extrait de Sang et miel de Palestine
Le Jourdain hurle
des cris percent les branches chaudes
sont-ce des enfants, des drones ou des nuages?
la chaleur noire lèche les rives
mon ventre est un galet noueux exposé au soleil
des libellules me caressent
je ne plonge pas
je compte les déchets
jetés à la face du fleuve
bouteilles en plastique
boîtes de conserve
paquets de chips
dieu souillé
homme souillé
nature souillée
poème souillé
comme s’il était bon d’être souillé
comme si on aimait ça
souiller
souiller
se souiller
j’ausculte les débris dans l’eau
ici aussi me dis-je
ici aussi
heureusement chaque ciel a sa forme de tourterelle
pour rappeler l’enfance du paysage
mes idées noires s’épanchent dans l’eau
je deviens nu
une odeur d’eucalyptus
poisson clair sur le rivage
Un chien de feuilles mortes me court après
je me lève branches mornes
alourdi de regrets
qui refleurissent encore
des collines de pensées ternes dévalent en moi
des années de terreau nourries d’amours mortes
la chaleur monte
mes soupirs gonflent et charrient des flaques d’eau stagnante
j’en ai rempli des gouffres d’espoirs
je plonge sans élastique
le ciel me brûle le foie
j’erre dans les nuages gris
pris dans leurs baïnes
l’amour déferle et me tire vers le large
je bégaye des mouettes glacées
traverse
les plaies et les brûlures
ranime
brode
le souffle
en commun
sursaute
toi passerelle
pars
livre
sois prêt
parle
sors de toi de ta ville de ton pays de ta religion de tes pensées de ton corps de tes à priori de tes envies de tes
croyances de tes habitudes de tes idées noires de tes idées claires
à la lune
saute
souffle
entre chair et terre
relie les gouffres
il pleut des morts
les souvenirs nous traversent
comme des oiseaux noyés