Paroles de T’ang
Le sommeil-confiait-il-est un lieu traversier
qu’empruntent nos géniteurs immémoriaux
nomades du clair-obscur
sujets à des absences
affublés d’oripeaux de pourpre rapiécés
porteurs de baluchons
que gonfle un passé rauque.
Les hors-venus des neiges morfondues
franchissaient d’une voltige les remparts
et l’eau serrée des douves
sur des radeaux de branchages.
Je parlerai encore-décrétait-il-
des espaces gordiens à l’intérieur de l’homme
où le désert s’unit aux vergers aux sépulcres :
région de poussière et de suie
ultime retranchement de l’esprit en partance
au-dessous du niveau de la mort.
∗∗∗∗
La vie, songe éveillé, s’achevait par un sommeil
sans rêves ni rivages, au seuil des steppes, où croît
la solitude parmi chardons et ronces : barbelés du
règne végétal. Quand surgissaient, d’un vol acéré,
les oies sauvages dont l’aile nous frôlait hardiment
au passage, nous faisions halte sur les hauts pla
teaux de schiste noir afin de saluer les revenants
de nos vies à venir aux bras chargés d’icônes et de
coquelicots. Un soleil flambant neuf nous guidait
vers les cimes. De l’autre côté de l’horizon s’éla
borait, dans des cuves gorgées de grappes écrasées,
la fermentation heureuse.
∗∗∗∗
L’au-delà ressemblait comme deux gouttes d’eau
à ces ombres chinoises
dont les doigts de l’aïeul peuplaient le papier
peint
à la lueur échevelée
d’une lampe d’argile :
coq de bruyère errant dans le brouillard
chevreau de lait lapé par les ténèbres…
Á la fin
le loup dévorait la lumière.
Chacun demeurait seul
les mains sur ses genoux.
∗∗∗∗
Alchimiste inversé
sosie du Pendu des tarots
il restituait au brasier
l’or potable des chrysopées
à l’issue du Grand-OEuvre.
De son pinceau giclait
point-trait du morse des abîmes
flèche visant le coeur de la planète
au-delà des myriades d’années
et son oeil de huppe sagace
détectait les trésors dans le limon des fleuves.
Sisyphe de l’immatériel
nouveau-né du néant
agile gondolier
il édifiait des mausolées à la gloire de l’oubli
puis offusquait la nuit
d’un clignement de cils.