La revue Littérales vient d’attribuer son prix de poésie 2024 à Loïc Reverdy.
Loïc Reverdy, né en 1973, a fait (presque) tous les métiers, ce qui ne le rend pas indigne de l’appel rimbaldien vers l’âpre liberté. Le poète est aussi un randonneur. Dans une écriture ciselée, sans effet superflu, qui épouse les aspérités du chemin, il nous emmène dans une ascension rugueuse. Vers où ? Là, Haut.
Là-haut, nous n’aurons pas droit à une vision du sublime digne de Caspar Freidrich, nous ne contemplerons pas une mer de nuages. Sa montagne n’a ni « couronne » ni « orgueil ».
Chaque pas rapproche de rien
Sinon
De se sentir égaré
Il se pourrait bien que le point d’arrivée soit aussi le point de départ.
Le poète est un marcheur, avant tout. Son mouvement pourrait être, comme chez Rimbaud, celui de la fuite. Ou bien de la recherche de « l’épuisement du corps » afin de « savourer le vide qu’il laisse derrière lui »
Avant tout, la marche, c’est un souffle, une respiration, pour répondre à cet appel dont parle si bien Jean Siméon dans son Petit éloge de la poésie : « Je crois que la poésie nomme cette autre respiration, qui requiert l’arrêt du temps et la vacuité, grâce à quoi nous reprenons souffle ».
Suivons donc la marche que Loïc Reverdy accomplit vers les hauts espaces. Point d’ésotérisme, ni de mont Analogue qui doit livrer ses secrets. L’âpreté suffit, elle est le sceau de l’authenticité poétique.
C’est là la seule musique que nous fait entendre le vers de Loïc Reverdy. Hegel disait que la poésie était le premier de tous les arts, parce qu’elle se modèle avant tout sur la parole. Loïc Reverdy ose le mot « communion », mais c’est aussitôt pour rappeler que
Là
Haut
Pas de dieu
Loïc Reverdy use peu de la métaphore. Le sublime n’est pas dans la vision, mais dans l’expérience de la marche ascendante. Les abîmes sont là, sur l’arête des mots, « à flanc / à bord de plateau », dans le détail qu’ils opèrent sur le monde. Écoutons plutôt :
Les rochers au bord de l’abîme
Se découpent dans la lumière du soir
Ils montent la garde
Sentinelles de mica
Phares de granit
Le prix de l’ascension n’est que la « maigreur du corps » et la « peau tannée ». Au bout du périple, pas de trophée olympique. À la poursuite de la fatigue ou de l’eau du torrent, en chemin, Loïc Reverdy re-sculpte le corps pensant du poète avec le ciseau de la marche.
Présentation de l’auteur
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