Dans ce livre qui est la réunion de plusieurs recueils, les âmes vagabondes nous attirent, leurs corps viennent se réchauffer contre le cœur des oiseaux. Au milieu des visages, des arbres, de la mémoire et du temps qui passe, c’est un voyage qui inaugure les poèmes, un voyage intérieur qui navigue entre les murs, les feuillages, les montagnes, les voix, et même si l’Europe est dérivante, les humains accoudés aux branches des étoiles ont encore soif d’inconnu et de bonheur.
Marquée par une grave maladie dans son enfance, Marie-Claire Bancquart oscille entre la peur de vivre et l’amour des êtres dans leur fragilité native et leur volonté existentielle. Cette âme errante a des lieux, dans des villes ouvertes ou des chambres closes, aussi dans le silence de la nuit qui est une porte de la terre où le monde matériel est omniprésent, où, « sur l’échine de cette terre », on sent les dents du vent qui nous mord, et bien que la mort nous accompagne souvent, ce sont des perles de vie que l’on retient précieusement dans ses mains.
Peut-être, au cœur de ce discours poétique, y‑a-t-il un pessimisme viscéral, voire un désespoir profond, mais ce vide vers lequel on est poussé n’est-il pas le reflet de notre monde ? Heureusement, au centre de cette fragilité primitive persiste un élan vital, une forme de résistance : « vivre n’est jamais pauvre ». Et le cœur se soulève, pareil aux marées, et nous visitons les mystères de l’autre rive, pour sentir, au creux de nos mains pâles, le pollen d’un « outre-fleuve ». Maintenant que « les dieux parlent avec le regard » et que « le temps a pris ses distances ».
Marie-Claire Bancquart, Terre énergumène, Poésie Gallimard, janvier 2019.
Sommes-nous en exil de nous-mêmes ? Le Christ, Antigone, Ulysse, Lazare, Icare, Isis et bien d’autres rôdent entre les lignes noires, nous trions et nous rangeons ces papiers anciens avec quelques photographies qui parlent de notre vie éphémère et des amitiés perdues qui s’effacent peu à peu de notre mémoire. Comment vaincre cette déperdition ? En émiettant les secondes, en prenant de longues vacances au fond d’une forêt originelle, alors que « nos mots sont comme des oiseaux lestés ».
La dernière partie, « Terre énergumène », commence par un « il » mystérieux, une île peut-être, celle de la solitude à la fin de la vie, avec une « pierre à bonheur » dans une poche, et la « nécrologie du journal » dans l’autre. Nous sommes devenus des « rois gris », sans cœur et sans idéal, en état de siège de la peur, et le monde physique domine, « les billets de banque sont frappés de mots inconnus », « l’histoire s’est déchiré ». Prenons à pleine main la minute qui coule comme un fruit mûr.
A l’intérieur de l’absence il y a une absence, dans le rêve un autre rêve, et le temps traverse le corps, et on tremble, voilà comment attendre la mort, en habit de cérémonie ! Sous le chêne centenaire, là où un petit oiseau fait encore une ombre, où une petite musique poétique brille de mille et un feux !
Présentation de l’auteur
- Andrée Chédid, Rythmes - 1 juillet 2022
- Le mémorial des limules de Jacqueline Assaël. Sur FJ Temple - 5 juillet 2021
- Marie-Claire Bancquart, Terre énergumène - 20 décembre 2019
- Salah Stétié, Le mendiant aux mains de neige - 25 septembre 2019
- Théo Sigognault, Chants - 3 février 2019
- Andrée Chédid, Rythmes - 4 septembre 2018
- Jean-Luc Steinmetz, Suites et fins - 5 mai 2018
- Jean-Pierre Siméon, Politique de la beauté - 26 janvier 2018
- André GACHE : Dogons, Emme Wobo - 16 juin 2016
- Jean-Luc PROULX : L’Autre est ta demeure - 14 avril 2016
- Fil de Lecture d’Eric JACQUELIN : sur Marc BARON et Roland LADRIERE - 19 mars 2016
- Les orpailleurs de Dieu - 8 mars 2013