Marie Alloy, Ciel de pierre
Le poème/ n’est pas un récit/ mais le temps d’un passage
que le poème de l’aube t’apporte ma dédicace
En cette antithèse du titre, la légèreté de l’espérance et la pesanteur du chagrin.
Cinq parties composent ce recueil : Approche du corps, ciel de pierre qui a donné son titre au recueil, cécité de la lumière, l’ossature de la vie, la durée du silence.
Dès le premier poème est évoqué le moment de la séparation, quand approche la mort. La poète est sœur et accompagne son frère, elle perçoit ce qui se joue au plus intime alors que « le corps n’a plus ni faim, ni soif/ seulement faim d’amour à l’heure de l’acceptation/ où tu consens à perdre sans recevoir »
Se tenir là, dans le silence, à l’écoute pour traduire ce moment de douleur mais aussi d’espérance, car celui qui part n’est-il pas en train de naître, de renaître ?
frère ton désert n’est peut-être/ qu’un commencement/ tu es né le premier
Se tenir en cette fraternité, à côté de ce frère que nous regardons et qui nous regarde. Marie Alloy est poète et elle est aussi peintre, elle sait que la peinture nous regarde aussi sûrement que nous la regardons et que les couleurs délivrent comme les mots.
Voici la couleur/ qui blanchit dans l’absence/ se terre dans la mort/ explose dans l’amour/ délivre/ le frère
Marie ALLOY, Ciel de pierre, Les Lieux-Dits éditions, 100 pages, 2022, 15€.
Le temps de la mort est un temps sacré, un temps béni, un temps de mystère et cet oxymore pour le traduire : « tu es entré dans une nuit de lumière. »
Le recueil est construit sur l’antithèse, figure de style qui illustre parfaitement ce paradoxe, vie-mort, présence-absence. Mourir, c’est entrer en « une nuit de lumière », la prière même ne pouvant élucider cette énigme, mais l’espérance pour l’accompagner.
La poète témoigne que la vie et l’amour sont plus forts que la mort, là où a été l’amour tout se prolonge.
Nous ne lèverons pas le secret/ mais nous lui donnerons à boire/ la mort serait une arche où nous recueillir/ un lieu de pardon et de résurrection.
Alors qu’un être aimé disparaît, la poète interroge sur ce qu’est la création, cette source de vie qui permet peut-être à l’artiste « d’exaucer ce qui n’a pu devenir. » L’œuvre est souvent habitée de manque, d’absence ? « Nous voilà/ au bord de toi/ la vie en nous/ pour habiter ton absence. » Au sein même de la douleur, la consolation, celle la création littéraire et artistique quand elle naît de la contemplation, il arrive que parfois la lumière de l’instant ouvre le ciel, alors la mort est délivrance :
Souvenez-vous/ quand il est sorti de lui-même/ du fond de son désespoir/il a retrouvé la quiétude.
Pour la poète aussi la quiétude, ses poèmes sont de lumineuses méditations sur la vie et la mort quand tout se mesure à l’aune du cœur.
Les mots et les couleurs sur la page blanche du linceul. Les mots pour se souvenir de la joie partagée, se souvenir de l’émerveillement et du temps de l’enfance et de la fraternité.
En ce recueil, l’ombre de la mort et la lumière de la fraternité ; entre fraternité et solitude, entre absence et présence, la vie à partager, la vie pour aimer jusqu’au bout, pour accepter et pouvoir à l’ultime moment tout donner et se donner soi-même : « tu as fini par lâcher prise/ pour tout donner. »
La vie se donne jusqu’à l’ultime moment, désarmés que nous sommes devant ce mystère, il nous reste la prière et la bénédiction et les poèmes pour panser la blessure des mots retenus.
Marie Alloy nous offre une poésie lumineuse et apaisante, à la lumière de l’Espérance dans « la bonté d’un sourire ».
La lignée se poursuit
La voix toujours se tient droite
Le temps redevient musicien
L’enfoui refleurit
……………….
Ce que tu éprouves tu l’écris
sur la toile avec les couleurs intarissables
de ce qui résiste à l’immuable perte
et tu sais combien la lumière même
est fraternelle.