Selon lettre

                                  à Jean Malrieu

 

 

Un éter­nel, pen­sais-je, inat­teignable en l’éphémère. Et là,
je vous ai lu. Sur les con­seils de Chris­t­ian Bobin – grand mer­ci – et de la femme de ma vie.
On peut dépass­er oui, Blan­chot, Mal­lar­mé, et tous les autres.
L’Oc­ci­dent a besoin d’un Signe qui renaisse.
Alors l’oiseau phénix, c’é­tait donc vous. Allar­mé de soleil,
 

J’attends l’amour comme la foudre et les voleurs de grands chemins.
 

S’il est d’en­cre et de terre, le vers plonge si haut !
Pourquoi le blanc des pages serait-il la seule fin possible ?
 

Tout reste à faire, en poésie, tou­jours – c’est comme en vie. Et ce sont avant tout les pas qui parlent,
parce que la beauté fait du bien à la vie. Comme vous l’avez dite,
cette Dernière lettre,
une apothéose !
 

Parce que c’est beau et parce que c’est vrai.
 

Cette sim­plic­ité de Dire, je vous avouerai qu’il m’en aura fal­lu beau­coup de ren­con­tres, de voy­ages, de remis­es en ques­tion, d’adieux puis de retours, de mains ten­dues pour l’en­ten­dre, par les rues, les cafés, les regards, tout d’un dedans de nous. Et c’est pourquoi aus­si je ne puis que goûter ce que vous avez su don­ner. C’est là, souf­fle et lumière,
 

Mon­sieur,
 

cette let­tre n’est pas un tombeau : juste un hom­mage. Et je le voudrais sim­ple, même quand par­ler haut peut devenir lyrique, surtout quand on aime. Mais vous me remet­trez à ce silence qui dit vrai. Et je me tais. J’entends.
L’autre des­sine ses syl­labes, elles pren­nent leur mot comme on s’éprend d’un arbre, parce qu’il a fait beau dans le coeur aujour­d’hui. Alors, si je vous lis, j’y suis,
 

au Coeur !
 

Nous nous ser­rons la main. Oui ce seront des vers pour un cha­cun, mais ce matin, j’ai vu vos doigts, et ils dessi­naient l’aube. Une pâleur à lumière d’en­cre – si je la prends dans les yeux, elle nous devient gorge — absence foudre ou bien présence, et peu importe, c’est au fond : vous êtes là. Oh j’al­lais dire :
 

Ici, on ne meurt point.
 

Puisqu’à la ligne, il s’ag­it de Vie, tant aimer par­le dans les mots. Ils ont moi­teur, chaleur, humide langue, toute une peau ten­due au ciel pour mieux vers­er aux nuages la sueur d’en être. Ici, par­ler, don­ner, c’est avant tout écrire où chem­iner, d’en­tre nos lèvres
 

OUI !
 

Par­ler de vous, c’est dire aus­si pourquoi j’écris. Dire de votre poésie, c’est là dire :
                                                         

                                                              Poésie.

 

Où que l’on vous lise, comme par quelque ren­dez-vous indi­ci­ble, il y est Lieu. Cela se nomme par­ler bas, puisqu’il y est ques­tion de terre. Et crier ! O oui, crier aussi -
 

parce que c’est beau et parce que c’est vrai.
 

Il nous le faut répéter, comme un ver­set, com­bi­en de fois sans plus compter, oui nous l’au­rons écrit j’écris. En même temps que vivre, on peut y met­tre un e — L’ap­pel naît de si loin !
 

Alors j’écris,
“Ecoute le silence
il te dira des mots qui sont pas dans les livres”…
Puis je prends plume.
 

Auprès de vous, les mots ne sont plus comme avant. C’est par­ler temps, bien sûr, mais surtout coeur, celui de vos mesures.
Vos vers ne passent pas. Ils fondent. Nous entrons dans un chant qui bâtit son chemin.
C’est donc avant tout à un homme que j’écris, oui, à un homme qui aura su trou­ver son human­ité, son immense mesure d’être. Tout ce aus­si pourquoi je me risque à vivre.
 

Allons, vous dîtes sur la stèle :
 

Même le temps est accep­té, ce pro­vi­soire des merveilles
 

Solaire, et libre. Tout un labour. Com­ment voulez-vous que l’on aime à sa faim, quand on aime vrai­ment ?! La lumière est peut-être un fra­cas, et vos feuilles le dis­ent, mais c’est la joie qui demeure, en majus­cule, en corps !
 

Temps du désir, à l’usage des hum­bles, la femme du sommeil…

Depuis l’in­stant où tu vins vers moi, tu pris forme de ce que j’aime

 

Je ne vous cite même pas. C’est tout entier dedans que ça prend parole. Et quand vous dîtes, il y a des mots qui se dis­ent aus­si : renais­sons ! Parce que cette lumière de l’amour et de la mort, nous la por­tons tous. C’est juste que cer­tains ont mis leur coeur au bord des lèvres, et que ça chante un pluriel Un.

J’en viens.

 

(…) née de l’écume
 

qui frange les êtres aimés
C’est à toi que je dirai l’é­ten­due toujours
 

vierge du désir.

 

Parce qu’il faut majus­cule à désir,
Désir encore de vous lire,
et de fer­mer les yeux,
pour Vivre.
 

N.B.

Point d’analyse styl­is­tique. Un recueil d’im­pres­sions ? Non plus. Seulement…

Un acte de poème en vie

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