Martin Harrison

Par | 29 mars 2015|Catégories : Rencontres|

traduit et présen­té par Mar­i­lyne Bertoncini

 

Mar­tin Har­ri­son, bril­lant poète-philosophe aus­tralien et enseignant révéré, était sur le point de pub­li­er un nou­veau recueil, inti­t­ulé Hap­pi­ness, quand il est mort d’une crise car­diaque, à 65 ans, le 6 sep­tem­bre 2014 — j’at­tendais le dernier retour de notre man­u­scrit, Rain­bow Snake — Ser­pent-Arc-en-ciel , que  pub­lie Recours au Poème édi­teurs en 2015. Je n’ai ren­con­tré Mar­tin Har­ri­son que trois fois, lors de séjours qu’il fit en Europe ou en Tunisie – la pre­mière en 2008, je crois, alors qu’il était en rési­dence d’écri­t­ure à Paris. J’avais com­mencé à traduire ses poèmes pour la revue fran­co-anglaise La Tra­duc­tière, et Il avait alors fait le déplace­ment sur Nice pour me ren­con­tr­er. Il est par la suite revenu, et un pro­jet de pub­li­ca­tion est né. Quant il est mort, j’ig­no­rais qu’il était désor­mais, ain­si que le décrit Mar­tin Aitken, sur un fau­teuil roulant : son ent­hou­si­asme, sa bonne humeur com­mu­nica­tive me lais­saient espér­er de pou­voir lui faire vis­iter la chapelle Matisse à Vence, que nous n’avions pu voir lors des précé­dents séjours : grand con­nais­seur de pein­ture, il ado­rait ce pein­tre et expli­quait mer­veilleuse­ment son rap­port à la cul­ture aborigène… Jamais dans ses cour­riels il ne m’avait lais­sé devin­er son état réel. C’é­tait un homme char­mant, chaleureux, atten­tif, d’une très grande ouver­ture d’e­sprit et de grande cul­ture, et d’une extrême sim­plic­ité. J’ai le sou­venir de prom­e­nades le long de la plage en hiv­er, de vis­ites chez les anti­quaires, d’échanges sur ses poèmes ou sur la poésie française, de repas “en famille”… Au cours de ces huit années où nous avons échangé à pro­pos de notre recueil bilingue s’est tis­sée une cor­re­spon­dance au long cours entre­coupée de vides dont je com­prends désor­mais la cause, de son côté . Cha­cune de ses let­tres était pré­cise, détail­lée, pleine d’en­seigne­ments et d’en­cour­age­ments – j’ai appris beau­coup  — sur l’Aus­tralie, la poésie, et moi-même, à tra­vers ce tra­vail avec Mar­tin, dont l’én­ergie nous avait fait envis­ager, dans la foulée, une antholo­gie de la poésie con­tem­po­raine aus­trali­enne, qu’il me faudrait pour­suiv­re seule…

            Quand son assis­tant, Nick Keys, m’a annon­cé sa mort, pour moi com­pléte­ment boulever­sante, il m’a pré­cisé ceci, qui m’a pro­fondé­ment touchée et, étrange­ment, ras­surée : “Je suis très triste de devoir vous écrire pour vous informer que Mar­tin Har­ri­son est décédé ce week-end. Il est mort d’une crise car­diaque dans sa voiture, le long de la riv­ière Hawkes­bury. Quelques jours avant, en revenant de chez Mar­tin pour ren­tr­er en ville, j’ai vu un arc-en-ciel au-dessus de la Hawkesbury (…)” -

Mar­i­lyne Bertonci­ni – févri­er 2015

 

note – L’in­ter­view de Mar­tin Har­ri­son par Adam Aitken[i] présente un regard per­son­nel et intéres­sant sur la poésie aus­trali­enne et con­tem­po­raine. Elle est précédée d’un bref texte qui la resitue dans son con­texte. Les dimen­sions du “pays” Aus­tralie – île et con­ti­nent à fois —  la var­iété extrême de ses paysages, et de sa faune, des cul­tures, locales ou immi­grées (d’Eu­rope, d’Asie…) en dif­férentes épo­ques, les influ­ences artis­tiques ou poli­tiques, au cours des siè­cles, et le souci per­ma­nent, dans un pays-con­ti­nent rel­a­tive­ment jeune, de créer une cul­ture nationale com­mune, inté­grant désor­mais la pop­u­la­tion autochtone, longtemps méprisée, rendaient néces­saires quelques notes de fin de texte, sur les poètes aus­traliens ou les courants lit­téraires cités.

 

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J’ai ren­con­tré Mar­tin Har­ri­son pour la pre­mière fois en 1985,  à New­ton, New South Wales. J’é­tais étu­di­ant et appren­ti poète à l’u­ni­ver­sité de Sid­ney, et nous étions voisins. Je traî­nais avec un groupe de poètes qui se réu­nis­saient à l’hô­tel Cour­t­house, sur Aus­tralia Street, à quelques pâtés de mai­son au nord de chez Mar­tin, un groupe con­sti­tué par John Forbes,  John Tran­ter, Pam Brown, Gig Ryan, Lau­rie Dug­gan, Dip­ti Sar­a­vana­mut­tu, Jan Har­ry, Joanne Burns, Rae Desmond Jones, and Chris Mansell[ii].… par­mi d’autres. Mar­tin apparte­nait à la scène lit­téraire, mais ça ne me rebu­tait pas parce que je le trou­vais immen­sé­ment intel­li­gent, chaleureux, spir­ituel, et il soute­nait les jeunes poètes.

Douze ans plus tard, Cordite Review m’a demandé d’in­ter­view­er Mar­tin chez lui, dans son apparte­ment de Dar­linghurst. A cette époque, j’avais démé­nagé à Wol­lom­bi, à deux heures de route au nord de Sid­ney. Son sec­ond livre, The Kan­ga­roo Farm, venait de sor­tir chez Robert Adam­son et Juno Femes Paper Bark Press et j’avais été frap­pé par la façon dont ce livre entrait en réson­nance avec les dis­cus­sions que nous avions entre poètes à cette époque. Mar­tin était alors au départe­ment d’écri­t­ure créa­tive de l’u­ni­ver­sité de tech­nolo­gie de Sid­ney. Sur la demande de  Cordite, j’ai cher­ché à le ren­con­tr­er pour l’in­ter­view­er. Il fut ent­hou­si­aste. Je ne pou­vais pas le savoir alors, mais j’al­lais étudi­er à l’UTS de 2000 à 2004, puis y être employé comme lecteur – et même enseign­er avec Mar­tin pen­dant un ou deux semes­tres.  Je l’ai ren­con­tré régulière­ment jusqu’à sa mort en sep­tem­bre 2014.

La dernière fois que j’ai vu Mar­tin, la fac­ulté d’art était en crise, sa san­té très mau­vaise, il était cloué en fau­teuil roulant, mais con­tin­u­ait à s’in­quiéter pour ses doc­tor­ants. La fac­ulté de l’UTS était en pleine tour­mente finan­cière. Il était, mal­gré tout, incroy­able­ment chaleureux. Ses  derniers mots furent des con­seils – il m’a dit de rester là, qu’il y aurait tou­jours du tra­vail pour moi à l’UTS. Ce fut extrême­ment impor­tant  pour moi.

J’ai assisté au ser­vice funèbre en mémoire de Mar­tin au NSW Writ­ers Cen­ter le 14 sep­tem­bre ; inca­pable de dormir cette nuit-là, je me suis rap­pelé l’in­ter­view… Je l’ai cher­chée sur inter­net et l’ai retrou­vée, archivée sur Pan­do­ra. En la relisant, j’ai été frap­pé par sa fraîcheur, son ent­hou­si­ame débor­dant et les opin­ions jus­ti­fiées (avec une touche de polémique) car­ac­téris­tiques de Mar­tin. Il pou­vait par­ler de poésie à très haut niveau tech­nique, et appli­quer sa vaste con­nais­sance des langues, de la pein­ture, du son, de la sci­ence et de la philoso­phie mod­erne à une poé­tique plutôt roman­tique, d’un mys­ti­cisme vital­iste et tran­scen­den­tal. L’oeu­vre de Mar­tin pen­chait vers celles de Les Mur­ray et Robert Gray[iii], poètes qu’il respec­tait, mais enrac­inée dans un autre type de vie cos­mopo­lite, dans la sen­su­al­ité et la matière, dans l’ex­péri­ence d’é­mo­tion et de per­cep­tion délivrées de la poé­tique nation­al­iste aus­trali­enne… toutes choses qui font sens pour moi. Je dois admet­tre qu’en 1997, j’ig­no­rais tout de son intérêt pour l’é­copoé­tique, c’est pourquoi il est intéres­sant aujour­d’hui de réfléchir au chemin par­cou­ru par la poésie de Mar­tin et les poé­tiques aus­trali­ennes depuis cette inter­view. Il me sem­blait à l’époque qu’il cri­ti­quait ma posi­tion poé­tique, mais cela ne fai­sait que ren­dre nos échanges plus intéres­sants. Au moins, pour Mar­tin, cela devait être “intéres­sant”.

C’est l’un de deux seules inter­views pub­liées de Mar­tin Har­ri­son, ce qui est con­tra­dic­toire pour un poète qui aimait par­ler. Ce qui suit est une ver­sion abrégée, pub­liée, de notre con­ver­sa­tion enreg­istée avec un Walk­man Sony.

Adam Aitken, Syd­ney, 14 Sep­tem­ber 2014

 

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Adam Aïtken  — Com­ment votre tra­vail à la radio a‑t-il influ­encé votre poétique?

Mar­tin Har­ri­son – L’élec­tron­ique et les médias m’ont tou­jours pas­sion­né, et j’ai aus­si su, très tôt, que j’au­rais tra­vail­lé à la radio – dans ma vie, c’est relié à plein de choses venues de l’en­fance : la radio est sou­vent une expéri­ence enfan­tine pour les gens. C’est là que com­mence votre amour des choses. Et puis, je crois que l’écri­t­ure n’ex­iste pas seule­ment pour la page. On écrit aus­si pour des films et la télévi­sion ou d’autres sortes de média. C’est une part de l’en­vi­ron­nement dans lequel je vis.

 

AA – Vous sem­blez utilis­er les images de façon linéaire, comme le ferait la télé.

MH – Oui, je m’ef­force d’écrire une poésie qui vive dans ce monde où l’on regarde la télé, écoute la radio, va au ciné­ma. Et j’ai beau­coup réfléchi à ce que sig­ni­fie l’im­age poé­tique de nos jours : il faut repenser à chaque généra­tion la déf­i­ni­tion clas­sique d’Ho­race – pic­to­ria poe­sis. Je voudrais que mon oeu­vre coex­iste avec les  canaux de per­cep­tion con­tem­po­rains. Je m’in­téresse au type de détail procuré par un appareil pho­to avec lequel l’écrivain est fam­i­li­er.  Prenez un lieu, une scène ou un per­son­nage :  il y a quelque chose dans la façon dont les images ren­dent compte de cet objet, et dans la façon dont l’at­ten­tion s’at­tarde sur ce qui est pro­duit par l’im­age. Ça définit une sen­si­bil­ité con­tem­po­raine. J’aime ce type d’attention.

 

AA – On pense en général que l’in­flu­ence de la radio et de la télévi­sion sur la poésie est un phénomène récent, mais en fait, dans votre oeu­vre, vous devez beau­coup à l’esthé­tique de Roland Robin­son[iv]. Il sou­tient : ‘L’im­por­tant est de con­tin­uer à bouger”. Je pense à votre poème “La lune con­tem­plée dans le cré­pus­cule sor­rentin”. Vous écrivez “la lune perceuse”, “lune de savoir éter­nel”, et vous écrivez aus­si que “tout, là, était à l’op­posé de ce que je sen­tais”. De quelle façon ces idées trou­vent-elles orig­ine dans la poésie de Roland Robinson?

MH : Je voulais écrire une élégie pour Roland ; Il a pub­lié cer­tains de mes pre­miers poèmes. J’ad­mi­rais son tra­vail et je l’aimais beau­coup. C’é­tait essen­tielle­ment un humain pro­fondé­ment généreux… un homme avec une mémoire et une énergie excep­tion­nelles. C’é­tait quelqu’un qui, de façon sub­tile, vous fai­sait chang­er d’avis sur la nature de l’ex­péri­ence locale. Dans ce poème, je voulais faire ressor­tir la matière sonore du tra­vail de Roland. Je regrette de n’avoir jamais pu l’en­reg­istr­er, comme nous main­tenant, et de con­serv­er sa con­ver­sa­tion. Il pas­sait de la con­ver­sa­tion à la poésie et de la poésie à la con­ver­sa­tion. Il a passé beau­coup de temps à voy­ager à tra­vers toute la Nou­velle Galles du Sud,  sur les côtes nord et sud, et dans cer­taines zones intérien­res – pen­dant et après la guerre, il voy­ageait et ren­con­trait surtout les pop­u­la­tions locales aborigènes, et il  écrivait leurs histoires.

 

AA – D’une cer­taine façon, dans votre poésie, le “Je “– le poète – fait un péleri­nage dans dif­férents paysages – une apparence de pas­torale– mais dif­férente des pas­torales de David Camp­bell[v]. Quel sens don­nez-vous  au fait d’écrire le paysage aus­tralien comme un effiloche­ment des mythes plutôt qu’un ren­force­ment du fos­sé entre ville et campagne?

MH – Cette dialec­tique n’a plus de sens. Je ne nie pas l’ex­is­tence de dif­férences régionales en Aus­tralie, les citadins les sous-esti­ment. Les habi­tants des villes se représen­tent très mal l’im­age qu’on en a dans cer­taines zones du Bush. C’est vrai. Je n’ai pas l’in­ten­tion de dis­cuter pour savoir si le pays est une sorte d’e­space idyllique. Ce qui m’in­téresse, c’est d’en par­ler comme d’une inven­tion tech­nologique autant que d’une inven­tion de l’e­space urbain.  Cet aspect est con­stam­ment sous-estimé, on n’en com­prend pas l’im­por­tance. Il me sem­ble que dans ce pays, il faut avoir un sens de l’e­space sur plusieurs dimen­sions. Je sais que ça peut être très dérangeant, parce que l’at­tache­ment et la mémoire ont plusieurs niveaux, mais pas comme si plusieurs his­toires se déroulaient par­al­lèle­ment. Je veux dire que votre attache­ment à une mai­son, une pièce, un point de vue est vôtre, et il résonne d’une infinité de façons. Mais c’est un peu dif­férent de ce que je veux exprimer, en dis­ant qu’il faut avoir d’une cer­taine manière cette dou­ble vision des espaces et des lieux. Ils appar­ti­en­nent à des his­toires mul­ti­ples – ils appar­ti­en­nent à des his­toires aborigènes, des his­toires de pio­nniers, des his­toires con­tem­po­raines etc. Il faut par­fois rassem­bler tous ces aspects, c’est pourquoi j’es­saie de con­serv­er ouverte cette pos­si­bil­ité dans les poèmes.

Vous men­tion­nez l’élégie à Roland Robin­son. C’est l’une des raisons pour lesquelles la lune deve­nait impor­tante dans ce poème. J’es­sayais de dire une ver­sion de la lune. Une ver­sion aborigène en quelque sorte. J’es­saie de faire tenir deux lunes dans cette his­toire – la lune de Diane et la lune des réin­car­na­tions qui appa­raît dans un grand nom­bre (mais pas toutes) d’his­toires aborigènes de la lune.

Je ne crois pas que je puisse écrire pour tout le monde. Je ne crois pas à la notion de “coeur” de l’écri­t­ure, ou de coeur du pays, ou d’un sens de la terre. J’es­saie d’écrire une poésie proche de la per­son­ne que je suis – je suis essen­tielle­ment un européen-aus­tralien. Mais, j’es­saie d’écrire une poésie que tout le monde, en par­ti­c­uli­er les indigènes aus­traliens, pour­raient lire sans la ressen­tir comme un tra­vail de coloni­sa­tion. Et ce pour­rait être l’une des dif­férences entre nom­bre des poésies pas­torales que j’ai lues par le passé et que j’ad­mire, et ce que je voudrais faire dans The Kan­ga­roo Farm.

 

AA : j’aimerais par­ler de votre ver­sion de “Aus­tralia” de A.D Hope[vi]. Vous avez réécrit Hope, vous l’avez cri­tiqué, mais on sent aus­si de la sym­pa­thie pour son poème.

MH – Je suis un grand admi­ra­teur de ses poèmes. C’est l’un des poèmes plus les poli­tiques les plus poin­tus qui ait jamais été écrits. Mais de toute évi­dence, d’un point de vue con­tem­po­rain, c’est un poème qui sem­ble écrit par quelqu’un qui se tient tou­jours dans un espace virtuel, dessi­nant la carte du pays de l’ex­térieur. L’ensem­ble des fig­ures de style tourne autour de l’idée d’aller “là-bas”, dans cet espace étranger, et du plaisir de pou­voir en revenir. On peut se deman­der où exacte­ment Hope doit-il revenir? Il revient à un espace imag­i­naire et philosophique. L’autre, le troisième pays, ni ici ni là. Mon poème n’est pas seule­ment une par­o­die du sien, j’ai essayé de le resituer, lit­térale­ment, je suis mon­té en avion comme une sorte de cri­tique d’art intel­lectuel, qui réflé­chit à l’aspect abstrait du paysage sur­volé, se deman­dant si on peu observ­er la nature en Aus­tralie avec un regard réal­iste selon la tra­di­tion – si ça peut sig­ni­fi­er quoi que ce soit.

 

AA – Le poème “Aus­tralia” est tout à fait une vue aéri­enne. Vous ren­dez hom­mage aux pein­tres des années soix­ante. Dans le poème ‘Rice Fields near Grif­fith”, vous choi­sis­sez une vue au ras du sol, mais la vue aéri­enne du paysage est celle des Aborigènes , et vous jouez avec.

MH – Oui, en fait, mes pro­pres voy­ages dans les régions vis­itées par  les pein­tres des antipodes m’ont don­né un sen­ti­ment tout à fait dif­férent du pays. Et la rai­son pour laque­lle ils avaient décidé de le voir depuis les airs m’a lais­sé per­plexe. Il m’a fal­lu du temps pour com­pren­dre que leur façon de voir le pays était aus­si arti­fi­cielle que n’im­porte quelle autre, et  qu’elle était aus­si influ­encée par les ten­dances inter­na­tionales de la pein­ture, les  aplats, l’ab­strac­tion,  que par tout ce qu’on peut rencontrer.

 

AA – Pour revenir au poème “Aus­tralia”, vous écrivez “un réal­iste ne le ver­rait pas ain­si”, ce qui m’é­tonne, parce que vos poèmes sont pleins de détails pré­cis — mais vous ne vous con­sid­éreriez pas comme un réaliste.

MH – En effet. Le poème est écrit pour Robert Gray[vii], qui se con­sid­érait lui-même comme une per­son­ne intéressée par le monde objec­tif et une cer­taine forme de réal­isme. Je me dis­ais, voyons, il y a tant de choses qui ne sem­blent pas pou­voir entr­er dans ces caté­gories. Il faut trou­ver les façons les plus bizarres et les plus extra­or­di­naires de par­ler de ce qui se passe lit­térale­ment sous nos yeux. J’en par­le comme de “la per­spec­tive sin­gulière des voy­ages du Xxème siè­cle” Je ne dis pas que cette façon de regarder les choses soit meilleures ou pire, mais il faut en tenir compte. J’ai tou­jours un prob­lème quand on laisse de côté les “évi­dences”, comme la façon dont on voit les choses en bougeant, ou le fait que l’on porte aux choses cette atten­tion qui s’at­tarde sur les détails, tout en étant extrê­ment rapi­de. D’autres formes d’im­ages venant de la télé ou du ciné­ma influ­en­cent aus­si notre per­cep­tion. On ne voit pas le monde comme ceux qui vivent dans une cul­ture de pein­ture ou d’im­age imprimée essen­tielle­ment statique.

Se pose aus­si la ques­tion de dire avec exac­ti­tude ce qui est devant vous,  depuis le mou­ve­ment jusqu’aux rela­tions spa­tiales, aux rap­ports de taille, ce qui existe dans ce pays  n’ex­iste nulle part ailleurs. C’est totale­ment spé­ci­fique. Chaque endroit est fon­da­men­tale­ment dif­férent et il faut appren­dre à voir les choses.

 

AA – Vos poèmes sem­blent se délecter des faits liés aux lieux – par­ti­c­ulière­ment de la sécher­esse du paysage aus­tralien, ce que les poètes aus­traliens trou­vent dif­fi­cile à faire, puisqu’ils ont un cer­tain idéal européen du paysage. Dans la série de poème “Icons”, et par­ti­c­ulière­ment dans le poème “Prodi­gal Son”, un fer­mi­er revient pour con­stater l’é­tat de déca­dence du pays, et vous con­cluez  le poème par “désaveuglé, il vit l’en­droit de nouveau”.

MH – Il y a quelques années, j’ai com­mencé à être très affec­té par l’é­tat du pays. Dans ce poème, le fait d’être en mesure de voir de nou­veau pour la pre­mière fois était don­né, non pas comme quelque chose de dif­férent, mais comme une chose nou­velle. C’est un sen­ti­ment de renais­sance. Et ce n’est pas néces­saire­ment lié à la nature.

 

AA – Dans le qua­trième poème de la série, ‘Por­trait d’un vrai répub­li­cain”, vous utilisez “vrai” de façon ironique, et la voix me sem­ble nos­tal­gique ; le poème ne défend rien d’aus­si mod­erne qu’une république australienne.

MH – Le mot “vrai” est à la fois ironique et le con­traire. Ce n’est évidem­ment pas un poème “répub­li­cain”. Et c’est intéres­sant de remar­quer com­bi­en peu de poèmes répub­li­cains ont été écrits, en dépit de tout les  dis­cours sur la république. Mon poème répub­li­cain par­le de la nature de la mémoire, de la façon dont les sou­venirs vien­nent de votre par­cours passé et à venir. Ain­si, quoi que ce qu’une république puisse être, elle devra être fondée sur une réelle ouver­ture à nos sou­venirs.  On ne va pas par­ler de l’in­ven­tion d’une république aus­trali­enne idyllique, mais de ce que nous chéris­sons per­son­nelle­ment.  C’est ce qui par­le de mémoire qui est néces­saire à une république.

 

AA – Le titre au départ était “Le Bes­ti­aire”. Je me sou­viens d’une de vos lec­tures de l’un de vos “poèmes-ani­maux” – je me sou­viens en par­ti­c­uli­er de ‘L’Ornythor­inque”. En présen­tant ce poème, vous aviez men­tion­né “Le Bes­ti­aire” comme un titre possible.

MH – “Le Bes­ti­aire” était le titre prévu pour une séquence de poèmes, pas le livre com­plet – mais j’ai décidé que je ne voulais pas d’un poème-titre. Je voulais que l’ensem­ble du livre soit La Ferme du Kangourou.

 

AA – “L’Ornythor­inque “est un poème impor­tant de ce livre. C’est la quin­tes­sence de l’an­i­mal aus­tralien adap­té à son envi­ron­nement. Vous dites “l’ornythor­inque com­bine des mon­des par la métaphore de pou­voir faire plusieurs choses” , je l’ai vu comme une représen­ta­tion en abyme de votre poésie – bien adap­tée à divers envi­ron­nements. C’est astu­cieux, hybride également !

MH – Oui, c’est ce qui m’in­téres­sait en lui – cette fac­ulté de croise­ment, d’être com­pos­ite, tout en étant un ani­mal extrême­ment sou­ple, extra­or­di­naire­ment acro­ba­tique et élé­gant. Dans ce poème, je cri­tique de façon bru­tale le post­mod­ernisme, en dis­ant qu’il n’est pas néces­saire de l’in­ven­ter, que ça arrive dans la nature – pas de “stratégie” de “tac­tique” – tout cet hor­ri­ble lan­gage dont usent les gens. Des “pos­tures”.

 

AA – Vous écrivez que l’ornythor­inque n’est “pas post­mod­erne, il béné­fi­cie de l’his­toire naturelle”. Il est intéres­sant de voir que les nat­u­ral­istes européens com­men­cent à réalis­er que l’Aus­tralie n’est pas un pays prim­i­tif dont l’évo­lu­tion se serait arrêtée il y a des mil­lions d’an­nées sur les pre­miers éch­e­lons de l’évo­lu­tion, mais un endroit où faune et flau­re sont très haute­ment adaptées. 

Dans le poème ‘Poet­ry and Paper­barks”, vous écrivez que cer­tains aus­traliens con­tin­u­ent de vivre dans un imag­i­naire importé d’Eu­rope, et que nous autres, les écrivains, préfére­ri­ons vivre dans un New-York d’hier.

J’u­tilise moi aus­si des images aus­si linéaires que celles de la télé, et je n’in­siste pas sur la façon dont le pays pénètre les mythes de pro­priété des éleveurs. Ceci soulève deux ques­tions pour moi  — qu’en­ten­dez-vous par imag­i­naire européen importé, et qui sont ces écrivains qui vivent dans un N.Y d’hi­er? Est-ce qu’ils exis­tent encore?

MH – Bien sûr. Il y en plusieurs. Nous ne pour­rions pas imag­in­er une époque dans laque­lle il y ait davan­tage d’imag­i­naire européen que la nôtre. Cer­taines théories européennes se sont extra­or­di­naire­ment bien adap­tées à l’en­vi­ron­nement intel­lectuel aus­tralien. Il y a aus­si les aspi­ra­tions des gens pour les arti­facts et les insti­tu­tions cul­turelles qui définis­sent l’Eu­rope, et qui ne  définis­sent peut-être nul autre endroit,  et seraient inap­pro­priées à ce pays. Aupar­a­vant, vous avez par­lé d’A­vant-Garde, est-ce que ce n’est pas seule­ment une idée étrangère? Il y a eu un immense investisse­ment de toute sorte dans la poésie améri­caine qui a détourné notre atten­tion du sens de la con­struc­tion d’une poésie locale, ce qui est une aven­ture bien plus excitante.

Je suis par­fois décon­certé par tout le temps passé à dis­cuter de théories et de méthodolo­gies qui con­cer­nent entière­ment des idées et con­cepts européens et qui n’ex­is­tent que dans les langues européennes. Ceci au détri­ment de la recherche d’une ontolo­gie pour ici – un état d’e­sprit lié aux rela­tions entre les héritages cul­turels, les cul­tures indigènes, et les cul­tures con­tem­po­raines. En d’autres mots, c’est un asservisse­ment haut de gamme. Un grand nom­bre de traités théoriques décalquent ce qui s’est dévelop­pé dans des cir­con­stances par­ti­c­ulières en Grande Bre­tagne ou en Alle­magne dans les années soix­ante, apparem­ment sans subir de trans­for­ma­tion. Les théories marx­istes, le ratio­nal­isme économique, par exem­ple… est-ce adap­té à ce pays-ci?

Une façon plus claire d’en par­ler con­cerne une grande par­tie de la poésie qui cir­cule actuelle­ment, en par­ti­c­uli­er les plus jeunes poètes qui écrivent dans une sorte de “langue de tra­duc­tion”, un état d’ab­sence par rap­port à l’his­toire locale, les orig­ines locales, un peu comme si on se dis­ait qu’on peut sim­ple­ment lire un poète espag­nol, ou alle­mand, sué­dois ou de l’Eu­rope de l’Est, sans avoir aucune con­nais­sance de la langue ou de l’his­toire, et se lancer à écrire de la même façon dans ce pays. Je ne dis pas d’ig­nor­er tout ce qui vient de l’ex­térieur, mais seul un inter­na­tion­al­isme sans con­sis­tance peut imag­in­er picor­er et choisir partout, sans savoir du tout ni com­ment picor­er ni com­ment choisir.

 

AA – C’est à dire?

MH – Tout est disponible, mais vous ne savez pas pourquoi vous pour­riez préfér­er ceci à cela. Vous n’avez aucune rai­son sérieuse de vous engager avec une oeu­vre plutôt qu’une autre.

 

AA – Votre poème “Sang­sues” démarre de cette façon nat­u­ral­iste, mais le dernier vers est puis­sant : “text-book leech­es right now though I see them as false climb­ing friends.” Vous par­lez des organ­ismes aux formes changeantes. Est-ce le prob­lème de l’in­ter­na­tion­al­isme, ou des poètes qui s’ap­pro­prient peut-être des corps étrangers et vivent avec?

MH – Je ne pen­sais ni à des poètes ni à des écrivains dans ce poème. En fait, je déteste absol­u­ment les sang­sues. De nom­breux lecteurs de ce poème m’ont dit, “Mais vous ne pensez pas que les sang­sues sont très bonnes, très belles !” Mais non, pas pour moi. J’ai une aver­sion pour le par­a­sitisme quel qu’il soit, les par­a­sites tuent un organ­isme. Les sang­sues dans ce poème se col­lent à vous et vous privent de votre source de vie et d’én­ergie vitale, et elles sont amor­phes; sans forme définie, sans struc­ture, elles sont par déf­i­ni­tion inintéressantes.

 

AA — … mais haute­ment adap­tées à leur fonction !

MH – Oui, dans ce poème, haute­ment adap­tées à leur fonc­tion rationnelle et économique. Elles ne font rien, ne croient en rien, ne dis­ent rien, une fonc­tion à tout-faire.

 

AA —  “Tigre de Tas­man­ie” est pour moi un poème intéressant.

MH – C’est l’un de ces poèmes du recueil qui réflé­chit sur la créa­tiv­ité de dif­férents points de vue. J’ai com­mencé à l’écrire à Sor­ren­to en hiv­er. De nou­veau, il s’ag­it d’un poème sur lequel j’ai vrai­ment essayé de tra­vail­lé pen­dant env­i­ron un an. Il y a deux choses dans ce poème. L’une d’elles con­cerne la nature des sen­ti­ments que je ten­tais d’ex­primer et dans lesquels j’éprou­vais une immense dif­fi­culté à pénétr­er avec le lan­gage ; et l’autre chose était de trou­ver une façon de par­ler de la chose la plus sim­ple et la plus naturelle  qui soit : le fait de regarder par la fenêtre, dans la lumière par­ti­c­ulière d’une fin d’hiv­er, et d’ob­serv­er les casuar­i­nas con­tre la vit­re, et l’ef­fet par­ti­c­uli­er de cette  lumière. J’ai vrai­ment passé beau­coup de temps pour essay­er de ren­dre vivant ce détail, ses mul­ti­ples facettes, et finale­ment essay­er de recon­naître l’in­ten­sité de ce qui se pas­sait, le mou­ve­ment, quand l’ob­jet entre dans le champs de vision. Il y a une énergie par­ti­c­ulière à ce point pré­cis. C’est là, et c’est par­ti.  C’est pourquoi le tigre ne pou­vait être un tigre rugis­sant dans la jun­gle, il devait d’une cer­taine façon être une espèce dis­parue, il est mort, d’une cer­taine façon. Ça par­le de la com­po­si­tion dans des micro-détails. J’es­saie de cap­tur­er ce micro-détail à chaque moment du jour, de l’avoir présent, de ne pas le négliger.

 

AA —  Le poème du tigre est voisin d’un ensem­ble de poèmes -“The Close­ups”. Vous essayez de faire ce que les imag­in­istes ont voulu faire – pénétr­er  à l’in­térieur de l’ob­jet – mais ce qui est intéres­sant chez vous, c’est que vous utilisez une syn­taxe tout à fait dif­férente pour y par­venir. Vos vers occu­pent toute la page. J’ai remar­qué, en écoutant cer­tains vers, que le sujet ou l’ob­jet réel de vos phras­es dis­parais­sait ou se per­dait — mais ça n’avait pas d’im­por­tance. Robert Adam­son me fai­sait remar­quer qu’en lisant ce poème, il avait essayé de vous pouss­er à couper ces très longs vers.

MH – J’ai par­cou­ru le livre la pre­mière fois que Bob me l’a envoyé et il se présen­tait assez dif­férem­ment. Il a subi un tas de change­ments au cours de ce tra­vail. Je n’es­saie pas d’être obscur. J’ai par­cou­ru tout le livre pour être cer­tain que chaque vers était clair, et qu’il n’y avait pas une seule ligne avec laque­lle je n’é­tais pas d’accord.

Mais oui, votre com­men­taire est intéres­sant. Dif­fi­cile d’ig­nor­er la nature de l’im­age des Imag­istes[viii] – cette par­tic­u­lar­ité, cette pré­ci­sion et cette ouver­ture à la sen­sa­tion, ce sen­ti­ment d’im­mé­di­ateté, de présence qui se dresse en face de vous, la couleur, les vibra­tions de tout ceci. C’est néces­saire. Mais je pense que les con­nex­ions m’in­téressent aus­si – la façon dont les choses se con­nectent, com­ment l’oeil voy­age d’un endroit à l’autre. Comme lorsque vous regardez quelqu’un qui prend un café dans la rue et qu’en même temps vous avez une con­ver­sa­tion avec quelqu’un d’autre. Il peut même y avoir une radio en bruit de fond. Ce sont des ambiances aus­si pré­cis­es que l’im­age des Imag­istes. Il faut donc les abor­der différemment.

Entre ce livre et le précé­dent, Dis­tri­b­u­tion of Voic­es, ce fut une révéla­tion pour moi – qui  con­sid­ère aus­si qu’un poème doive être pré­cis, haute­ment con­cis, et tout le dis­cours habituel sur la poésie — de réalis­er quelle lim­ite c’é­tait de ne pou­voir tra­vailler sur la longueur  pour  inté­gr­er tous ces détails. Si on en croit la légende, Ezra Pound, après des semaines et des semaines, a soigneuse­ment effacé, dans le mak­ing of, le poème en deux vers “Dans une sta­tion de métro”. Je trou­vais que la poésie que je lisais et celle que j’écrivais étaient moins rich­es que ce qui se pas­sait autour de moi. Je voulais y met­tre tout ce que je pou­vais, pour qu’elles puis­sent avoir cette source d’énergie.

Je suis une sorte d’imag­iste vivant soix­ante-dix ou qua­tre-vingts ans après l’Imag­isme, dans un envi­ron­nement cul­turel, intel­lectuel et poé­tique totale­ment différent.

 

AA – On pour­rait dire que vous ten­dez plutôt vers des poètes pré-imag­istes, comme Apol­li­naire – pas dans le sens où vous écririez sur ce que vous voyez en ville – et pas davan­tage en célébrant l’Aus­tralie comme fécondité.

MH – Les poètes que j’ad­mire tout par­ti­c­ulière­ment appar­ti­en­nent à cette généra­tion. Apol­li­naire est pour­tant l’un de mes favoris. Je me sens aus­si très proche de Blok et Macha­do. Je trou­ve intéres­sant Brown­ing aus­si. Des écrivains encore capa­bles de racon­ter des his­toires, qui ne sont pas encore com­pléte­ment obsédés par la pureté mod­erniste et la frag­men­ta­tion, m’in­téressent énormément.

 

AA – Vous voulez tout y met­tre, mais vous rejet­teriez prob­lable­ment cer­taines straté­gies poé­tiques L=A=N=G=U=A=G=E, dans lesquelles tout est jeté dans le poème, dans un geste égal­i­taire, je sup­pose. Pourquoi rejet­teriez-vous l’esthé­tique poé­tique  L=A=N=G=U=A=G=E[ix] ?

MH – parce que je pense que ces gen­res de man­i­festes con­fondent  poli­tique et esthé­tique.  Ils pensent qu’une théorie du lan­gage pour­rait faire ce que les poli­tiques devraient faire. C’est l’idée qu’une util­i­sa­tion anar­chique, ou chao­tique, du lan­gage, pour­rrait con­tribuer d’une cer­taine manière au change­ment social ou à l’a­n­ar­chie. C’est une illu­sion, un erreur caté­gorielle. Je veux que mes poèmes com­mu­niquent avec des gens ordi­naires. Je pense que si vous devez dis­pos­er d’une théorie avant d’ou­vrir un livre, vous excluez immé­di­ate­ment le lecteur.

 

AA – Le pre­mier poème du recueil, “Anguilles” con­tient les vers “les mythes ne nous mènent nulle part” et “le mythos de la pénin­sule est qu’il dérive riche comme neige”. Je ne suis pas cer­tain d’avoir com­pris où vous voulez en venir.

MH – C’est un vers polémique. Il dit que le mythe s’épuise, pas les réalités.

 

AA – C’est ironique. Dans “Aus­tralia”, égale­ment, vous écrivez “Appelez-la Aus­tralie, appelez-la peut-être riche, l’Ar­gen­tine sup­port­able avec ses tes­sons de mythes dressés en mode export.”

MH – Oui, et de nou­veau, il y a des tes­sons de mythes con­stru­its avec les  médias pour le tourisme. Je n’ai rien con­tre le tourisme, mais je pense qu’une ten­ta­tive de créa­tion d’un art local doit aller au-delà. Je pense aus­si que des poli­tiques authen­tiques iront au-delà. J’ai écrit une grande par­tie de ce livre au début des années qua­tre-vingt-dix quand il sem­blait y avoir trop de con­ver­gences entre mou­ve­ments poli­tiques et sys­tèmes de croy­ances mythiques.

Je trou­ve très intéres­sante votre ques­tion sur l’imag­isme parce que la  dif­férence entre une per­son­ne écrivant main­tenant et Ezra Pound ou les autres imag­istes est liée aux théories sci­en­tifiques : les imag­istes vivaient dans une époque où la notion de struc­ture atom­ique et du raf­fine­ment de cette struc­ture qui vous mène au noy­au – mais un noy­au opèrant dans un sys­tème rel­a­tiviste — est tout à fait évi­dente à l’époque d’E­in­stein. Je pense que notre époque, elle,  est celle des sys­tèmes vivants.

 


[i]           Adam-Aitken, poète et uni­ver­si­taire, vit et tra­vaille  à Sid­ney. Son plus récent recueil de poèmes, Eight Habi­ta­tions, a été pub­lié par Gira­mon­do Press. On peut lire son tra­vail en ligne à l’adresse  http://www.poetryinternationalweb.net/pi/site/poet/item/666/15/Adam-Aitken

 

[ii]          John Forbes (1950 – 1998) né à Mel­bourne, a vécu avec sa famille dans le Nord Queens­land, la Malaisie et la Nou­velle Guinée. Sa poésie a été pro­fondé­ment influ­encée par la poésie améri­caine de Ted Berri­g­an ou Frank O’Hara

            John Ernest Tran­ter (né en 1943), poète et édi­teur, a longtemps dirigé une émis­sion lit­téraire à la radio, il est  recon­nu pour son rôle d’in­no­va­teur et d’expérimentateur.

            Pam Brown, née à Sey­mour, Victoria,vit à Syd­ney. Pein­tre sur soie, musi­ci­enne, cinéaste, elle a aus­si enseigné l’écri­t­ure, le ciné­ma et les médias.

            Gig Ryan, née en 1956, à Leices­ter, en Angleterre – éditrice de la revue The Age, auteur de plusieurs recueils de poésie, et d’en­reg­istrements avec le grougpe Disband.

            Lau­rie Dug­gan,  né à Mel­boune, vit à Sid­ney.  Sa poésie, inspirée par le tra­vail de  Kurt Schwit­ters pour une série de poèmes sur des objets aban­don­nés et mêle con­tem­pla­tion et textes trou­vés (jour­naux intimes, let­tres de pio­nniers, arti­cles de journal )

            Dip­ti Sar­a­vana­mut­tu, née en 1960, poète sri-lankais et aus­tralien, arrivé en 1972 avec sa famille. à Sid­ney. Les thèmes de sa poésie vont de la con­ver­sa­tion quo­ti­di­enne aux théories lit­téraires, et porte sou­vent sur les prob­lèmes de la jus­tice sociale.

            J. S. Har­ry (or Jan Har­ry; né en 1939) L’un des per­son­nages récur­rents de son oeu­vre est Peter Hen­ry Lep­us, un lapin philosophe capa­ble de citer Bertrand Rus­sel, Lud­wig Wittgen­stein and A. J. Ayer au cours d’une dis­cus­sion de poli­tique inter­na­tionale telle la guerre du Golfe.”

             Joanne Burns, née en 1945, à Sid­ney ou elle vit — son tra­vail oscille entre poésie et prose, et intè­gre sou­vent des papiers trou­vés, extraits de jour­nal et papiers du quotidien.

            Rae Desmond Jones, (né en 1941) – poète, romanci­er, auteur de nou­velles et politi­cien. Né dans une ville minière, ses poèmes et réc­its trait­ent sou­vent de l’ex­péri­ence urbaine, sans nier l’im­por­tance du désert pour sa langue et sa per­cep­tion. Il écrit dans un langue famil­ière, avec une imagerie vio­lente, sou­vent sex­uelle . Sa vision très noire et orig­i­nale est fréquem­ment tra­ver­sée d’é­clats d’hu­mour et de sen­si­bil­ité inattendue.

            Chris Mansell (née en  1953), poète, dra­maturge et éditrice, née à Sid­ney, elle a gran­di sur la côte duNew South Wales et à Lae, Papua New Guinea,. Lau­réate du El Queens­land Pre­mier’s Lit­er­ary Award, elle a dirigé à plusieurs reprise le Fes­ti­val de Poésiede Shoal­haven. Son tra­vail, sou­vent expéri­men­tal dans la forme et le con­tenu, utilise égale­ment les médias dig­i­taux et les col­lab­o­ra­tions avec des artistes.

[iv]                     Roland Edward Robin­son (1912 – 1992) – écrivain et poète, né en Irlande, et arrivé en Aus­tralie à 9 ans, en 1921. Après de très brèves études, il exerça divers métiers dans le bush aus­tralien : manoeu­vre, con­struc­teur de bar­rages, jar­dinier… et danseur de bal­lets. Sol­dat dans l’ar­mée aus­trali­enne, ses pre­miers poèmes sont pub­liés en 1944. Il s’in­spire des paysages aus­traliens et des scènes de la vie quo­ti­di­enne. Il fut aus­si l’un des plus act­ifs mem­bres du Jindy­worobak Move­ment — mou­ve­ment lit­téraire nation­al­iste, act­if entre les années 30 et 50, dont les mem­bres ten­tèrent de pro­mou­voir la cul­ture,  et par­ti­c­ulière­ment la poésie,  indigène et de com­bat­tre l’in­flu­ence de la cul­ture étrangère, qui menaçait l’art local.

 

[v]    David Watt Ian Camp­bell (1915 – 1979) écrivain aus­tralien, auteur de plus de 15 vol­umes de prose et de poésie, il fut aus­si un  joueur de rug­by à quinze ayant représen­té l’An­gleterre par deux fois. Après 1946, et son instal­la­tion à Wells Sta­tion, sa poésie se cen­tre sur les réal­ités de la cam­pagne, jointe à sa pro­fonde con­nais­sance de la poésie européenne, ce qui fait l’o­rig­i­nal­ité de son oeuvre.

[vi]                               Alec Der­went Hope  (1907 – 2000) – poète ( influ­encé par la poésie anglaise de Pope, Auden, Yeats… ) et essay­iste aus­tralien, célèbre pour son esprit satirique, il fut aus­si un cri­tique et un enseignant. Auto­di­dacte, et génie uni­versel, il avait le tal­ent d’of­fenser ses compatriotes

 

[vii]                       Robert William Geof­frey Gray (né en 1945) poète, écrivain et cri­tique, célébré  pour ses images et ses descrip­tions de paysage. Sa vaste éru­di­tion et son expéri­ence des cul­tures de l’Ex­trême-Ori­ent et des vari­antes du boud­hisme transparaît dans nom­bre de thèmes et de formes de son oeu­vre, comme les haikus. Il est aus­si admiré pour avoir saisi l’am­biva­lence des aus­traliens face à leurs pro­pres paysages.

 

[viii]                             Imag­isme  Le terme fut inven­té en 1912 par Ezra Pound, le poète améri­cain, pro­vi­soire­ment trans­plan­té en Angleterre. Mais la prise de con­science de la doc­trine imag­iste, et même de l’œu­vre imag­iste, est dif­fi­cile à fix­er dans le temps (Ency­clop. univ.,t. 8, 1970, p. 739). Les imag­istes (…) ont voulu libér­er la poésie de toute vaine lit­téra­ture pour la ramen­er à la présen­ta­tion sobre et directe des moments typ­iques de l’ex­péri­ence − les « images », ou syn­thès­es com­plex­es de la sen­sa­tion et de l’é­mo­tion ou de l’idée, telles que nous les vivons (Arts et litt.,1936, p. 42–04)

 

             Leslie Allan Mur­ray, (né le  17 Octo­bre 1938), con­nu comme  Les Mur­ray :  poète, anthol­o­giste et cri­tique et polémiste aus­tralien. Sa poésie a été récom­pen­sée de nom­breux prix et le Nation­al Trust of Aus­tralia le classe par­mi les  100 Aus­tralian Liv­ing Trea­sures. Il porte une att­ten­tion par­ti­c­ulière pour les thèmes de la dépos­ses­sion, la relé­ga­tion et l’indépen­dance dans une oeu­vre générale­ment con­sid­érée comme nation­al­iste, avec un intérêt pour les pio­nniers, l’im­por­tance de la terre sur le façon­nage du car­ac­tère aus­tralien, et la préémi­nence de la vie rurale par rap­port à l’en­vi­ron­nement urbain, stérile et cor­rup­teur, d’après le  Oxford Com­pan­ion to Aus­tralian Lit­er­a­ture -

           

[ix]          L=A=N=G=U=A=G=E était une revue de poésie d’a­vant-garde éditée par  Charles Bern­stein et Bruce Andrew entre 1978 et 1981. Les Lan­guage poets ou  L=A=N=G=U=A=G=E poets est un groupe d’a­vant-garde qui émergea aux USA de la fin des années 50 au début des années 70. Ils met­taient l’ac­cent sur le rôle du lecteur dans l’achève­ment du sens de l’oeu­vre et min­imi­saient l’ex­pres­sion, voy­ant le poème comme une con­struc­tion du lan­gage dans le lan­gage même. En dévelop­pant leur poé­tique, les mem­bres de l’é­cole Lan­guage se fondèrent sur les méth­odes de l’é­cole mod­erniste, représen­tée par  Gertrude Stein, William Car­los Williams, et Louis Zukof­sky… Cette poésie post­mod­erniste a comme immé­di­ats précurseurs les New Amer­i­can poets, terme inclu­ant  les poètes Beat, la  New York School, les poètes objectivistes..

 

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Martin Harrison

Par | 12 octobre 2013|Catégories : Blog|

Poet and essay­ist, his most recent book is Wild Bees: New and Select­ed Poems (Uni­ver­si­ty of West­ern Aus­tralia Press 2008). It was short­list­ed for the West­ern Aus­tralian and South Aus­tralian Pre­miers awards as well as the ACT poet­ry prize. His work reg­u­lar­ly appears in jour­nals in Aus­tralia, the UK and the USA. A fur­ther selec­tion of his poems, A Kan­ga­roo Farm: Select­ed Poems, trans­lat­ed in a par­al­lel text of Man­darin and Eng­lish appeared in Nan­jing in 2008. On the appear­ance of Wild Bees he was praised as the author of “some of the most bril­liant meta­phys­i­cal nature poems of our time.” (Poet­ry Review). Crit­ics and review­ers often focus on the time-filled, many-sided nature of image and per­cep­tion in his poet­ry. His essays and talks most­ly are about poet­ry, about writ­ing poet­ry and about the rela­tion­ship between art and the envi­ron­ment. He is a found­ing mem­ber of the Kan­ga­loon Group for Cre­ative Ecolo­gies. He lives in the Hunter Val­ley in New South Wales and teach­es writ­ing and poet­ry at Sydney’s Uni­ver­si­ty of Technology.
 

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