Marie-Josée Christien, Eclats d’obscur et de lumière
Les aphorismes de Marie-Josée Christien
Faire halte, regarder le monde sans complaisance, mais aussi savoir s’émerveiller. La poétesse quimpéroise Marie-Josée Christien distille des graines de sagesse sous forme d’aphorismes ou de pensées lapidaires.
A la manière de ses précédentes Petites notes d’amertume (Les Editions Sauvages), elle met au jour le côté pile et le côté face de nos existences. Ou, comme le suggère le titre de son nouvel opus, leurs aspects aussi bien lumineux qu’obscurs.
Pratiquer l’aphorisme, c’est faire le choix d’aborder une grande variété de sujets. C’est parler de la vie et de la mort, du rapport aux autres, de l’amitié, de l’amour, des religions, du monde moderne et de ses travers, de la comédie humaine, des réseaux sociaux, de l’écriture, de la poésie…Marie-Josée Christien évoque tout cela dans son livre. Ce qu’elle apprécie avant tout c’est la sincérité et la loyauté. Ce qui relève de l’esbroufe suscite ses remarques les plus acerbes. Ainsi la voit-on inaugurer son livre par une série de propos bien sentis sur le « cynisme » et les « pauvres messages » des « usurpateurs de l’art contemporain ». Même sévérité quand il s’agit d’une « poésie qui se complaît dans l’incommunicabilité ».
Marie-Josée Christien, Eclats d’obscur et de lumière, collages de Ghislaine Lejard, Les Editions Sauvages, 2021, 67 pages, 12 euros.
Marie-Josée Christien plaide pour la « simplicité » qui est, à ses yeux, « l’une des marques du génie poétique ». Mais s’il y a création – y compris poétique – c’est parce qu’il y a blessures et fêlures, nous dit la poétesse. « L’obscur a des fêlures d’où s’échappe et rayonne la lumière ».
La fêlure, pour ce qui la concerne, trouve sans doute sa source dans une pauvreté originelle dont elle a su, d’une certaine manière, en faire un tremplin. « Mon enfance a été pauvre mais pas malheureuse puisqu’il y avait l’espoir ». C’est l’éducation et la culture qui en seront les vecteurs (Marie-Josée Christien sera professeure des écoles), ce qui ne l’empêche pas de continuer à affirmer ses engagements en faveur de ceux que le monde laisse au bord de la route. L’occasion pour elle d’évoquer ici sa sympathie pour le combat des Gilets jaunes des ronds-points. Car « écrire c’est manifester notre désaccord avec la marche convenue du monde ». Mais, dans ses textes comme dans ses poèmes, elle le fait sans esprit militant. On la voit même plaider pour les valeurs dites « désuètes » qui ont pour nom « la discrétion », « la loyauté », « la solidarité ».
Dans ce livre d’aphorismes, c’est la femme Marie-Josée Christien qui se profile. Forte de ses espoirs, de ses attentes. Forte de son combat intime contre la maladie qu’elle a évoquée dans un beau précédent livre (Affolement du sang, Al Manar). « J’essaie de vivre en symbiose avec elle », écrit-elle aujourd’hui.
Enfin pour affronter le monde et la vie, elle est grande lectrice. Cioran, Kundera, Bachelard, Max Jacob, parmi beaucoup d’autres, sont sur ses étagères. Elle les cite et elle s’en inspire. « C’est quand on accepte enfin la mort que la vie peut commencer », confie-t-elle, philosophe.