Louise Dupré, Anouk Van Renterghem, Roses
Après Carnet Ocre* paru en avril 2018, l’éditrice de l’Atelier des Noyers, Claire Delbard, publie dans sa collection Carnet de couleurs un nouveau petit bijou de sensibilité et de délicatesse intitulé Roses.
C’est la plasticienne Anouk Van Renterghem qui associe une nouvelle fois son talent à la poésie de Louise Dupré dans une fertile complicité. La patte de l’artiste se fait douce et énergique à l’image de la couleur dont il est question.
Le pluriel du titre pourrait faire penser à première vue à la reine des fleurs mais non, bien que celle-ci soit présente en signe d’espérance parmi les autres beautés du jardin « qui tiennent tête à la réalité ». Dans ce carnet poétique, Louise Dupré continue d’explorer une couleur dans toutes ses nuances : le rose.
Louise Dupré, Anouk Van Renterghem, Roses, collection Carnets de couleurs, éditions L’Atelier des Noyers, avril 2020, 52 pages, 10 euros.
Ce dernier, sous ses différents vocables, n’est pas une teinte mièvre placée là pour faire joli, mais une présence vivace et volontaire, qui possède son énergie propre, qui sait accorder douceur et douleur sans rien effacer.
Le rose ne trahit pas
la douleur
il l’apprivoise, la rend
supportable
et tu peux poursuivre ta route
presque sereine
en refermant
tes premiers tombeaux.
C’est le rose de l’amour, de la vie qui repart, « une chanson du cœur / qui piaffe / dans sa cage », celui des livres de l’enfance avec ses rêves interdits, de la féminité qui se cherche à l’ombre des mots, celui des ongles vernis aussi qui fait contrepoint à « l’opacité de ciels / sans fenêtres » et conjure « le battement affolé / de la terre ».
Chaque souvenir a son revers, chaque touche de rose aussi. Il colore les plaies originelles, les blessures secrètes, les désespoirs du cœur, et, une fois le sang apprivoisé, maquillé, il ouvre des chemins d’innocence et de résistance, « minuscule victoire / sur la nuit », une façon de surmonter tout ce qui fait mal, en soi, autour de soi.
Tu ne pourras jamais
abolir les haines
aux quatre coins du monde
et pourtant tu essaies
de maquiller le rouge
impitoyable
qui embrase les drapeaux.
Louise Dupré fait partie de cette « généalogie / des femmes / qui n’ont jamais renoncé ». Aussi continue-t-elle, vaillante dans la détresse, de « marcher / les yeux tournés vers l’intérieur » en faisant confiance aux « petites consolations lovées dans les boucles du poème ». Suivons-la, rose au cœur.
∗
Note
*(Cf. revue Texture http://revue-texture.fr/d-un-livre-l-autre-2019.html).