Michel Baglin, Un présent qui s’absente, Entre les lignes

Par |2019-09-06T20:32:38+02:00 6 septembre 2019|Catégories : Essais & Chroniques, Michel Baglin|

Que le voy­age soit, de bout en bout, le lieu, le thème, le sup­port des poèmes nou­veaux que Baglin pro­pose aux Ed. Bruno Doucey, sem­ble non seule­ment une fidél­ité à ses autres ouvrages mais une invite sûre à recueillir 

Né en 1950, pub­liant des poèmes et des pros­es depuis une petite quar­an­taine d’années, Michel Baglin entre­tient avec la poésie des rela­tions priv­ilégiées, dont rend bien compte la revue Tex­ture qu’il dirige sur la toile.

Le titre de ce nou­veau livre, archi­tec­turé en cinq par­ties toutes liées entre elles, dit assez la nos­tal­gie qui embue le regard de celui qui voit le temps pass­er et nom­bre de fan­tômes aimés et aimants revenir gar­nir les rétines de la mémoire. Ain­si faut-il com­pren­dre, encad­rant le livre, les deux par­ties qui font sur­gir le passé et le présent.

Aux images de « Faux départs » qui s’articulent autour des quais, des gares, des ports où l’on peut à l’envi musarder, répon­dent les nou­veaux venus d’horizons étrangers, déjetés pour la plu­part, trou­vant çà et là par­fois quelque récon­fort mais aus­si com­bi­en de déveines !

Michel Baglin, Un présent qui s’absente, Edi­tions Bruno Doucey, 2013, 112 p., 15€.

Le poète sait con­ter les réal­ités dérisoires d’un présent qui perd de ses valeurs, qui pol­lue, qui encrasse les âmes. Que répon­dre « aux tristes effi­gies de la mode » ? L’auteur ques­tionne de plus en plus notre place ici-bas, notre rôle : qu’est-ce être, pour tout dire ?

Dans un lyrisme, légère­ment démâté, le poète ren­floue notre pro­pre mélan­col­ie face à un monde qui ne con­serve des anci­ennes formes que le peu, le rien, et que la mémoire intacte de son auteur restitue. Ses décou­vertes de Paris, des petits quartiers impres­sion­nent par leur justesse et l’on embraie avec lui, pour de réelles tra­ver­sées. Le beau Paris, où l’on peut musarder ! Comme il sem­ble à la fois proche et éloigné ! Comme le sou­venir de Far­gue et d’Hardellet tra­verse ces beaux poèmes (des son­nets par­fois) que la rime – occa­sion­nelle­ment – remaille à la trame choisie. Dans ces longs poèmes, Baglin dit toute sa foi en la poésie et en l’empathie. Qui écrit sem­ble si frère de ceux qu’il con­vie sous sa plume ! Nom­bre d’hommages et de dédi­caces hon­orent les ami­tiés partagées et les soucis human­istes. Le « nous «  résonne avec force et conviction.

Et puis qui a par­lé sou­vent de trains, de quais, d’embarquements, sait con­fi­er au poème ses désirs de voy­ages et de départs. Mais tout n’est-il pas dit ? Vu l’âge ? Vu le temps qui lui reste ? On sent, prég­nante, l’amertume gag­n­er le sable des berges, et le cœur, lui, tient bon et nous vaut ces mains ten­dues, « pleines de poèmes » comme dis­ait Aragon par­lant du bon Carco.

Je vous invite à entr­er dans ces poèmes flu­ides, qui pren­nent le temps de s’accorder au cœur qui pense, marche et regarde, qui dessi­nent du monde une image assez fidèle à toutes les ten­sions et atten­tions qui s’y nouent. C’est la beauté de ce livre, ouvert, fidèle.

Michel Baglin, Entre les lignes

Un fou de chemin de fer, de voies, de chemins de fer élec­triques perfectionnés…Sans doute, au sens d’une pas­sion irré­press­ible, qui vous vient d’enfance.

Une manière de racon­ter la vie de ses proches, son frère, ses par­ents, les amis de ceux-ci tou­jours par le biais d’une gare, d’une bar­rière à sur­veiller, de locos à soign­er, de voies..

 

Michel Baglin, Entre les lignes, La Table ronde, 2002, 112 pages,

Michel Baglin, que les récents “Chemins d’en­cre” (2009) et “L’al­cool des vents” (2010) font con­naître pour son “méti­er d’écrire” et son lyrisme où il “rend grâce” à tous ses domaines de prédilec­tion, est le type d’au­teur à nouer entre les épo­ques des aigu­il­lages inédits.

Le voilà bien entre­pris quand il songe à se don­ner, passé la cinquan­taine, de petites gares et des lignes comme étapes d’une ini­ti­a­tion qui remonte loin.

Ce qu’on retire de cette lec­ture de “Entre les lignes”, tout à la fois référence aux vapeurs, aux caté­naires, aux rails, et aus­si à l’écri­t­ure même de ce réc­it fer­vent, c’est un bout d’his­toire famil­ière, époque bénie où les gens aimaient encore se retrou­ver pour un petit verre de blanc, cass­er la croûte ensem­ble, rire franche­ment entre deux plats. Un peu le monde d’Hard­el­let, des zincs, de la ban­lieue féconde.

Les lieux défi­lent à la vitesse des trains : le petit Parisien que fut Baglin a fait la con­nais­sance de la province, du sud, et ses sou­venirs sont rich­es : les années cinquante pour­voyeuses d’ex­péri­ences, sen­si­bles aux codes. Ain­si, cet épisode où un machin­iste se fait tancer par un jeune petit chef pour excès de fumée en pleine gare, alors que son expéri­ence n’est plus à prou­ver, qui prend une amende mais évite, grâce à sa répu­ta­tion, le blâme !

Tant d’autres épisodes seraient à citer. Du reste, l’écri­t­ure flu­ide, nerveuse relaie bien le mou­ve­ment des trains, c’est le sens du voy­age, c’est le goût des ailleurs qui nous happe.

Ce beau réc­it ini­ti­a­tique recon­stitue non seule­ment une époque, il explicite une con­science lit­téraire, née lit­térale­ment “entre les lignes” de chemin de fer !

 

Présentation de l’auteur

Michel Baglin

Michel Baglin, né en 1950 dans la région parisi­enne, vit depuis ses onze ans à Toulouse. Après la fac et de nom­breux « petits boulots », il devient jour­nal­iste. Guy Cham­bel­land édite son pre­mier recueil en 1974. Depuis, il a pub­lié plus d’une ving­taine de romans, essais, recueils de poèmes et de nou­velles. Il est notam­ment l’auteur de Les Mains nues (L’Âge d’Homme), L’Obscur ver­tige des vivants (Le Dé bleu), Entre les lignes (La Table Ronde), L’Alcool des vents (Le Cherche Midi), Les Chants du regard, poèmes sur 40 pho­togra­phies de Jean Dieuzaide (Pri­vat), La Balade de l’escargot (Pas­cal Galodé) et De chair et de mots (Le Cas­tor Astral).

Il a reçu le prix Max-Pol Fouchet en 1988. Cri­tique pour divers jour­naux et revues et fon­da­teur de la revue Tex­ture, il ani­me aujourd’hui le site lit­téraire revue-texture.fr

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Philippe Leuckx

Né à Havay en 1955. Etudes de let­tres romanes.
Mem­bre de l’As­so­ci­a­tion des Ecrivains belges.
Cri­tique dans plusieurs revues et blogs (Jour­nal des poètes, Fran­coph­o­nie vivante, Bleu d’en­cre, poez­ibao, Les Belles Phras­es, revue Tex­ture…)

Prix Emma-Mar­tin 2011.

Auteur d’une trentaine de livres et pla­que­ttes de poésie : Une ombreuse soli­tude, Comme une épaule d’om­bres, Le fraudeur de poèmes, Le fleuve et le cha­grin, Touché cœur, Une espèce de tour­ment ?, Rome rumeurs nomades, Selon le fleuve et la lumière, Un pié­ton à Barcelone, Rome à la place de ton nom, D’enfances…

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