Marie-Anne Bruch, Cristallins secrets (et Doubles traîtres)

Par |2024-09-06T12:47:22+02:00 6 septembre 2024|Catégories : Marie-Anne Bruch, Poèmes|

Décrue

Les veines font
moins de bruit que les vagues,
Les cils portent
moins d’ombre que les silences.

La mai­son a encore maigri cette nuit,
à l’aube les combles se sont vidés de tous mes rêves exagérés, de toutes mes peurs
extrapolées.

Le som­meil traîne ses dernières loques der­rière l’armoire, sur le planch­er des réal­ités toutes
crues.

Je plante mes migraines dans le verg­er neu­ronal puis je coupe la poire en deux.

La lumière fait brûler le vide des vit­res et le trop-plein des instants morts.

∗∗∗

Délectations mordorées

La lune avait répan­du partout
son odeur de cire vierge, ses pâleurs de cierge vicié.

On ne croit pas que la soli­tude bien ordon­née com­mence par soi-même.

La chair encore striée de som­meil attend pour s’abreuver le soleil aigre-doux.

La fin de la nuit ouvre le ciel sur nos visages.

L’hôpital se moque du chari­vari de la nos­tal­gie et les ambu­lances traî­nent des acouphènes
dans les caniveaux.

L’hémisphère gauche, pour pren­dre quelque alti­tude, a toute latitude.

La fin de la nuit fait tomber nos paupières dans le tiroir à gants.

∗∗∗

L’averse en vitesse

Le ciel perd son temps,
La voiture épais­sit sa carapace.
Les essuie-glaces ont de plus en plus de caractère.
Le pare-brise peine à ramer con­tre le mal au cœur.
La gri­saille en tra­vers de la gorge, on voudrait dessin­er des étoiles sur les vitres.
C’est la con­den­sa­tion qui fait pleur­er le soleil.
Les gouttes couinent comme des vieux métronomes.
Le cœur nav­igue à vue et la buée enfile des perles.
Main­tenant, le ciel tombe en panne.

∗∗∗

Chambranles et vantaux

La pein­ture s’écaille,
La porte s’écarte.

Accrochées au bout des cils
les fluc­tu­a­tions d’un sommeil,
les ondes d’une solitude.

Résis­ter au réveil –
Sous la douleur d’un rêve amputé,
les paupières
se déchirent de l’intérieur.
La peau comme un par­avent de pierre
dis­sout l’enchantement.

Tenir debout –
le bout du pied cherche
les ter­mi­naisons nerveuses
de cette nuit épuisée.
Subir les subites démangeaisons
du pla­fon­nier tyrannique.

Le café se résigne sans délai
à sa noirceur clairvoyante.
Le marc de mon mal-être
n’arrive plus à filtrer
le futur qui décante.

∗∗∗

Focus sur le flou

La sim­plic­ité de la vie
est une vaste cacophonie,
la lumière provient
tou­jours de sources impalpables.
Nos vœux cog­nent sans cesse
con­tre une faib­lesse implacable.

Les hori­zons les uns après les autres
se chevauchent et se confondent
avec les doutes du voyageur.

Le monde des­sine des ellipses,
des astres glis­sent sur leurs éclipses,
nos champs de vision sont
moisson­nés par les ténèbres.

À force d’attendre
la péren­nité du désir,
il s’est cou­vert de mousses.

 

Présentation de l’auteur

Marie-Anne Bruch

Née en 1971, elle a com­mencé à écrire en 1989. Prix Arthur Rim­baud en 1996, décerné par la Mai­son de Poésie et le min­istère de la Jeunesse et des sports. Dif­férents cur­sus d’études et des branch­es pro­fes­sion­nelles var­iées n’ont pas réus­si à l’éloigner longtemps de la poésie. Elle se con­sacre pleine­ment à l’écriture depuis 2009.

Bibliographie

Sept recueils pub­liés depuis 2014 : Haïkus de la belle sai­son, aux édi­tions Encres Vives, juil­let 2024 ; Excur­sions poé­tiques, Z4 Edi­tions, mai 2023 ; La Portée de l’Ombre aux édi­tions Rafael de Sur­tis, décem­bre 2020 ; Buées dans l’Hiver, édi­tions du Con­tentieux, 2019 ; Haïkus des Qua­tre Saisons, aux édi­tions Encres Vives, 2017 ; Trip­tyque, chez 5 Sens Edi­tions, 2015 ; Écrits la nuit, édi­tions Gros Textes et Pold­er, 2014.

Elle a égale­ment par­ticipé à la créa­tion de trois livres d’artistes/livres pau­vres avec l’aquarelliste LaO­d­i­na, ayant pour titre Médusée, en juil­let 2024.

Depuis 2012, elle ani­me un blog poé­tique et lit­téraire : La Bouche à Oreilles lien : La Bouche à Oreilles | Bric à brac cul­turel (wordpress.com)

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