Mémoire d’Angèle Vannier
On célèbre cette année le 100e anniversaire de la naissance d’Angèle Vannier. Née en 1917 à Saint-Servan, elle décèdera en 1980 d’une attaque cérébrale. Le souvenir de la « poétesse bretonne » reste vivace chez de nombreux fidèles de son œuvre, à commencer par la rennaise Nicole Laurent-Catrice qui lui consacre un court essai à l’occasion de cet anniversaire.
Il faut dire que la destinée - à la fois humaine et poétique d’Angèle Vannier – n’est pas banale. Elevée par une grand’mère jusqu’à l’âge de huit ans (à Bazouges-la-Pérouse), elle deviendra aveugle à l’âge de 22 ans suite à un glaucome opéré sans succès.
Une fille qu’avait perdu ses yeux
traînait son cœur, traînait sa peine
Sous le grand ciel du Bon Dieu (Choix de poèmes, Seghers, 1961)
Ses talents de poète la conduiront aussi à côtoyer un certain gotha parisien du côté de la célèbre brasserie Lipp. Elle fera la connaissance de Paul Eluard « qui la tient en très grande estime, raconte Nicole Laurent-Catrice, et préface son premier recueil L’arbre à feu. » Elle fréquentera aussi Edith Piaf, Catherine Sauvage, Suzy Delair, « pour qui elle écrit des chansons ».
La poésie d’Angèle Vannier est marquée du sceau du surréalisme. Ce courant littéraire marque l’époque. Place au magique, à l’imaginaire, au fantastique, aux mythes… Enracinée dans sa haute-Bretagne (malgré ses allées et venues à, Paris), Angèle Vannier est « en prise directe sur les grands mythes aussi bien gallois que du roman breton ». Brocéliande est là à portée de main et de cœur. Elle plonge avec délice dans cet un univers féérique. A plus forte raison quand ses héros mythiques partagent une part de sa destinée (Le barde Merlin n’était-il pas aveugle ?). Elle célèbrera notamment la grande forêt arthurienne dans son dernier recueil Brocéliande que veux-tu ? (Rougerie, 1978).
« De la Bretagne, Angèle Vannier a le goût des rêves, des paroles magiques, des légendes de mort et des rites auprès des fontaines ou menhirs », note encore Nicole Laurent-Catrice. « Elle entretien cette réalité équivoque avec la réalité, l’amour, la terre ». Ce qui n’en fait pas, pour autant, une « poétesse bretonne ». Femme poète, certes enracinée, mais avec « une ouverture sur d’autres cultures, d’autres époques et sur le cosmos ». Angèle Vannier s’exprimera sur de nombreuses scènes en Bretagne (Rennes, Hédé…) souvent en compagnie du harpiste Myrrdhin qui démarrait sa grande carrière de musicien.
Aveugle chaque jour j’entre dans mon miroir
Comme un pas dans la nuit comme un mort dans la tombe
comme un vivant sans cœur dans un cœur de colombe.