Michel Baglin, Loupés russes
Alain Kewes, éditeur à l'enseigne de Rhubarbe, a décidé de fêter les dix ans de son activité à sa façon : 12 plaquettes à raison d'une par mois, Michel Baglin ayant droit à la septième qui est en fait la sixième à paraître puisqu'il a été précédé par les n° 12 à 8 ! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? À zéro, comme dans une bande dessinée célèbre, les plombs sauteront ! Loupés russes (jeu de mots approximatif mais de bon aloi) renvoie à un voyage que Michel Baglin fit en Russie en 2013, à Moscou et Saint-Pétersbourg (Lénine étant passé à la trappe !). Mais cette nouvelle est bien une œuvre de fiction et non un récit de voyage car l'auteur s'est amusé avec tous les poncifs qui circulent sur l'empire que veut (voudrait ?) reconstituer l'ex-camarade Poutine et dénonce ainsi les fantasmes des journalistes, spécialistes et autres baveux du moment.
Michel Baglin n'oublie pas dans sa fiction l'aspect reportage, il émaille son récit de passages de prose touristique : c'est ainsi que sont décrits (rapidement) l'Université et le métro de Moscou mais aussi les lieux traversés lors de la croisière en Russie et il fait parler d'abondance la guide… Ce qui contribue au suspens et met à rude épreuve les nerfs du lecteur qui attend autre chose de l'histoire. Suspens renforcé par le survol en hélicoptère du groupe de touristes : le lecteur s'attend à un dénouement tragique… qui ne vient pas ! Un indice d'apparence banale est disséminé parcimonieusement mais de façon récurrente tout au long de la nouvelle, accroissant ainsi le mystère du voyage d'Elena, à quoi il faut ajouter la construction non chronologique de la nouvelle… Le coup de théâtre final est alors bienvenu tout en étant une ode brève à "la solitude, la lumière et le vent". Décidément le détective amateur est un bien piètre enquêteur…
Loupés russes rappelle que Michel Baglin n'est pas seulement poète mais un bon auteur de nouvelles et un amateur de littérature noire…