LE MALAXEUR
Le malaxeur est un accessoire utilisé par la vie pour nous décomposer dans de nouveaux tourbillons riches en tunnels et aquariums pleurnichards. Les sentimentaux qui lorgnent un bonheur naïf doivent passer par ce stade de décompression, ils en sortiront pasteurisés comme des fruits tropicaux vidés de leur jus succulent. Le broyeur s’occupe des plus volontaires, pulvérisant tout destin planifié. Un mal nécessaire pour saisir le message : ta destination finale n’est pas de ce monde.
Confronter le projet, son pur solide à la souplesse des déceptions possibles.
AU PETIT MATIN
Je ne demande aucun baiser, je quémande à sa bouche de m’engloutir complètement. Ses lèvres tortueuses font plaisir à voir, comment elle se débrouille pour survivre m’excite et j’espère tirer de sa maladresse un maximum d’irréel. La technique habituelle, en somme.
TOUR DE MAGIE IMPROBABLE
Nous adhérons à ce monde, entrons dans sa fureur, broyés par une torpeur sans merci pour en ressortir intacts et propager une sorte de petit manuel traitant de résurrection pour débutants mal dégrossis dans ce domaine.
Nous voulons vous initier à travers ces liturgies, nous récupérons tranquillement l’enfant après nous ciblons l’utérus réparons les contrecoups d’un paradis perdu à la naissance.
Nous sommes seulement perplexes côté artistes convertis en ouvriers du sable et des pyramides.
Nous ne savons comment convertir l’horizon bloqué.
DÉSIR MAL DÉGROSSI
Désir cherche porte de sortie pour apaiser sa soif. Désir cherche à s’éteindre afin de calmer créature désirante au bord de la crise. Désir d’en finir avec les désirs, désir brut tout court. Désir opposé à un autre, désir puissant mais futile, lutte et rechute dans l’absence de vainqueur. Désir de feu affronte désir de paix, désir trouble parie sa chemise contre désir tranquille, rien ne va plus faites vos jeux.
Désir se masturbe, se frotte contre la porte, beugle ses pulsions bovines mais conscience passive déteste cet animal auquel elle est rattachée par l’énigmatique connexion de la couille à l’esprit.
MATÉRIALISTES ET VOLATILES
À la base de toute cette consommation, à la naissance majestueuse de cet esclavage, il y a forcément une forte attraction envers les biens concrets, objets, argent, la conviction que s’entourer de toutes ces choses rajoute de la masse, de l’ampleur à son individualité. Un désir certain de s’installer, creuser son nid dans la matérialité.
Mais que dire des volatiles, les planeurs, ceux qui ont toujours perçu la possession comme un alourdissement ?
LE POURQUOI DE L’ATTRACTIF
Si tu veux connaître le pourquoi de l’attirance, observe son envers, la répulsion. Parmi toutes les questions que tu te poses, la plus brûlante n’est-elle pas celle de l’aimant, qui te magnétise et te garde en son pouvoir? Une forme ne fait que passer et pourtant elle t’aspire jusqu’à la moelle. Ta conscience s’incline sans une once de résistance devant le désir de posséder une créature, puis une autre, et encore une autre. Tu peux faire quelque chose pour ça ?
Tu as trouvé un livre, une méthode pour dompter la bête sans l’emmurer dans une éternité de castration ?
TENTATION
Le thème de la tentation, jamais anodin, souvent rencontré durant cette existence. Cette personne, substance ou pouvoir qui semble contenir un paradis perdu et qui se dessèche comme une tapisserie gluante lorsqu’on parvient à l’atteindre, pour aussitôt redevenir séduction lorsqu’on fait un pas vers l’arrière.
Incapable d’éviter le mirage, de le contenir. Tenir debout, vouloir passer à autre chose tout en l’ayant constamment sur le bout de la langue.
Tu es le créateur de cette illusion montée de toutes pièces, abusé par nul autre que toi-même dans ce fantasme où la pulsion est un boa qui t’avale.
ÂGE D’OR ASIATIQUE
Malgré son hyper-productivisme et sa modernité, je n’arrive toujours pas à dissocier l’Asie d’une civilisation spirituelle et heureuse, une sorte d’Âge d’or antérieur dont il reste encore des traces. À chaque voyage, je me retrouve comme baignant dans une sorte de plasma paisible, une contemplation lucide des gens et de l’existence m’est possible dans ces villes polluées et surpeuplées.
Il y a là une sensation de « retour heureux », je reviens à une paix, un repos. Derrière tout cela, le bonheur tranquille que procure le féminin asiatique. Je m’ennuie d’elle, nostalgique que je suis de cette femme antérieure, intérieure. Mais l’Asie d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier, de même que ces sociétés qui ont muté au contact de l’Occident. Je vois une couleuvre circuler dans ses yeux, une avidité souterraine qui vient gâcher ce beau décor originel. Je prends une chose pour une autre, et je superpose une réalité évanouie sur un monde qui a depuis longtemps enterré le grand féminin réceptif dans sa supposée sagesse industrieuse.