Martine-Gabrielle Konorski, Sept poèmes
Dans un soupir
le chant
des coquelicots
Dans la danse
des blés
points rouges
des coquelicots
A la porte
de la chambre
une haie
de coquelicots
ferme les volets
sur la buée
Un plongeon
dans le rouge
Éternité rouge
des pavots.
On se tient dans le sombre
dans l’angle mort de soi
quelque part où la suture
devient berceuse
Chant rouge de la peur
Temps fixe du regard
sur le mur
Plus aucun bruit
Lorsque l’oubli.
Appartenir
au vacillement
quand je me heurte
à la lisière
de la fuite
des heures
A ce qui porte
lointainement
la parole dépecée
en éboulis
dans l’échouage de
ce qui reste à dire
Juste un futur perdu.
Puis ce fut
l’heure des soupirs
sous les masques
Une danse sur
l’île
perdue des archipels
Avancer ou peut-être pas
vers la ligne
de crête
A l’aplomb
de l’Immense
les eaux plates
et le jardin
plongé
sous le vent tiède
du soir qui tombe
Rouge
la lune s’épand
Espoir indéchiffrable.
Commencement
de terre
sous les pierres désolées
parsème les chemins
de ce pays sauvage
L’ombre de Dionysos
dévoile les collines
où nous goutions
les grains bleus et juteux
Bouches ouvertes
sous les feuilles de vignes
Allongés
au pied des nœuds de terre
quand le ciel s’abolit
Un vent d’Eden soufflait
sur nos corps ivres
baignés de la chaleur
du centre de la terre
Ivresse de terre
et de raisin
au royaume invisible
Tandis que les oiseaux
berçaient le reflet de nos songes
Bacchus s’était endormi sous le figuier
Le feu divin ensemençait la terre
Les Ménades s’étaient mises à danser.
A Alfonsina Storni
Y te bas
Y te bas
A l’agua profunda
Flaques salées
En cercles
De toi
Alfonsina vestida de mar
Cet air qui résonne
Depuis loin derrière
Derrière la tête
Derrière le temps
Derrière ton soleil antique
Paroles brûlantes
De tes poèmes
De ton sommeil
Caracolas marinas
Du fond de la mer
Ton chant
Déchire le ciel et les vents
Un cri nous arrache
Résonne
Tambour dans la poitrine
Tremblement
Perce la chair
Et cet air
Nous parle de toi
Alfonsina
Alfonsina vestida de mar.
Marche de pente
Au chemin des estives
Balancement du corps
Au son rauque
De la cloche
En espaliers
Imperturbables vaches
Taches brunes
Taches rousses
Le souffle suspendu
Avancée sur les crêtes
Les rêves accrochés
Sur le chemin du ciel
Une ronde de poudre
Aux forêts denses
Couleur tesson
S’égarer sans atteinte visible
L’infigurable de la liberté.