Magda Carneci, Poème trans-neuronal (fragments)
4.
Finie la lamentation historique la pitié de soi-même
finis les abîmes infra et subconscients
je sublime leurs mers de vase dans des hyper produits noétiques.
J’ai dépassé la culture des larves de papillons vantards
derrière moi, une jachère pleine d’espèces expirées
bloquées dans leur carapace de chitine conceptuelle.
J’ai dépassé l’atavique marée instinctive-lacrymale
je suis sur l’autre rive ici c’est propre il fait un peu frais
je suis enfin arrivée à moi-même
une haute tour au-dessus de la nature.
Je suis dans la sainte des saintes, au milieu du cerveau
dans le programme ultra central
je patauge telle une navette spatiale ivre, béate
dans mon propre vide neural.
Maintenant c’est le grand jeu qui-vainc-qui
l’écume de myéline veut un monde surréel
le tourbillon des synapses attend une nouvelle drogue
une protéine illimitante
Je le remplirai de nouvelles constellations.
5.
Finie la mélancolie organique, maladive
je suis un cyborg rebelle un mutant pertinens
je cherche dans mes poches quelques vieux archétypes
ils sont moisis, ils sentent la momie.
Du peu de sable ptolémaïque resté dans les profondeurs
de mes mitochondries
je modèle la marionnette à mille têtes des civilisations épuisées
je la piquerai d’antennes à fréquence supersonique
je la déchiquèterai avec les appareils analytiques
je la disséquerai avec les scies culturelles
je la nettoierai de toutes les clés ésotériques
j’en sortirai lentement avec la pincette les démons et les monstres
et je les avalerai.
L’avorton vertueux de cette poupée morte
je l’enterrerai entre les seins, au-dessus de mon plexus solaire
alors je verrai des cohortes de dieux et de bêtes sauvages
sortir de la forêt sombre de mon pubis
se jeter dans l’océan géométrique de ma pensée augmentée
pulser comme un cristal vivant en expansion extraterrestre.
J’aurai mal au ventre à cause du vide créé
je me trouverai mal à cause de la planète entière
mais de ma tête jaillira jusqu’aux astres
le laser de l’illumination.
6.
Au milieu de la ville transcirculaire
je lis un article de journal sur les taches solaires
dans la chaleur de midi je me réjouis du soleil
je m’imagine pour un instant comme une tache sur le disque solaire
et brusquement, je ne sais pas comment, je suis dans le soleil.
Je suis dans ma tête et je suis pourtant dans le soleil
mon esprit s’est expansé avec le mot terrible soleil
mon esprit s’est uni à l’idée aveuglante du soleil
mon esprit s’est transposé dans le vécu ardent du soleil
mon esprit est devenu soleil vrai SOLEIL
et j’illumine.
Je suis soleil et pourtant je ne suis que pensée
je traverse l’assourdissant magma en éruption.
Je suis pure pensée et pourtant je suis aussi pur soleil
il y a ici un point mystérieux qui coïncide dans les deux.
Il a la présence intense à soi de la lumière
et sa versatilité aveuglante.
De ce point je saute d’un niveau de réalité à l’autre
par une petite torsion intérieure.
Les mondes s’interpénètrent dans le point, ils y coïncident
Avec ce point je me fixe souplement dans le centre de l’univers
qui est aussi le centre contemplateur de mon être
devenu lui-aussi un soleil minuscule.
Puis je reviens instantanément sur Terre.
7.
Non, non, non,
j’en ai fini avec la grotte de l’âme
elle pue le vieux et la peur rupestre
je suis restée enfermée trop longtemps dans son cloaque
je veux m’envoler maintenant.
Je mets le feu au sanglier caché dedans
je l’entends gémir, je l’entends crier
cela sent le sacrifice, j’aime cette odeur
je détruis des autels pourris et de la myrrhe parfumée
s’écoule de ma bouche
j’entends des éclats cosmiques de terreur et de rire.
Partez de moi
bêtes d’eau et de terre
vous qui traînez, creusez, mordez, vous carnassiers
je vous dépose tous au musée d’archéologie obsolète.
Laissez la voie libre, arrive l’avalanche de l’esprit délivré
un noyau incandescent aux dimensions multi-spirales
un polyèdre étincelant de lumière éveillée.
8.
Écoulez-vous dans la Lune, cauchemars et fantasmes
vous n’avez qu’à nourrir le subconscient d’autres systèmes solaires.
Me voilà :
j’arrache mes racines mortuaires
je me sépare de mes étages inférieurs délabrés
je suis purifiée maintenant, je suis libre
je détache mes dernières dendrites de la face de la Terre
je brûle les étages de ma fusée corporelle
je suis étincelante, je suis cosmique
je me remplis de dynamite stellaire.
Le cerveau est ma carte et ma catapulte
par lui je me prépare à décoller
du sous-sol de mon imaginaire, de ma matrice terrestre.