Marilyne Bertoncini, Sable
Marilyne Bertoncini nous emmène vers la plage au sable fin, vers la mer et ses vagues qui dansent dans le vent pour un voyage tout intérieur… Elle marche dans l’eau et rejoint au plus profond d’elle-même, au contact de la mer, matrice primordiale, la mémoire de la présence-absence d’un être cher. Les grains de sable, insaisissables dans leur fluidité, la renvoie à l’insaisissable et à l’éphémère de notre condition humaine.
C’est dans un langage métaphorique, tout en retenue, que Marilyne Bertoncini révèle la souffrance toujours présente après la disparition de l’être aimé « flamme cendre sous ses pas ».
Marilyne Bertoncini, Sable, Editions Transignum, 2018.
Avec une infinie délicatesse où la force intérieure ne fait jamais défaut, elle nous attire par son chant de sirène dans cette incursion intime « où se dissout le vent du souvenir ».
Le deuil creuse le vide laissé par cet être dont la perte, comme le dit Marilyne Bertoncini elle-même, « est à apprivoiser ». Son omniprésence dans l’esprit et dans le cœur par son « âme fantôme » qui « s’épuise en pure perte », la trouble, l’émeut, consciente de « ces pas sans fin (…) sans fil , sans trace ».
Cette présence-absence lumineuse ( « l’or d’Elle s’écoule ») « réverbère le silence immense de son cri » et va conduire Marilyne Bertoncini à une réflexion métaphysique sur la vie et la mort, sur la vie après la mort.
Ce recueil, léger comme le vent, laisse une trace profonde comme l’empreinte des pas dans le sable mouillé quand la mer s’est retirée. Il nous entraîne petit à petit hors du chagrin « vers la sortie du labyrinthe de solitude et de souffrance », car la poète veut « naître, être, n’être rien de plus » .
De cette mémoire, « la cendre des mots/ flocons arrachés au silence », sourd la prise de conscience : « je sais qu’Elle respire de nous/de notre rire », la conviction que la mort-absence n’est que passage du corps matériel au corps invisible, que l’être cher reste présent au-delà de l’absence.
Cette certitude ouvre alors la porte d’une joie nouvelle « je suis fille de sable mais les mots m’appartiennent/je crie/j’écris » et se lit, se devine en filigrane, intuitivement ET JE VIS.
Les tableaux de sable de Wanda Mihuleac dans leur effacement, leur subtilité aérienne et leur force suggestive, si évocatrice de cette matière mouvante et cristalline qu’est le sable, rehaussent par leur impact visuel, l’évocation de cette présence-absence.
Il faut ajouter qu’à la beauté du poème de Marilyne Bertoncini, à la beauté des tableaux de Wanda Mihuleac, se joint la beauté et l’excellence de la traduction d’Eva-Maria Berg, elle-même poète.
C’est donc un recueil à lire, à méditer, à regarder…à recommander.