Marin Preda – le plus haï des écrivains

Par |2025-03-06T06:50:32+01:00 6 mars 2025|Catégories : Essais & Chroniques, Marin Preda|

Le « dossier Marin Preda »

La mort du grand prosa­teur Marin Pre­da (1922–1980) fut, comme d’autres crimes poli­tiques en Roumanie, offi­cielle­ment attribuée à l’al­cool. Le peu d’éléments qui ont pu fil­tr­er dans le rap­port médi­co-légal, tenu secret et décou­vert près de vingt ans après dans les archives de la Procu­ra­ture, indique pour­tant claire­ment, dans ses con­clu­sions, « une mort vio­lente », notam­ment « par étouf­fe­ment », men­tion­nant égale­ment des con­tu­sions et des plaies au vis­age, et des tâch­es noires et vio­lacées sur le buste (mar­ques peut-être d’instruments de torture). 

Ce rap­port, ain­si que les déc­la­ra­tions et réc­its divers inclus dans la soi-dis­ant « enquête » (y com­pris des notes issues des dossiers de la police et de la Secu­ri­tate), bien que sou­vent par­tiels, con­fus et con­tra­dic­toires, sont aujourd’hui con­nus grâce à l’investigation appro­fondie de la jour­nal­iste et écrivaine Mar­i­ana Sipoş (Dosarul Marin Pre­da / Le dossier Marin Pre­da, Bucarest, 1999, 2017). Les pièces réu­nies et analysées dans ce livre mon­trent sans con­teste qu’il s’agit d’un assas­si­nat poli­tique. « Motivé » – si jamais une moti­va­tion du crime peut être invo­quée – par la paru­tion, seule­ment trois mois aupar­a­vant, et l’immense suc­cès de librairie du dernier roman de l’écrivain, la trilo­gie Cel mai iubit din­tre pămîn­teni (Le plus aimé des ter­riens) : « le roman qui lui a provo­qué, en fait, la mort », comme l’a déclaré quelque part le cri­tique et académi­cien Eugen Simion1.

Entre­tien avec Marin Pre­da, 1970, pro­duc­trice Alexan­dra Orban.

Ce chef d’œuvre (hélas, non traduit en français) est un livre réal­iste autant que sym­bol­ique, dont le per­son­nage prin­ci­pal – un philosophe ex-pris­on­nier poli­tique des années 50–60, non réha­bil­ité, devenu, d’universitaire, chef d’une équipe de dérati­sa­tion urbaine (!…) – dénonce les atroc­ités et les aber­ra­tions du sys­tème. Il y a des écrits dont la cri­tique et la vérité dérangent, au point que leurs auteurs sont men­acés de mort – comme l’a été, on le décou­vre d’après cer­tains témoignages, Marin Pre­da – et finale­ment bel et bien tués, sans que jamais, des décen­nies après, les respon­s­ables, com­man­di­taires et exé­cu­tants, ne soient inquiétés, et qu’aucune véri­ta­ble enquête pénale n’aboutisse. Sit­u­a­tion stan­dard pour la Roumanie, où – pour nous lim­iter à la péri­ode d’après-guerre – ni les respon­s­ables de la mort du poète Nico­lae Labiş, ni ceux de l’assassinat de Ioan Petru Culianu n’ont été mis en cause à ce jour, ni offi­cielle­ment dénoncés.

Les « déclarations des témoins »

Pour estimer la valid­ité méthodologique des « déc­la­ra­tions » ver­sées au dossier recon­sti­tué par Mme Mar­i­ana Sipoş, il faut dire avant tout que cer­taines sont écrites, sur des for­mu­laires-type, de la main même de l’enquêteur qui les enreg­istre et les con­tre­signe – et dans ce cas, elles con­tre­dis­ent les déc­la­ra­tions auto­graphes, sur papi­er libre, du même déposant (c’est par exem­ple le cas de la dou­ble déc­la­ra­tion « man­u­scrite » du poète Vir­gil Maziles­cu) ; d’autres, dacty­lo­graphiées, sem­blent car­ré­ment dic­tées à un greffi­er par le meneur de l’enquête, tant le style et les fautes de langue sont impens­ables sous la plume d’un écrivain, même quand il est mis sous pres­sion pour témoign­er d’un cer­tain scé­nario préétabli. Il sem­ble évi­dent que de telles déc­la­ra­tions sont con­stru­ites de fond en comble par les enquê­teurs, avec ou par­fois même sans la con­tri­bu­tion des déposants…

D’autre part, tou­jours dans un esprit d’analyse méthodologique, on con­state que les dif­férentes déc­la­ra­tions (que nous ne reprenons pas ici, nous les avons citées et analysées ailleurs2) con­stituent autant de mini-scé­nar­ios, dont les vari­antes con­fus­es et con­tra­dic­toires por­tent sur tous les points de détail factuels : l’heure d’arrivée de l’écrivain, le 15 mai 1980, au palais Mogoşoa­ia, où il a été décou­vert mort le lende­main en fin de mat­inée, la per­son­ne du chauf­feur du taxi qui l’y a amené (qui appa­raît tan­tôt comme con­nais­sant fort bien l’écrivain, tan­tôt comme ne sachant pas à qui il avait affaire), l’identité du gar­di­en qui l’a récep­tion­né à la rési­dence (qui change de nom selon les déc­la­ra­tions), le fait, une fois amené dans sa cham­bre, d’avoir ou non demandé à manger, le fait d’avoir eu ou non des coulées de sang sur son vis­age à ce même moment, l’heure où l’écrivain serait descen­du de sa cham­bre, l’état où il se serait trou­vé à ce moment-là, les per­son­nes avec qui il aurait été à table dans le restau­rant, la quan­tité et la nature de la bois­son qu’il aurait absorbée à cette occa­sion, l’heure où il se serait retiré, enfin, la posi­tion où on l’aurait retrou­vé en milieu – ou en fin – de mat­inée… (tombé du lit ? assis sur son lit ? couché sur le dos ? en pyja­ma, où habil­lé de son manteau ?). 

Tous ces « faits » sont telle­ment flous dans les dif­férentes rela­tions, qu’on sent bien le manque d’assurance, le tâton­nement, l’embarras même des « déposants » face à une injonc­tion sous-jacente leur inti­mant l’ordre de faire croire que Pre­da était arrivé la veille du décès, « en état avancé d’ébriété », et qu’au cours de la nuit il avait encore bu au restau­rant du palais. Ce sont là les deux piv­ots com­muns de tous ces scé­nar­ios, autrement diva­gant cha­cun à sa guise, tant il est dif­fi­cile d’inventer des détails con­crets pour des faits irréels, comme il est dif­fi­cile de com­pléte­ment gom­mer des faits réels. Ain­si les bruits enten­dus dans sa cham­bre, selon le témoignage cru­cial de l’écrivaine Sânziana Pop, qui donne la descrip­tion la plus sai­sis­sante au moins d’une par­tie de ce qui a dû se pass­er durant cette nuit du 15 vers le 16 mai 19803 :

« J᾿ai quit­té la mai­son de créa­tion Mogoşoa­ia quelques mois seule­ment avant la mort trag­ique et stu­pide de Marin Pre­da. Stu­pide ? Il aurait suf­fi, rien qu᾿en aperce­vant les gar­di­ens qui avaient été de ser­vice la nuit du drame, pour com­pren­dre que le diag­nos­tic offi­ciel du décès par asphyx­ie mécanique était un con­te à dormir debout. Les gar­di­ens n᾿étaient pas tristes. Ils étaient ter­ror­isés. Ils ressem­blaient aux noirs jugés par les tri­bunaux du Ku-Klux-Klan. La nuit du drame on a enten­du des coups très forts dans le planch­er. » (n.s.)

En tout cas, selon le témoignage du jour même que je détiens de la bouche du philosophe, hel­léniste et émi­nes­co­logue Petru Creţia (1927–1997), qui m’a racon­té avoir vu Marin Pre­da se faire dépos­er à Mogoşoa­ia par un taxi au petit matin, et se faire soutenir sinon traîn­er vers l’immeuble par deux gar­di­ens de la rési­dence (d’où les bruits enten­dus de sa cham­bre), l’écrivain n’était pas arrivé la veille au soir et n’avait pas passé la nuit à boire au restau­rant avec ses col­lègues écrivains… Il avait dû sans doute pass­er sa nuit ailleurs, en tout autre com­pag­nie, d’où les traces de vio­lence sur son vis­age et son corps, con­statées dans le rap­port médi­co-légal, et il a été amené dans sa cham­bre à la fin de la nuit, à l’instance de la mort sinon déjà décédé.

Deux élé­ments, dans la séman­tique con­textuelle des déc­la­ra­tions, révè­lent la non-per­ti­nence, sinon la faus­seté de celles-ci. 

Marin Pre­da — entre­tien avec le grand écrivain sur ses débuts dans le jour­nal « Tim­pul » en 1942.

Le pre­mier élé­ment de dis­cours révéla­teur est – au-delà de toutes les con­fu­sions et con­tra­dic­tions qui car­ac­térisent les pièces du dossier – un syn­tagme immuable, présent imman­quable­ment dans toutes les déc­la­ra­tions, avec des vari­antes min­imes, unique­ment de top­ique : Pre­da aurait été, pour toutes et pour tous, non pas tout sim­ple­ment ivre, mais « dans un état avancé d’ébriété », respec­tive­ment « dans un état d’ébriété avancée ». Voilà ce qui tranche avec les ambiguïtés et met tout le monde d’accord ! Gar­di­ens, serveuses, restau­ra­teurs, taxi­men, écrivaines et écrivains, poètes et poét­esses, sculp­teur et pein­tre, tout ce beau monde mul­ti­cul­turel par­le de la même façon et désigne par la même for­mule admin­is­tra­tive-poli­cière un état qui, si réel, aurait été évo­qué autrement dans le lan­gage pro­pre de cha­cun, de manière plus col­orée, plus per­son­nelle… (bien grisé, ivre mort, marchant sur qua­tre chemins, etc. etc.) Mais non ! Il était « dans un état avancé d’ébriété » (avec la vari­ante top­ique respec­tive) ! On pense immé­di­ate­ment, en con­statant la con­stance de cette for­mule, à cette « sig­na­ture du crime » que repère, dans les dif­férentes dépo­si­tions, le juge joué par Jean-Louis Trintig­nant dans le célèbre film « Z » de Cos­ta Gavras, comme étant en fait un élé­ment de scé­nario dic­té aux « témoins » par le meneur du con­clave des généraux tueurs : « il a sur­gi sou­ple et féroce comme un tigre ! » Oui, dans notre cas, la for­mule toute faite, intro­duite dans toutes les déc­la­ra­tions, est une sig­na­ture du crime. Et d’ailleurs, une con­stante de sys­tème : la vic­time doit être rabais­sée, en général, accusée d’alcoolisme, par exemple.

Rap­pelons-nous que la même for­mule « dans un état avancé d’ébriété », appa­rais­sait aus­si dans des « déc­la­ra­tions » visant à accréditer le décès par acci­dent – et de sa faute ! – du jeune poète Nico­lae Labiş (qui pour­tant a bien noti­fié dans ses con­fes­sions faites à l’ami Imré Por­tik sur son lit de mort : « Je n’étais pas ivre… Je ne suis pas tombé, on m’a poussé par der­rière… »)4. Rap­pelons-nous aus­si que la même éti­quette visant un pré­ten­du alcoolisme était apposée, à côté d’autres « vices » et « mal­adies men­tales » inven­tées, sur l’image du grand poète Mihai Emi­nes­cu, dont le por­trait calom­nieux était cen­sé, dans le cadre même d’un soi-dis­ant rap­port d’autopsie, cou­vrir le décès pré­maturé et bru­tal !…5

Le sec­ond indice révéla­teur con­siste dans le dou­ble scé­nario de l’épisode de l’arrivée à Mogoşoa­ia. Dans l’un, Pre­da est par­ti de son bureau, aux édi­tions Cartea Românească, dont il était le directeur, le soir autour de 21h, avec un taxi dont le chauf­feur le con­nais­sait bien car il l’avait sou­vent pris en charge pour l’amener à Mogoşoa­ia, tra­jet qui lui était donc par­faite­ment fam­i­li­er, et qui nor­male­ment durait env­i­ron 15 min­utes ; l’écrivain y serait pour­tant arrivé… bien plus d’une heure après ! (entre 22h et 23h selon les déc­la­ra­tions). Dans l’autre scé­nario, le pré­ten­du chauf­feur de taxi ne sait pas com­ment arriv­er au palais Mogoşoa­ia (ce qui est fort peu crédi­ble) et ne con­naît même pas Marin Pre­da – il l’apprend en s’arrêtant pour deman­der son chemin à des officiers de police, dans un com­mis­sari­at, officiers qui, eux, recon­nais­sent l’écrivain et indiquent le tra­jet au tax­i­man égaré, qui passe pour­tant encore un long moment à chercher le palais dans la petite com­mune de ban­lieue !… (pour y arriv­er, d’après lui, autour de 22h30). 

Tout se passe comme s’il y avait eu en fait deux chauf­feurs : l’un, qui l’aurait pris à son bureau à 21h pour l’amener à Mogoşoa­ia, était un habituel, con­nais­sant l’écrivain ain­si que sa rési­dence, mais pour des raisons et dans des cir­con­stances sur lesquelles on n’a aucun élé­ment, il n’est pas par­venu à le dépos­er à sa des­ti­na­tion, on dirait que son client a été « inter­cep­té » en route ; l’autre, totale­ment étranger à la per­son­ne et aux habi­tudes de l’écrivain, a pu le charg­er, à une heure très avancée dans la nuit, peut-être dans led­it com­mis­sari­at de police, où l’écrivain, man­i­feste­ment dans un état qui le rendait inca­pable de par­ler pour lui expli­quer le tra­jet, lui a été livré tel un bal­lot à trans­porter vers une des­ti­na­tion que de toute manière le chauf­feur ne con­nais­sait pas (était-il réelle­ment chauf­feur de taxi ? peut-être juste le chauf­feur du com­mis­sari­at…). L’arrivée à Mogoşoa­ia après moult détours se situerait alors, en réal­ité, vers le petit matin du 16 mai – comme l’avait con­staté Petru Creţia – et non la veille. 

Les con­tra­dic­tions dont est tis­sée la déc­la­ra­tion du « chauf­feur » nous sem­blent donc représen­ter en fait deux scé­nar­ios dis­tincts, non pas alter­nat­ifs mais com­plé­men­taires, l’un suiv­ant l’autre dans la chronolo­gie des événe­ments et expli­quant ain­si le grand laps de temps – en réal­ité, toute une nuit – entre le départ du bureau, le soir, et le moment réel de l’arrivée à la rési­dence, avec la révéla­tion d’un pas­sage entre temps par un com­mis­sari­at de police… (c’est là, prob­a­ble­ment, qu’a eu lieu la mal­trai­tance qui a entraîné inévitable­ment le décès).

Comme le recon­sti­tu­ait fort per­tinem­ment le poète et écrivain Ion Caraion (1923–1986), dans un arti­cle basé sur ses notes de l’époque, pub­lié posthume6 :

« Dans la nuit du 15 mai 1980 il a été amené là [au palais Mogoşoa­ia n.n.] par des incon­nus, dans un état inde­scriptible, tout pré­paré et aux trois quarts embal­lé, pour qu’après quelques heures il arrive seul dans l’au-delà ».

Le rapport médico-légal

Notre recon­sti­tu­tion ci-dessus est la seule qui per­me­tte d’expliquer les traces de vio­lence con­statées sur le cadavre, dont atteste le rap­port médi­co-légal – car vu ce qu’on peut y lire, on est loin d’être en présence d’un rap­port d’autopsie (nous avons déjà vu ce même manque de pro­fes­sion­nal­isme dans le cas du soi-dis­ant rap­port d’autopsie con­cer­nant Mihai Emi­nes­cu – mais ici, on est quand même un siè­cle plus tard !). Tenu secret pen­dant la soi-dis­ant enquête – vite bouclée au titre des « déc­la­ra­tions » ordon­nancées pour faire créditer la mort par alcoolisme –, ce rap­port a été décou­vert dans les archives et ren­du pub­lic par l’investigation de l’écrivaine et jour­nal­iste Mar­i­ana Sipoş, dans son livre susmentionné. 

Le doc­u­ment faisant office de « rap­port médi­co-légal », sous la sig­na­ture de dis­tin­gués spé­cial­istes (le Pro­fesseur Dr. M. Ter­bancea, médecin pri­maire légiste, et Dr. Con­stan­tin Rizes­cu, médecin légiste sec­ondaire, à l’Institut Médi­co-Légal de Bucarest), com­mence avant tout par faire, on dirait, une syn­thèse des déc­la­ra­tions des « témoins » – comme si c’étaient eux qui fai­saient l’objet de l’examen et non le corps de la vic­time !… On y retrou­ve donc les prin­ci­paux élé­ments accrédi­tant le scé­nario d’une arrivée de l’écrivain la veille, d’une nuit passée en par­tie à boire, d’une mort dans son lit, au milieu de son pro­pre vomi : bref, un por­trait répug­nant de l’écrivain. La méth­ode, on la con­naît déjà – on l’a vue aus­si à l’œuvre, tou­jours sous cou­vert d’expertise médi­co-légale, avec Emi­nes­cu et Labiş ! Et appa­raît aus­si – il fal­lait s’y atten­dre ! – la for­mule mag­ique que nous avons appelée sig­na­ture du crime, comme un sceau : l’écrivain aurait été amené la veille au soir, « en état avancé d’ébriété » !

Mais mal­gré tout, dans sa par­tie « médi­cale », le rap­port atteste claire­ment la « mort vio­lente », notam­ment « par étouf­fe­ment avec un corps mou », et fait état d’éléments descrip­tifs révéla­teurs, alors même qu’il com­porte des man­que­ments inac­cept­a­bles dans un tra­vail pro­fes­sion­nel – notam­ment, aucun repérage sci­en­tifique de l’heure du décès d’après l’état de rigid­ité et de livid­ité du corps, aucune iden­ti­fi­ca­tion médi­cale de la nature et de la cause des plaies, tâch­es et col­orations con­statées, au niveau de la tête et du vis­age ain­si que sur le corps, aucun exa­m­en de lab­o­ra­toire des flu­ides et des sub­stances gélatineuses trou­vés dans la bouche et les nar­ines. Or ces élé­ments, que les spé­cial­istes n’expliquent pas sci­en­tifique­ment – alors qu’ils auraient pu et dû le faire – ne s’expliquent pas non plus par le scé­nario qu’ils nous ont débité dans la par­tie « témoignages », notam­ment, par… « l’état avancé d’ébriété » de la vic­time, ayant amené à un « coma éthylique », comme l’invoquent les légistes !

Mais la descrip­tion, par­fois, est plus par­lante que les expli­ca­tions sci­en­tifiques… En voilà l’essentiel :

« Le 16.05.1980, autour de 12 heures, dans la cham­bre n° 6 du Pavil­lon C, sur le lit près de la fenêtre, la tête appuyée con­tre le tabli­er et le pili­er du lit, est trou­vé l’écrivain Marin Pre­da décédé, avec rigid­ité cadavérique installée. (…)

Le cadavre appar­tient à un homme âgé de 55–56 ans, d’une taille de 170 cm., le tis­su mus­cu­lo-adipeux est bien représenté.

Les signes de la mort réelle : des livid­ités cadavériques présentes, de couleur rouge vio­lacée, dis­posées sur les faces antéro-latérales du tho­rax et de l’abdomen sous formes de plaques grandes, par­mi lesquelles quelques zones où la couleur des tégu­ments se main­tient (pâle). Les livid­ités sont présentes aus­si sur les faces latérales des deux bras, sur toute la sur­face de l’avant-bras gauche, sur les faces antéro-latérales des cuiss­es. Les livid­ités ne dis­parais­sent pas à la pres­sion digitale.

La rigid­ité cadavérique se main­tient à toutes les artic­u­la­tions. La putré­fac­tion n’a pas commencé.

Dans la région frontale gauche, à 1,5 cm au-dessus de l’arcade et à 4 cm hors de la ligne médi­ane se trou­ve une plaie en forme de demi-lune avec la con­cav­ité vers le bas, aux dimen­sions de 1,5/0,5 cm, cou­verte d’une croûte héma­tique épaisse, de couleur rouge-fon­cée. Les tis­sus alen­tour ne présen­tent pas de modifications.

À 3 cm au-dessus d’elle et à 2,5 cm hors de la ligne médi­ane se trou­ve une autre plaie ovale irrégulière, aux dimen­sions de 1,9/1,5 cm, le diamètre le plus long étant ori­en­té trans­ver­sale­ment, cou­verte d’une croûte héma­tique épaisse, de couleur rouge-fon­cée. Les tis­sus alen­tour ne présen­tent pas de mod­i­fi­ca­tions. Les deux lésions sont légère­ment ombiliquées.

Au niveau de la lèvre supérieure, sur la muqueuse, para-com­mis­sur­ale gauche, se trou­ve une ecchy­mose rouge-vio­lacée de 1/0,5 cm, aux tis­sus mous légère­ment tuméfiés.

Signes de traite­ment médi­cal : non constatés.

Signes divers : Les tégu­ments du vis­age, les pavil­lons des oreilles, la muqueuse des lèvres, les ongles aux doigts des mains et des pieds ont une col­oration vio­lacée-bleuâtre. Sur le fond des livid­ités cadavériques au niveau du tho­rax, se trou­vent de nom­breuses for­ma­tions de la taille d’une tête d’épingle jusqu’à celle des graines de lentille, de couleur violacée-noire.

La bouche est légère­ment ouverte, la langue pro­labée entre les arcades den­taires, de la cav­ité buc­cale s’étire une trace de liq­uide jaunâtre, sen­tant l’alcool. Dans les ori­fices nasaux se trou­vent des bou­chons de sub­stance gélatineuse, de couleur jaune-grise. Les pupilles sont dilatées. La cornée, opaci­fiée. Sur la joue droite, com­mençant à l’angle externe de l’orbite jusqu’au lobe de l’oreille, se trou­ve une dépres­sion en forme de fos­se, large de 0,2 – 0,3 cm et pro­fonde de 0,3 – 0,4 cm, sans mod­i­fi­ca­tion des tégu­ments alentours. »

Le rap­port omet le min­i­mum indis­pens­able dans une exper­tise médi­co-légale : établir l’heure du décès. Avec un min­i­mum de recherche d’information sur la toile, on apprend que les livid­ités cadavériques instal­lées, non sen­si­bles à la pres­sion dig­i­tale, à savoir, exacte­ment comme celles con­statées par les légistes, indiquent un décès depuis au moins 12 heures. Pre­da ne pou­vait donc pas arriv­er à sa rési­dence du palais Mogoşoa­ia la veille à 22h30 et descen­dre de sa cham­bre pour boire au restau­rant du palais entre minu­it et 1h30, selon les déc­la­ra­tions ; il était prob­a­ble­ment mort à cette heure-là, ailleurs, dans un endroit où le corps, jeté à terre gisant sur le ven­tre, est resté en cette posi­tion pen­dant des heures, puisque les livid­ités sig­nalées sont sur les par­ties antérieures des bras, du tho­rax et des cuiss­es – et non sur les fess­es et le dos, comme ç’aurait été le cas s’il était mort assis dans son lit, la tête en haut, ain­si qu’il a été décou­vert dans la mat­inée du 16 mai vers 12h.

Marin Pre­da, Le Plus aimé de tous les ter­riens.

La cause immé­di­ate du décès est établie ain­si dans le rap­port médi­co-légal: « asphyx­ie mécanique par étouf­fe­ment des ori­fices res­pi­ra­toires avec un corps mou, pos­si­ble­ment lin­gerie de lit » – autrement dit, un banal coussin main­tenu de force sur le vis­age… – « dans les con­di­tions d’un coma éthylique ». Ce cod­i­cille est voué à « adoucir » le scé­nario d’un étouf­fe­ment volon­taire par des mains crim­inelles, en intro­duisant sub­rep­tice­ment la pos­si­bil­ité d’une auto-suf­fo­ca­tion, par aspi­ra­tion de par­tic­ules ali­men­taires provenant d’un vom­isse­ment – d’où la rumeur de la « noy­ade dans son pro­pre vomi » – phénomène pou­vant en effet se pro­duire en cas de coma éthylique. 

Mais, comme le Pro­fesseur Dr. Vladimir Beliş, directeur de l’Institut Médi­co-légal de Bucarest, l’a con­fir­mé en 1998 en analysant le rap­port médi­co-légal mis à sa dis­po­si­tion par Mme Mar­i­ana Sipoş, d’une part, le degré d’alcoolémie, même si rel­a­tive­ment impor­tant, n’était pas aus­si élevé pour aboutir néces­saire­ment à un coma éthylique, d’autre part, on n’avait pas retrou­vé de par­tic­ules ali­men­taires dans les voies res­pi­ra­toires (au niveau de la tra­chée et des bronch­es) : donc, exit « noyé dans son pro­pre vomi » ! D’ailleurs, l’épouse de l’écrivain, Mme Ele­na Pre­da, a relaté que ce qu’on lui avait présen­té, lors de la décou­verte du corps, comme étant des traces de vomi sur le lit, lui a claire­ment sem­blé, par la couleur, plutôt une tache de sang coag­ulé. Enfin, Dr. Vladimir Beliş remar­que per­tinem­ment qu’un « bouchage des ori­fices res­pi­ra­toires avec un corps mou » n’aurait pas pu « provo­quer les plaies, les tumé­fac­tions, les ecchy­moses » sur le vis­age et la lèvre, et n’aurait éventuelle­ment pu se pro­duire par acci­dent qu’en posi­tion couchée sur le ven­tre, la tête enfon­cée dans le lit – or l’écrivain avait été trou­vé sur le dos, la tête en haut, dégagée, « appuyée sur le dossier et le pili­er du lit » : « s’il s’agit d’une asphyx­ie mécanique, elle n’est pas acci­den­telle ».

Sans doute, « l’étouffement par un objet mou » genre coussin par exem­ple, serait vraisem­blable au cas où il se serait pro­duit dans la cham­bre même de l’écrivain, après son arrivée, comme le Dr. Beliş sem­ble l’impliquer. Or, les livid­ités cadavériques indiquent claire­ment un décès antérieur, se situ­ant autour de minu­it – une heure du matin. Et dans ce cas, le « bouchage des ori­fices res­pi­ra­toires avec un corps mou » pour­rait s’expliquer pré­cisé­ment par les « bou­chons de sub­stance gélatineuse, de couleur jaune-grise » trou­vés exclu­sive­ment « dans les ori­fices nasaux », et non dans les voies res­pi­ra­toires comme cela aurait dû se pass­er en cas d’étouffement par le vomi.  C’était cette « sub­stance gélatineuse » inten­tion­nelle­ment non analysée, qui, intro­duite par l’extérieur, con­sti­tu­ait donc le « corps mou » util­isé comme arme du crime, pour provo­quer, juste­ment, l’étouffement fatal. Mais, si tel a été réelle­ment le cours des choses, pourquoi avoir recou­ru à une méth­ode somme toute plutôt laborieuse pour assas­sin­er un écrivain ? Sans doute parce que c’était la plus com­mode manière pour forg­er la thèse offi­cielle de la « noy­ade dans son pro­pre vomi » !

On a pen­sé aus­si – en tout pre­mier lieu, des per­son­nes de la famille de l’écrivain – à un empoi­son­nement, le poi­son ayant pu être mélangé à l’alcool. Cette thèse est égale­ment soutenue en 2002 par un médecin légiste, Dr. Şer­ban Mil­cov­eanu (décédé en 2009 à 98 ans), notam­ment sur la base de la couleur faciale, qui indi­querait un empoi­son­nement au cya­nure de potas­si­um7. Ce qui est peut-être un scé­nario com­plé­men­taire, les traces cor­porelles restant tou­jours témoins d’une vio­lence physique extrême exer­cée sur la per­son­ne de l’écrivain.

Dans ce sens un élé­ment non appar­ent dans la descrip­tion médi­co-légale peut s’avérer décisif. Selon les témoignages réu­nis par Mme Mar­i­ana Sipoş dans son livre sus­men­tion­né, l’épouse de l’écrivain Ion Caraion, grand ami de Marin Pre­da et mod­èle, en quelque sorte, de son per­son­nage Vic­tor Petri­ni du roman Le plus aimé des ter­riens, a racon­té qu’il a été con­seil­lé à l’un de leurs amis médecins, par le légiste qui avait pra­tiqué l’examen médi­co-légal sur le corps de l’écrivain, de ne pas trop remuer cette affaire : il y avait donc des choses à cacher et à taire. Par ailleurs, un autre médecin leur aurait téléphoné pour leur dire qu’il était présent lorsque Marin Pre­da avait été amené à la morgue de l’Institut médi­co-légal, « avec deux coups à la tête » – ce que le rap­port ne men­tionne pas. 

Le peu d’éléments présents dans ce rap­port, cor­roborés avec la pho­togra­phie mor­tu­aire, et avec les indi­ca­tions sur les étranges « têtes d’épingles » et autres tâch­es sur le corps, les tumé­fac­tions et plaies du vis­age, la col­oration des ongles, les sub­stances qui lui bouchaient les nar­ines ou s’écoulaient de la bouche, tous cela trahit non seule­ment « une mort vio­lente », mais prob­a­ble­ment con­séquente à des tortures. 

Il y a là comme un air de déjà vu : faut-il rap­pel­er ici l’« égratignure » d’Eminescu, qui était en fait une plaie ouverte dans son crâne brisé, comme l’a prou­vé le frag­ment de cerveau abîmé mac­ulé de sang, apporté par un incon­nu à deux jeunes médecins, Alexan­dru Tălăşes­cu et Ghe­o­rghe Mari­nes­cu (le futur grand neu­ro­logue), ou, enfin, l’injonction faite aux jeunes médecins par leur pro­fesseur, le fort réputé Vic­tor Babeş, de ne pas en par­ler ?!8

Oui, le témoin-corps, le plus fidèle… c’est lui qui fait men­tir les déc­la­ra­tions des soi-dis­ant témoins, regroupées dans des « enquêtes » offi­cielles, et tous les scé­nar­ios bâtis autour par les enquê­teurs eux-mêmes.

Le « sens » de l’assassinat

En ten­tant main­tenant de déchiffr­er le texte du crime, d’en révéler la syn­taxe, d’en décrire le style, et d’en saisir le sens – ou l’objectif, si un terme aus­si rationnal­isé que celui-ci pou­vait con­venir – nous con­sta­tons avant tout que le dossier des déc­la­ra­tions, toute cette embrouille de mini-scé­nar­ios con­fus, par­tiels, con­tra­dic­toires, fonc­tionne comme un voile à dou­ble effet : de cou­vrir, cacher, et en même temps, de faire com­pren­dre, en don­nant des indices de ce qui s’est réelle­ment passé. Pourquoi ?

Nous pen­sons que cette tac­tique, voire même cette stratégie, répond à l’un des « objec­tifs » que le pou­voir, en l’occurrence total­i­taire, se pro­pose : celui d’intimider. Il veut que le crime soit, tech­nique­ment par­lant, indé­tectable en tant que tel (du moins, dans la mesure où c’est le pou­voir qui détient et manip­ule les moyens tech­niques de dépistage et donc il ne peut y avoir de con­tre-exper­tise) ; il veut, autrement dit, que le crime puisse, aux yeux du pub­lic, être facile­ment masqué en… acci­dent, quelle qu’en soit les cir­con­stances (une syn­cope médi­cale­ment indéfinie, un tramway impor­tun, un excès d’alcool…). Mais, d’autre part, il veut (apparem­ment, comme tout tueur en série) que sa pro­pre sig­na­ture soit, sinon claire­ment affichée, du moins sen­si­ble­ment per­cep­ti­ble pour tous, car c’est là où il man­i­feste son pou­voir sur ses « sujets », sa griffe du lion, ou plutôt du cha­cal ou de l’hyène, sa men­ace à peine voilée, men­ace que tout un cha­cun doit sen­tir et crain­dre, s’il ne veut pas finir comme l’« acci­den­té »… C’est une stratégie d’asservissement, de mise sous la chappe de la peur de toute une pop­u­la­tion – à grande échelle, le mod­èle stal­in­ien – ou d’une caté­gorie d’humains – ceux, surtout, qui sont les plus remuants, ceux qui pensent libre­ment, ceux qui créent sans se souci­er de plaire au César ou au Jupiter du moment. Les écrivains, les artistes, les jour­nal­istes… Autrement dit, les hommes pour qui l’expression de la vérité compte plus que la vie.

Ain­si l’identité des assas­sins doit-elle appa­raître simul­tané­ment, bien que non con­comi­ta­m­ment, comme cachée et comme dévoilée, comme évi­dente et comme indé­mon­tra­ble. Dans les régimes où la vio­lence de cette stratégie est plus feu­trée, on par­lerait d’hypocrisie, en se rap­pelant le moral­iste : « L’hypocrisie est un hom­mage que le vice rend à la ver­tu » (La Rochefou­cauld, dans une de ses Maximes). Mais ce n’est guère le cas en Roumanie : à l’impossible nul n’est tenu… Là, pas de masque. Le ricane­ment du tueur est bien vis­i­ble, car il se pré­vale juste­ment du fait qu’on ne puisse pas le con­fron­ter. Pour­tant, cor­rompre et sub­juguer par la ter­reur n’est finale­ment pas si pro­duc­tif que cela, l’histoire l’a prouvé.

Der­rière cette stratégie, plus ou moins inten­tion­nelle, il y a peut-être aus­si une impul­sion plus obscure, moins con­trôlée, qui fait échap­per aux crim­inels des élé­ments de vérité dans la tex­ture de leurs men­songes, en pro­duisant ain­si un mix­age de con­tra­dic­tions et d’absurdités : c’est un phénomène que j’appellerais la com­pen­sa­tion aléthéique. Car il y a dans l’individu le plus cor­rompu, dans l’assassin le plus cynique, une struc­ture pro­fonde qui appelle dés­espéré­ment à être vue, à se ren­dre vis­i­ble­ment présente, même si occultée par un rôle abject. C’est ce besoin struc­turel de vérité – faut-il l’appeler, en plaisan­tant, « con­science » ? – présent même dans le pire crim­inel, qui fait dire à Richard III sa fameuse « con­fes­sion » (Shake­speare, acte V, scène III, vv. 178–207).

Reste enfin la ques­tion du mobile. Tuer, pour intimider, pour sub­juguer, pour ter­roris­er et se faire crain­dre – mais, à cause de quoi ? Qu’est-ce qui est en jeu ? Que représente la cible, pour vouloir ain­si l’écraser, en faire un exemple ?

Pour moi, la cause du crime est par­faite­ment claire : c’est l’œuvre elle-même. Car la lit­téra­ture, celle de Marin Pre­da en par­ti­c­uli­er, est trans­gres­sion spir­ituelle, hybris sub­lime de la con­nais­sance visant la nue vérité exis­ten­tielle et le dévoile­ment, par­fois bru­tal, des mécan­ismes du pou­voir. À com­mencer par son pre­mier roman, Moromeţii (saga famil­iale dont le nom est tiré – per­son­ne, me sem­ble-t-il, ne l’a remar­qué bien que le per­son­nage prin­ci­pal, la fig­ure du père, s’appelle pré­cisé­ment Ilie Morom­ete – de celui du célèbre héros (Bogatyr) des bylines russ­es Ilya Mouromets; de ce point de vue, le pluriel du patronyme n’est guère anodin!) ; ensuite, Moromeţii II, axé essen­tielle­ment sur ce pil­lage des ter­res paysannes qu’a été la « col­lec­tivi­sa­tion », pas­sant par Intrusul / L’Intrus – qui récupère et en un sens dépasse les enjeux de L’Étranger camusien – et par Viaţa ca o pradă / La vie telle une proie, pour cul­min­er avec Cel mai iubit din­tre pămîn­teni / Le plus aimé des ter­riens.

Faut-il s’étonner alors que Marin Pre­da était, par­mi les écrivains, celui que la Secu­ri­tate haïs­sait le plus, plus même que le Soljénit­syne roumain, Paul Goma (1935–2020) !… Car si, à la lim­ite, Paul Goma pou­vait encore être expédié en exil comme un sim­ple mar­gin­al sans beau­coup d’attaches dans l’estab­lish­ment lit­téraire roumain, Marin Pre­da, lui, représen­tait, tant par sa lit­téra­ture que par sa fonc­tion de directeur de la plus grande et la plus influ­ente mai­son d’éditions de Roumanie, Cartea Românească (Le Livre Roumain), le noy­au même du sys­tème, l’irréductible « grand soli­taire » de l’intérieur, exp­ri­mant vis­cérale­ment dans ses livres la répul­sion devant la pos­si­bil­ité même de se con­former aux zom­bies et aux fan­toches de l’« ère des salauds » (la for­mule lui appar­tient), une mort à l’apparence de vie, une vie d’abus mon­strueux et d’arbitraire scélérat. 

Marin Pre­da, oui, en exis­tant comme écrivain, il dénonçait ! (Il avait même men­acé Ceauşes­cu de se sui­cider si celui-ci s’avisait de revenir au « réal­isme social­iste », comme à une cer­taine époque « maoïsante » le dic­ta­teur en avait eu grande envie). Surtout dans ce dernier roman-fresque où tout était dit à par­tir non des posi­tions de « l’homme révolté », mais de l’homme nor­mal qui ne peut, dans les con­di­tions don­nées, presque mal­gré lui, QUE choisir la révolte. Le seul délit de Vic­tor Petri­ni, son per­son­nage, comme de lui-même, en tant qu’écrivain, étant de ne pas cess­er, de ne pou­voir cess­erd’être une con­science libre.

Or, c’est cela que s’avéraient inca­pables de lui « par­don­ner » les gou­ver­nants com­mu­nistes ! Eux, les déshu­man­isés, les aliénés, les damnés qui, tout d’un coup, se voy­aient démasqués : se voy­aient tout court ! Comme dans un miroir ! Rap­pelons le final de l’Intrus, qui son­nait déjà comme un avertissement : 

« Adieu, les gars ! Vivez et tra­vaillez dans votre nou­velle ville jusqu’à ce que vous lui don­niez les vieil­lards dont elle manque, et ensuite, les morts qui puis­sent écouter dans le silence de leurs tombes la vie des héri­tiers. Et créez-vous les légen­des qui vous con­vi­en­nent. Moi, vous m’avez chas­sé et autant que cela vous importe, sachez que vous n’aurez pas mon par­don. Vous êtes affamés de vie, mais pas de bon­heur, et votre seule chance est que vous n’êtes pas éter­nels et que d’autres, meilleurs, peut-être, vien­dront pren­dre votre place. N’espérez pas qu’ils vous épargneront ! »

Le fait, avéré, que le jour même du décès de l’écrivain, la Secu­ri­tate a sous­trait tous les man­u­scrits trou­vés dans sa cham­bre au palais Mogoşoa­ia, ain­si que la valise aux man­u­scrits et doc­u­ments que Marin Pre­da avait con­fiée un an avant sa mort à sa secré­taire, au siège de la mai­son d’éditions dont il était le directeur, avec con­signe de la don­ner à son frère au cas où il lui arriverait mal­heur, ne prou­ve pas que le mobile du crime aurait été, comme dans quelque film d’espionnage, la récupéra­tion du pré­cieux con­tenu de cette mal­lette. En l’occurrence, à part des let­tres, son jour­nal per­son­nel, et des écrits, elle con­te­nait aus­si, selon Ion Caraion, quelques doc­u­ments à valeur de preuve en vue de la pré­pa­ra­tion d’une suite à son roman Delir­ul / Le délire, visant notam­ment l’époque de l’installation du régime com­mu­niste en Roumanie. 

L’enquête menée par Mme Mar­i­ana Sipoş révèle que des intru­sions des ser­vices de la police secrète au siège de la mai­son d’éditions de Marin Pre­da avaient eu lieu bien avant, avec sous­trac­tion par effrac­tion de man­u­scrits et doc­u­ments, donc s’il s’agissait juste de les récupér­er, la Secu­ri­tate n’avait nul besoin d’en tuer le pos­sesseur ! Même si le procédé anticipe en quelque sorte un braquage sim­i­laire, celui des dis­quettes et de l’ordinateur de Ioan Petru Culianu, à son domi­cile de Chica­go, 11 ans plus tard, braquage qui avait précédé de quelques jours l’assassinat du pro­fesseur… Le con­tenu de ces sup­ports impor­tait peu, ce qui con­tait, c’était le mes­sage : sous­traire à la vic­time ses objets per­son­nels, le sup­port de ses pen­sées, de ses écrits, est une étape annon­ci­atrice de la sup­pres­sion physique. Tout comme les menaces.

Et Pre­da en avait reçu, des men­aces, comme en témoignent ses proches. 

Quelques jours avant ce fatal 15 mai, selon le témoignage de Cor­nel Popes­cu (rédac­teur en chef de la mai­son d’éditions Cartea Românească), l’écrivain rece­vait des représen­tants de la Procu­ra­ture munic­i­pale dans son bureau, en présence aus­si de son épouse, en rela­tion avec une plainte qu’il venait de dépos­er pour har­cèle­ment, sur­veil­lance et men­ace : une voiture rouge qui pour­suiv­ait partout sa femme et ses enfants, des coups de fils anonymes avec des men­aces, insultes et injures. Ter­ror­isé, Pre­da dit alors à son adjoint : « Mon cher, ils vont tuer mes enfants ! » Il aurait reçu pour­tant à cette occa­sion des assur­ances comme quoi « le prob­lème allait être résolu » : il l’a été, en effet, quelques jours plus tard, par l’assassinat du plaignant !…

En tout cas, l’état de panique de l’écrivain allait per­sis­ter après l’entrevue sus­men­tion­née. Ain­si l’atteste un jeune écrivain de l’époque, Radu F. Alexan­dru, à qui Pre­da dis­ait au télé­phone, dans l’après-midi du 15 mai, la veille du crime : « Mon petit, je suis un homme fini ! » Enfin, témoigne de cet état de ter­reur Ion Caraion, son ami de longue date, à qui l’écrivain avait téléphoné paniqué le 15 mai au soir vers 21h – sans doute, juste avant de com­man­der le taxi pour se ren­dre à Mogoşoa­ia, quelques heures donc avant le crime et dans un état fort éloigné de l᾿« ébriété avancée » qui allait devenir le leit­mo­tiv de l’enquête de la Secu­ri­tate – pour lui deman­der de l’accueillir chez lui cette nuit-là (hélas le poète se pré­parait à démé­nag­er le lende­main et n’a pu le recevoir). Man­i­feste­ment, Pre­da craig­nait, avec rai­son, pour sa vie.

Car ce qui irrite le pou­voir total­i­taire et le pousse imman­quable­ment au crime c’est l’être même de l’écrivain, son exis­tence qui se dresse en con­science libre et du coup, ses écrits, son expres­sion la plus directe, son être de mots – et seule­ment ensuite, ses éventuelles activités.

Ain­si la valeur d’avertissement du crime est unique­ment con­fir­mée par la per­son­nal­ité et l’œuvre de l’auteur de ce for­mi­da­ble roman : Le plus aimé des ter­riens. Par son assas­si­nat, ont aus­si été visés ses per­son­nages – l’héroïque Ilie Morom­ete, l’utopiste dés­abusé et l’éternel intrus Călin Surupăceanu9 et, bien enten­du, Vic­tor Petri­ni lui-même – dont le mod­èle était le poète et écrivain Ion Caraion10. Celui-ci allait d’ailleurs faire l’objet d’une « fat­wa » morale suiv­ie d’une longue cam­pagne de dén­i­gre­ment et calom­nie, avant et après qu’il ait quit­té le pays en 1981, visant à le bris­er défini­tive­ment (avec le résul­tat escomp­té, puisque le poète a fini par se sui­cider le 21 juil­let 1986, dans son exil à Lausanne). 

Ion Caraion était lui-même de ceux qui refusent de som­br­er dans le mag­ma de l᾿« ère des salauds ». Ain­si il écrivait, quelques jours après l’assassinat de Marin Pre­da11 :

« … il voulait vivre, mais pas n’importe com­ment. Pas n’importe com­ment. Pas à la manière des salauds. Pas comme une canaille. Ni igno­ble­ment et sans lucid­ité. (…) Il n’y a que les imbé­ciles pour penser que per­sévér­er à ne pas écras­er et ven­dre aux enchères sa con­science, dans un siè­cle qui a tué la sienne, veut dire être naïf. (…) Ne pas sur­vivre par l’abjection a tou­jours préoc­cupé Marin Pre­da, et, au sac­ri­fice de sa pro­pre vie, il a réussi. »

Avec Marin Pre­da était assas­s­inée l’une de formes les plus struc­turées et les plus pro­fondé­ment indi­viduées de la con­science col­lec­tive roumaine – ou, pour dire les choses un peu trop pathé­tique­ment peut-être mais au fond si sim­ple­ment, était assas­s­iné morale­ment le peu­ple roumain.

Il résulte aus­si, des doc­u­ments trou­vés dans les archives de la Secu­ri­tate et révélés par Mme Mar­i­ana Sipoş, que l’écrivain était sous sur­veil­lance depuis très longtemps, et qu’il était entré dans le viseur de la police poli­tique dès 1952 – alors qu’il n’avait même pas encore pub­lié son pre­mier roman, Moromeţii, mais seule­ment des nou­velles, qui jetaient un regard cru sur le monde paysan, telle­ment éloigné de la vision idyllique atten­due ; l’une en par­ti­c­uli­er, Des­făşu­rarea / Le déploiement, pub­liée juste­ment en 1952, visait d’une manière assez équiv­oque la col­lec­tivi­sa­tion de la paysan­ner­ie, sujet brûlant à l’époque. Un rap­port secret de la Secu­ri­tate pré­conise alors à l’encontre de l’écrivain l’« inté­gra­tion à l’U.T. » (« unité de tra­vail », désig­nant prob­a­ble­ment, à l’époque, le fameux canal Danube-Mer Noire, sorte de goulag à ciel ouvert pour détenus poli­tiques envoyés en « réé­d­u­ca­tion »). Des notes et rap­ports secrets de la Secu­ri­tate le con­cer­nant, et attes­tant une sur­veil­lance rap­prochée per­ma­nente, se con­cen­trent ensuite en 1966, juste avant le roman qui démasque la vio­lence de la col­lec­tivi­sa­tion, Moromeţii II / Les Morom­ete, deux­ième par­tie : est pré­con­isée alors, par un offici­er de la Secu­ri­tate, l’installation d’écouteurs télé­phoniques à son domi­cile. Puis, en 1971, après L’Intrus, le roman qui met en cause le sys­tème com­mu­niste dans son ensem­ble, a lieu un braquage en règle effec­tué par les agents de la police poli­tique, dont la pré­pa­ra­tion minu­tieuse est bien doc­u­men­tée, avec sous­trac­tion de man­u­scrits et doc­u­ments à son bureau, au siège de la mai­son d’éditions Cartea Românească, dont il était directeur depuis tout juste un an… 

Interne­ment, sur­veil­lance, con­fis­ca­tion ‒ un trinôme vec­to­riel indis­pens­able aux régimes total­i­taires. Cul­mi­nant en 1980 avec le qua­trième terme, qui change la donne et achève le dôme : l’assassinat, trois mois à peine après la paru­tion du roman Le plus aimé des ter­riens.

Main­tenant, le comble de l’horreur est quand on tombe, dans les doc­u­ments exhumés, sur des notes d’instruction datées des deux-trois pre­miers jours après l’assassinat, ayant expressé­ment comme objec­tif « le posi­tion­nement inté­gral des films de l’enquête sur le ter­rain », pour « l’interprétation objec­tive, en rap­port avec les con­clu­sions médi­co-légales, des cir­con­stances du décès ». Vu le con­tenu du rap­port médi­co-légal, tel que décrit aupar­a­vant, on est en droit de penser qu’il s’agissait de recom­man­der l’ajustement le plus plau­si­ble (« objec­tif ») entre le scé­nario des déc­la­ra­tions, en train de con­sti­tu­tion (« les cir­con­stances »), et les films réal­isés sur le ter­rain (« les con­clu­sions médi­co-légales ») : cela peut vouloir dire aus­si que non seule­ment la décou­verte du cadavre, mais aus­si le cal­vaire et la mise à mort de l’écrivain ont peut-être été filmés… En tout cas, cela sug­gère forte­ment que tout le dossier est con­stru­it arti­fi­cielle­ment de manière à impos­er une cer­taine vision des choses, par exem­ple, « inter­préter » comme des livid­ités cer­taines traces pou­vant indi­quer des coups, des lésions ou une hémor­ragie interne – quitte à con­serv­er des pièces secrètes (éventuelle­ment détru­ites ultérieure­ment : aucun film, finale­ment, n’a pu être récupéré à ce jour). Ces notes nous sem­blent prou­ver égale­ment la ten­ta­tive occulte mais directe d’influencer les médecins légistes.

Revenons à l’idée plus générale du mobile. Dans les dossiers de « mise sous sur­veil­lance » de l’écrivain, tenus secrets durant plusieurs décen­nies de sa car­rière lit­téraire, on invoque – dès le rap­port de 1952 – un « motif » : « atti­tude hos­tile et liaisons sus­pectes ». Une manière, typ­ique à l’époque pour le régime com­mu­niste, de vouloir tout dire tout en ne dis­ant rien. 

En fait, quelle était la cause et donc, la cible de la sur­veil­lance, de la répres­sion, et finale­ment, de la sup­pres­sion physique de l’écrivain ? La con­science libre, non con­t­a­m­inée, représen­tée par un com­bat­tant de la plume : celle qu’abhorre, par un instinct obscur et incon­scient, l’idiotie enragée de l’abjection total­i­taire. Le con­trôle et la sup­pres­sion de la con­science libre, voilà la cause effi­ciente et la cause finale com­munes aux crimes d’État que nous avons évo­qués. D’ailleurs l’État, même non explicite­ment total­i­taire ‒ car il y a une cer­taine dose d’arbitraire dans toute forme de pou­voir poli­tique, quelle qu’en soit l’étiquette ‒ est le prin­ci­pal vecteur de la cor­rup­tion et de la destruc­tion des con­sciences. Rap­pelons encore l’adage de Culianu : « il n’y a pas de pou­voir bon »12.

Si les man­u­scrits de Marin Pre­da ont été con­fisqués en même temps que sa per­son­ne était détru­ite, c’est encore un indice de la haine vis­cérale des pou­voirs envers la parole, dic­tant une volon­té brute et bru­tale de tout faire taire, l’homme et son verbe, dans chaque trace de papi­er. Et de faire tarir, de faire taire, cet autre sang : l’écriture. Mais il s’agit après tout de régimes mori­bonds, ou pire, de charognes poli­tiques en putré­fac­tion, pani­quant de cette étrange panique devant tout mot de vérité qui pul­vérise leurs échafaudages crim­inels de nuit et de brume.

Le vis­age mar­tyrisé de Marin Pre­da, que tout un cha­cun pou­vait voir, grossière­ment « réparé » et cou­vert d’environ un demi-cen­timètre de poudre rose bon-marché, sans pou­voir cam­ou­fler vrai­ment la pom­mette gauche tumé­fiée par les coups (prob­a­ble­ment avec un poing améri­cain), ni la lèvre supérieure écrasée de la même manière, rendait inutile, à nous, les quelques « pèlerins » qui tournions autour de son cer­cueil ouvert, tout autre éclair­cisse­ment sup­plé­men­taire. Com­ment douter d’ailleurs devant cet écrivain man­i­feste­ment bat­tu à mort et ensuite maquil­lé par les assas­sins eux-mêmes, devant cette hor­reur fardée, abjecte­ment soulignée plus qu’occultée ‒ oui, com­ment douter ?… Alors je souris jaune, et je sens que sur mon vis­age pétri­fié les larmes ne coulent pas, mais cuisent tels des abcès. 

Notes

[1] Dans Portre­tul scri­itoru­lui îndră­gos­tit. Marin Pre­da / “Le por­trait de l’écrivain amoureux : M.P.”, Edi­tu­ra MNLR, 2010, p. 163.

[1] Voir notre livre numérique Total­i­tarisme et lit­téra­ture (II). Une nou­velle syn­thèse sur les crimes d’État en Roumanie (Les Cahiers « Psy­chan­odia » n° 4, juin 2023, sur https://adshishma.net/Publications-Accueil.html.

[1] Non inclus dans les doc­u­ments de la soi-dis­ant enquête, ce témoignage a été pub­lié dans le jour­nal Seara / Le Soir, du 5/6 août 1991, p. 4, et a été repro­duit dans Mar­i­ana Sipoş, Dosarul Marin Pre­da (viaţa şi moartea unui scri­itor în anchete, pro­cese-ver­bale, arhive ale Secu­rităţii, măr­turii şi foto-doc­u­mente) (“Le dossier Marin Pre­da (la vie et la mort d᾿un écrivain dans les enquêtes, procès-ver­baux, archives de la Sécu­ri­tate, témoignages et pho­to-doc­u­ments)”), Éditions Eikon, 2017, p. 181.

[1] Voir op. cit, (Les Cahiers « Psy­chan­odia » n° 4, juin 2023, sur https://adshishma.net/Publications-Accueil.html ain­si que, désor­mais, La Let­tre du PEN Club français n° 38, pp. 21–27.

[1] Voir op. cit. (ibid.) et La Let­tre du PEN Club français n° 38, pp. 8–20.

[1] “Cîte­va detalii despre uciderea lui Marin Pre­da” / Quelques détails sur l’assassinat de M. P., inclus dans le vol­ume Tris­teţe şi cărţi / Tristesse et livres, Edi­tu­ra Fun­daţiei Cul­tur­ale Române, Bucarest, 1995.

[1] Son arti­cle est paru dans la revue Lumea Mag­a­zin de sep­tem­bre 2002, qui ne m’a pas été acces­si­ble, mais qui est la source à laque­lle se réfèrent d’autres auteurs : Lucian P. en 2009 ; Paul B.[ertalan] en 2011 ; I. Chir­cu en 2013 ; le pro­fesseur Ion Coja en sep­tem­bre 2020. 

[1] Voir notre arti­cle indiqué à la note 3 ci-dessus.

[1] Pour l’étymologie du nom il ne faut sans doute pas recourir à suru (‘gris’), appel­latif pru­dent util­isé dans le roman par l’écrivain, mais au verbe a sur­pa – vari­ante suru­pa (‘ren­vers­er’, ‘faire crouler’, ‘détru­ire’), avec une évi­dente con­no­ta­tion poli­tique. Non « l’homme révolté » mais le destruc­teur des mythes, celui qui fait tomber tous les masques. D’ailleurs, le prénom du per­son­nage – Călin – com­plète en quelque sorte sa séman­tique, en ren­voy­ant à deux poèmes de Mihai Emi­nes­cu, Călin, file din poveste (Călin, feuilles de con­te de fée) et Călin neb­unul (Călin le fou), le pre­mier, sug­gérant plutôt la dimen­sion utopique du héros pré­di­en, le sec­ond – son côté déstruc­turant antisystème.

[1] Le poète, mis sous accu­sa­tion poli­tique – alors qu’il avait été l’un des plus fer­vents écrivains antifas­cistes en Roumanie avant et pen­dant la guerre – a été empris­on­né à deux repris­es, 1950–1955 et 1958–1964, effec­tu­ant 11 ans de déten­tion, dans les pris­ons de sin­istre renom­mée Jila­va, Gher­la et Aiud, véri­ta­bles camps d’extermination, au Canal Danube-Mer Noire, camp de travaux for­cés, dans les mines de plomb, etc. 

[1] Ion Caraion, „Ulti­ma con­vor­bire”, dans le jour­nal Româ­nia Liberă / La Roumanie Libre, n ° 11059, lun­di 19 mai 1980.

[1] I. P. Cou­liano, Éros et magie à la Renais­sance. 1484 (éd. Flam­mar­i­on, Paris, 1984, deux­ième par­tie : ch. IV – “Éros et magieˮ, pp. 147–150).

 

Présentation de l’auteur

Marin Preda

Marin Pre­da, né le 5 août 1922 à Sil­iștea Gumești (județ de Tele­or­man) et mort le 16 mai 1980 à la Mai­son des écrivains de Mogoșoa­ia (județ d’Il­fov), est un écrivain1 et édi­teur roumain.

Bibliographie 

  • Întâl­nirea din pămân­turi [La ren­con­tre à l’é­toile des ter­res], roman, 1948
  • Ana Roșculeț, 1949
  • Des­fășu­rarea [Le Déploiement], 1952
  • Moromeții, roman, vol­ume I, 1955
  • Fer­e­stre întunecate, 1956
  • Îndrăzneala [L’au­dace], 1959
  • Risip­i­torii, roman, 1963
  • Moromeții, roman, vol­ume II, 1967
  • Intrusul (L’In­trus), roman, 1968
  • Imposi­bi­la întoarcere [L’im­pos­si­ble retour], roman, 1972
  • Marele sin­gu­rat­ic (Le Grand Soli­taire), roman, 1972
  • Delir­ul [Le délire], roman, 1975
  • Viața ca o pradă [La vie telle une proie], essai, 1977
  • Cel mai iubit din­tre pămân­teni [Le Plus Aimé des Ter­riens], roman, 1980

Traductions en français

  • Dans un vil­lage : nou­velle (Des­fășu­rarea) ; traduit du roumain par Ana Vifor, 1955
  • L’hori­zon bleu de la mort ; traduit en français par Micaela Slăves­cu, Bucarest, 1982
  • Le Grand soli­taire (Marele sin­gu­rat­ic) ; traduit du roumain par Claude B. Lev­en­son, Paris, 1975
  • L’in­trus (Intrusul) ; tra­duc­tion par Maria Ivă­nes­cu ; pré­face par Cezar Ivă­nes­cu, Bucarest, 1982
  • Les Morom­ete (Moromeţii) ; traduit du roumain par Maria Ivă­nes­cu ; pré­face par Mihai Ungheanu, Bucarest, 1986

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

Marin Preda – le plus haï des écrivains

Le « dossier Marin Pre­da » La mort du grand prosa­teur Marin Pre­da (1922–1980) fut, comme d’autres crimes poli­tiques en Roumanie, offi­cielle­ment attribuée à l’al­cool. Le peu d’éléments qui ont pu fil­tr­er dans le rapport […]

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Ara Alexandre Shishmanian

Né à Bucarest en 1951, diplômé de la fac­ulté de langues romanes, clas­siques et ori­en­tales, avec une thèse sur le Sac­ri­fice védique, opposant au régime com­mu­niste, Ara Alexan­dre Shish­man­ian a quit­té défini­tive­ment la Roumanie en 1983. Poète et his­to­rien des reli­gions, il est l’auteur de plusieurs études sur l’Inde védique et la Gnose, parues dans des pub­li­ca­tions de spé­cial­ité en Bel­gique, France, Ital­ie, Roumanie, États-Unis (dont les actes du col­loque « Psy­chan­odia » qu’il a organ­isé à Paris sous l’égide de l’INALCO en mémoire de I. P. Cou­liano, dis­ci­ple de Mircea Eli­ade : Ascen­sion et hypostases ini­ti­a­tiques de l’âme. Mys­tique et escha­tolo­gie à tra­vers les tra­di­tions religieuses, 2006, et le pre­mier numéro d’une pub­li­ca­tion péri­odique : Les cahiers Psy­chan­odia, I, 2011 ; ces deux pub­li­ca­tions sont éditées par l’Association « Les amis de I. P. Cou­liano » qu’il a créée en 2005). Il est égale­ment l’auteur de 18 vol­umes de poèmes parus en Roumanie depuis 1997 : Priviri / Regards, Ochi­ul Orb / L’oeil aveu­gle, Tirezi­a­da / La tirési­ade, regroupés dans Trip­tic / Trip­tyque (2001, éd. Cartea românească), le cycle Migrene / Migraines, I‑VI (2003–2017), le cycle Absenţe / Absences, I‑IV (2008–2011), et enfin Neştiute / Mécon­nues, I‑V (2012, 2014, 2015, 2018). Deux vol­umes de poèmes traduits en français par Dana Shish­man­ian sont parus aux édi­tions L’Harmattan, dans la col­lec­tion Accent tonique : Fenêtre avec esseule­ment (2014), et Le sang de la ville (2016), les deux plusieurs fois recen­sés dans des revues lit­téraires français­es (dont Recours au poème).

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