Marc Alyn, L’Etat naissant
L’Etat naissant, comme une évidence ou une contradiction ?
Qui ne connait pas Marc Alyn, dans le petit monde parfois trop cloisonné de la poésie française contemporaine. Né en 1937 à Reims, de son vrai nom Alain-Marc Fécherolle, il est d’une étonnante précocité, et créé à l’âge de 17 ans, la revue, Terre de feu, dans laquelle il publie son premier recueil de poésie en 1956, « Liberté de voir ». En 1957, il reçoit le prestigieux Prix Max Jacob pour son ouvrage « Le Temps des autres ».
Marc Alyn, L’ETAT NAISSANT, édtions PHI, 107 pages, 15 euros, dans une version plus ancienne est paru pour la première fois en 2000, aux éditions l’Harmattan.
La mort présente dès le premier soupir
apparaissait sous des traits empruntés
de Diane nyctalope. (P.6)
Figure de la féminité chasseresse, comme aussi bien éprouvante et délicate, et dont le choix n’a rien d’anodin, plongée « corps et âme » dans l’indistinct -ce qui voit la nuit- où « les pas s’effacent légers » comme pour conjurer les craintes discordantes d’une antériorité inégalée, mais subitement passagère, où la mort survit à elle-même, sans se déclarer.
Et comme si écrire alors pour le poète hautement inspiré n’avait de sens qu’en vertu d’une âcre interrogation, ou bien que le passage de l’Espace au temporel et du temporel à l’alpha (comme un chemin inverse), soit simplement ce cri de l’enfermement ou de la dépendance du MOI, à ce qui lui fait défaut. La chair ?
Dès l’alpha d’exister : le cri, l’incise initiatique
le passage de l’Espace à l’espace
et de l’intemporel à la durée.
L’Alpha ? Le cri ? Puis plus loin :
Le chef d’œuvre de l’existant consistait à devenir
sans cesser de rêver
la substance même de son rêve.
Dieu se créait puis s’annulait en son secret. (P.11)
Et voilà que Dieu (ce) Dieu, mais quel Dieu au juste – surgit de nulle part pour « manger l’arbre de sa création » - ou bien que le rêve amputé de ses multiples « dons de SOI » s’en remettait à l’intuition de l’animal ; ici dénommé le chat. Et soudain l’alchimie qui opère :
Le sacré s’était réfugié dans des poèmes
qui se lisaient entre eux
et passaient le message
à des peuples absents, veufs du surnaturel. (P.51)
Un « Sur-naturel », qui cependant ne révèle pas son Nom, et qui est d’ailleurs une constante significative dans l’œuvre du poète mystique. L’incidence de l’au-delà – sur la conscience – qui représente dans le même temps ses accès et ses excès circonstanciés, dans le poème – avec en arrière-plan l’idée, l’idée non dissimulée de messages attenants à… Sont-ils clarifiés pour autant, au regard des peuples absents ? Le veuvage devient alors fatalité, bien plus que complaisance du Dieu maintes fois Invoqué pour finalement disparaitre, où ?
redoute de rencontrer l’Autre qui est toi-même
et que la nuit a libéré. (P.64)
L’Autre en effet n’est pas l’absent, c’est un fait convenu ! L’Autre MOI, parfaitement identifiable et intelligible, qui jongle avec ses propres figures temporelles ou atemporelles… Contemplatives ? C’est selon… l’Autre encore qui initie et parfois malgré lui la sourde interrogation (fragile) où les métaphores changent de peau, en désignant de nouveaux termes d’achoppement, qui consistent principalement à trouver une respiration plus adéquate, dans l’écart qu’elles génèrent.
Fatigué de durer parmi les pyromanes
Nous choisissons d’habiter la distance, l’altitude, l’écart,
Les voluptés à tirage confidentiel… (P.65)
L’écart en somme entre ce qui est et ce qu’il y parait :
La transgression fut notre loi
et l’interdit notre bréviaire. » (P.65)
L’auteur inviterait-il volontairement ou involontairement à une sorte de rébellion propice « au chemin de garde », « sans cesse pénétrant dans le vif du sujet ». Or « c’est en déshabillant le nu lui-même », que le poème, ou bien l’écrit magique revient – à l’endroit – interpeller sur le sens même de la quête.
La loi dans un tel cas, peut d’ailleurs paraître artificielle, mais pas forcément négative. Elle est un cadre parfois subtil qui évite bien des déconvenues, même si là encore la transgression n’a rien de factice en se positionnant sur la base, d’une certaine forme de détresse, ou plus justement d’attente.
Ce n’était pas vraiment le jardin des supplices :
nul ne souffrait à temps complet.
Sans cesse la victime rembobinait sa faute
pour jouir ou jouer aux billes avec le bourreau
son complice. (P.73)
Il y a donc -bien là – l’incidence d’une rémission passagère. Le supplicié copule avec le bourreau dans une sorte de jeu consenti qui n’a rien de sordide cependant, pourvu que la faute, elle, puisse soudainement s’effacer (momentanément) sans pour autant renier sa provenance et sa cause. Une faute peut-être assurément pardonnée. Pas oubliée certes, car une faute commise considère l’obligation de la réparation du tort fait : A l’Autre ou à Soi-même ; et le bourreau n’agit quant à lui que sous ordre…. Nulle gratuité dans le châtiment encouru. Ce n’est pas une affaire de fatalité, mais de droit. Celui de consentir adroitement au pardon, sans vaine prétention à réinterpréter la loi qui continue de s’exercer sans entraves d’aucune sorte, pourvu que le bourreau ne se contente pas de jouer aux billes, en appliquant (envers et contre tout) la sentence requise, sachant que :
L’éternité n’était que le prologue, le lever de rideau
avant la tragédie.
Tout débouchait sur le Commencement . (P.107)
Fin de partie……..