Marilyne Bertoncini, AEONDE, extrait, Les Noms d’Isis

AEONDE, (extrait), publié sur Recours au poème en novembre 2014

 

 

I choose a mournful Muse

 

Au jardin une grive draine
frotte
de la pointe du bec
les écailles rouillées de la grille fermée

La bruine ce matin a brûlé les parterres
et des fantômes d'arbres secouent leurs bras en pleurs

Au tremblé de la voix se figent les images

Eprise de reflets
l'eau givre comme le tain
dans  le miroir où s'éternise
la mercurielle floraison

Le réel ondoyant glissant
sur la surface
se greffe au filigrane
des fûtaies endormies
sous le grenu grésil du vif-argent terni

*

A ces images entée
je franchis les confins qu'aux choses assignent les paroles

Le monde spéculaire ouvre sur l'infinie
blancheur
où naissent les étoiles

L'éclat d'anciens désastres y meurt en des lueurs
de soleils incendiés

et des visions parfois
fugitives
s'y lisent

Mais fuis à la nuit close
le miroir à ton âme
tendu

Lors apparaît
sous tes traits résiliés

Ange sombre

              Aeonde

*

Fatale semeuse dans l'orbe des planètes
son sillage en l'éther est veine de bitume

A l'écho de son pas se brise le ferret
dans le coeur
de la pierre

et l'étoile gravée sur le front des prophètes
est l'empreinte du bronze
de sa main

*

LES NOMS D'ISIS

Hiératique et obscure détentrice du Nom Secret

Iris lancéolé

Iridescente Isis

grave

fleur

de poésie

enclose au coeur de la parole

réfrangible cristal

du souvenir

*

Azur ou safran

métalescente soie

mince et flexible flamme

palpitante et fugace

aigue-vive

tu

t'élances

sur le fléau

du

vide

et dans l'instant

Tout

disparaît

miroitant et spectral souvenir de la page

*

Iris

Messagère à l'écharpe

            dont

            réfracté

            le nom

           au tremblant prisme de la pluie

                                                           écrit encore

Isis

Déesse au Lien et Soeur-Epouse

coeur éponyme

du

roi

mort

soleil

nocturne

Dans les limbes du temps

                                                                       suivant

                                                                                  le vain et fluvial ondoiement

                                                                                                                                  du Nil

                                   elle cherchait

                                               sparsiles graines étoilées dans le chaos des mondes

            ses membres

dispersés

*

Au limon où vacantes

                                                                       les formes s'anihilent

elle inventa alors

ce qui manquait au nom

d'O

siris

la ronde outre d'où croît

filial et coalescent

le grêle iris

ou

Rien

signe à l'état pur

            Abîme

            sans principe ni fin

            miroir au fond duquel

                                                                       oiseau-pélerin

                                   tu comprends que ce nom

était déjà

le Tien

*

Inchoative et fugitive

toujours

il faut

ultime instance

comme l'étoile des bergers du fond des déserts appelés

saisir

La Lettre

dont l'instable clin

est l'état d'écriture

au coeur infiniment de l'iris

le vide

l'O

-rigine

*

Nourri de sa double nature

sois

le temps du livre

l'un

et

l'autre

avant

l'entaille de l'iris,

le blanc-seing donné au vide

*

De l'absence sans lieu

d'au-delà des déserts

de par-delà les mers où le temps ne s'écoule

suivant les obscures blessures de la page vierge

cherche, incis, l'élément secret

que sinueusement trace

la lettre

avec lenteur

à travers ses détours

dans le flot de l'imaginaire

et ses remous

comme une houle

De l'autre rive du souvenir

écoute

en l'oblitération

oblique réson affaibli

la pensée effacée

l'altération même de

l'imaginaire

qui s'y soumet

L'Oubli

pur

en dehors du temps

en-deça du souvenir

Oblat sacré qu'expose l'ostensoir

Vérité absente

soleil

sans

iris

*

Deviens

ce cadre et ce reflet

fragment lumineux et doré

gouffre où se perdre et se trouver

ravissement

solitaire

et méditatif

Jeu

enfantin et savant

qui capture

dans la lumière diaphane

le paysage de l'écran de porcelaine

révélant à peine son contour

sous le doigt qui l'y trace

sur l'inégale table

Lithophanie

souvenir                   pétrifié

englouti

           pétri

dans l'opacité

de la pierre

Ainsi

ton visage

Lilith

le dessinent à même la blancheur de la page

les caractères de chaque livre.

Paru dans La Dernière œuvre de Phidias, Jacques André éditeur.

Présentation de l’auteur

Marilyne Bertoncini

Marilyne Bertoncini : poète, traductrice (anglais-italien), revuiste et critique littéraire, membre du comité de rédaction de la revue Phoenix, elle s'occupe de la rubrique Musarder sur la revue italienne Le Ortique, consacrée aux femmes invisibilisées de la littérature, et mène, avec Carole Mesrobian, la revue numérique Recours au Poème, à laquelle elle collabore depuis 2013 et qu'elle dirige depuis 2016. 

Autrice d'une thèse, La Ruse d'Isis, de la Femme dans l'oeuvre de Jean Giono, et titulaire d'un doctorat, elle a été vice-présidente de l’association I Fioretti, pour la promotion des manifestations culturelles au Monastère de Saorge (06) et membre du comité de rédaction de la Revue des Sciences Humaines, RSH (Lille III). Ses articles, essais et poèmes sont publiés dans diverses revues littéraires ou universitaires, françaises et étrangères. Parallèlement à l'écriture, elle anime des rencontres littéraires, Les Jeudis des Mots, à Nice, ou les Rencontres au Patio, avec les éditions PVST?, dans la périphérie du festival Voix Vives de Sète. Elle pratique la photographie et collabore avec des artistes, musiciens et plasticiens.

Ses poèmes sont traduits en anglais, italien, espagnol, allemand, hébreu, bengali, et chinois.

 

bibliographie

Recueils de poèmes

La Noyée d'Onagawa, éd. Jacques André, février 2020

Sable, photos et gravures de Wanda Mihuleac, éd. Bilingue français-allemand par Eva-Maria Berg, éd. Transignum, mars 2019

Memoria viva delle pieghe, ed. bilingue, trad. de l'autrice, ed. PVST. Mars 2019

Mémoire vive des replis, texte et photos de l’auteure, éd. Pourquoi viens-tu si tard – à paraître, novembre 2018

L’Anneau de Chillida, Atelier du Grand Tétras, mars 2018 (manuscrit lauréat du Prix Littéraire Naji Naaman 2017)

Le Silence tinte comme l’angélus d’un village englouti, éd. Imprévues, mars 2017

La Dernière Oeuvre de Phidias, suivi de L'Invention de l'absence, Jacques André éditeur, mars 2017.

Aeonde, éd. La Porte, mars 2017

La dernière œuvre de Phidias – 453ème Encres vives, avril 2016

Labyrinthe des Nuits, suite poétique – Recours au Poème éditeurs, mars 2015

 

Ouvrages collectifs

- Le Courage des vivants, anthologie, Jacques André éditeur, mars 2020

- Sidérer le silence, anthologie sur l’exil – éditions Henry, 5 novembre 2018

- L’Esprit des arbres, éditions « Pourquoi viens-tu si tard » - à paraître, novembre 2018

- L’eau entre nos doigts, Anthologie sur l’eau, éditions Henry, mai 2018

- Trans-Tzara-Dada – L’Homme Approximatif , 2016

- Anthologie du haiku en France, sous la direction de Jean Antonini, éditions Aleas, Lyon, 2003

Traductions de recueils de poésie

-Soleil hésitant, de Gili Haimovich, éd. Jacques André (à paraître 2021)

-Un Instant d'éternité, bilingue (traduit en italien) d'Anne-Marie Zucchelli, éd. PVST, 2020

- Labirinto delle Notti (inedito) nominé au Concorso Nazionale Luciano Serra, Italie, septembre 2019

- Tony's blues, de Barry Wallenstein, avec des gravures d'Hélène Bauttista, éd. Pourquoi viens-tu si tard ? , mars 2020

- Instantanés, d‘Eva-Maria Berg, traduit avec l’auteure, éditions Imprévues, 2018

- Ennuage-moi, a bilingual collection , de Carol Jenkins, traduction Marilyne Bertoncini, River road Poetry Series, 2016

- Early in the Morning, Tôt le matin, de Peter Boyle, Marilyne Bertoncini & alii. Recours au Poème éditions, 2015

- Livre des sept vies , Ming Di, Recours au Poème éditions, 2015

- Histoire de Famille, Ming Di, éditions Transignum, avec des illustrations de Wanda Mihuleac, juin 2015

- Rainbow Snake, Serpent Arc-en-ciel, de Martin Harrison Recours au Poème éditions, 2015

- Secanje Svile, Mémoire de Soie, de Tanja Kragujevic, édition trilingue, Beograd 2015

- Tony’s Blues de Barry Wallenstein, Recours au Poème éditions, 2014

Livres d'artistes (extraits)

Aeonde, livre unique de Marino Rossetti, 2018

Æncre de Chine, in collection Livres Ardoises de Wanda Mihuleac, 2016

Pensées d'Eurydice, avec  les dessins de Pierre Rosin :  http://www.cequireste.fr/marilyne-bertoncini-pierre-rosin/

Île, livre pauvre avec un collage de Ghislaine Lejard (2016)

Paesine, poème , sur un collage de Ghislaine Lejard (2016)

Villes en chantier, Livre unique par Anne Poupard (2015)

A Fleur d'étang, livre-objet avec Brigitte Marcerou (2015)

Genèse du langage, livre unique, avec Brigitte Marcerou (2015)

Daemon Failure delivery, Livre d’artiste, avec les burins de Dominique Crognier, artiste graveuse d’Amiens – 2013.

Collaborations artistiques visuelles ou sonores (extraits)

- Damnation Memoriae, la Damnation de l'oubli, lecture-performance mise en musique par Damien Charron, présentée le 6 mars 2020 avec le saxophoniste David di Betta, à l'ambassade de Roumanie, à Paris.

- Sable, performance, avec Wanda Mihuleac, 2019 Galerie

- L'Envers de la Riviera  mis en musique par le compositeur  Mansoor Mani Hosseini, pour FESTRAD, festival Franco-anglais de poésie juin 2016 : « The Far Side of the River »

- Performance chantée et dansée « Sodade » au printemps des poètes  Villa 111 à Ivry : sur un poème de Marilyne Bertoncini, « L’homme approximatif » , décor voile peint et dessiné,  6 x3 m par Emily Walcker  :

l’Envers de la Riviera  mis en image par la vidéaste Clémence Pogu – Festrad juin 2016 sous le titre « Proche Banlieue»

Là où tremblent encore des ombres d’un vert tendre » – Toile sonore de Sophie Brassard : http://www.toilesonore.com/#!marilyne-bertoncini/uknyf

La Rouille du temps, poèmes et tableaux textiles de Bérénice Mollet(2015) – en partie publiés sur la revue Ce qui reste : http://www.cequireste.fr/marilyne-bertoncini-berenice-mollet/

Préfaces

Appel du large par Rome Deguergue, chez Alcyone – 2016

Erratiques, d’ Angèle Casanova, éd. Pourquoi viens-tu si tard, septembre 2018

L’esprit des arbres, anthologie, éd. Pourquoi viens-tu si tard, novembre 2018

Chant de plein ciel, anthologie de poésie québécoise, PVST et Recours au Poème, 2019

Une brèche dans l'eau, d'Eva-Maria Berg, éd. PVST, 2020

 

(Site : Minotaur/A, http://minotaura.unblog.fr),

(fiche biographique complète sur le site de la MEL : http://www.m-e-l.fr/marilyne-bertoncini,ec,1301 )

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