disent le réel masqué derrière les réalités multiples essayant quotidiennement de nous faire croire qu’elles sont le vrai de la réalité. En cela, la poésie est résistance par nature :
Il fallait garder l’empreinte
Inconnue parmi les blés
Le vent lissait la louange
De ce berceau de clarté
L’empreinte au cœur nous allions
Aveugles parmi les ronces
Vers notre absolue naissance
Guidés par les cris du vent
Il arrive parfois que l’on dise et entende que la poésie n’existe plus en France. L’assertion est fausse. Elle ne vise qu’à cacher nos propres manquements, le fait que collectivement nous ne lisions plus de poésie. C’est une chose essentiellement terrible, et terriblement révélatrice du monde dans lequel nous sommes plongés, monde meurtri qui repousse le poème au large. On lira les Psaumes du bel amour, on lira des poèmes et l’on éloignera de soi la méchante fausse réalité du monde, le mensonge institué en tant que « vrai ».