Mireille Diaz-Florian, Ô ma joie lente à venir et autres poèmes
La rue avance de son flux continu
Je m’arrête au bord de l’horloge sans aiguille.
Je devine les failles du temps.
La nuit aura laissé ses traces ombrées
Dessiner le contour des choses.
Ô ma joie lente à venir1
Tout frémit sous la pourpre du jour
Je franchis lentement le seuil
J’écoute la pulsation de la ville
La lumière aura laissé ses touches vives
Dessiner le contour des choses
Ô ma joie lente à venir
Les ponts enserrent le fleuve
Je viens de là-bas où pèse le chagrin
J’inscris mes pas dans le silence
Le vent aura laissé ses courbes amples
Dessiner le contour des choses
Ô ma joie lente à venir
Tout s’efface dans le sable
Je lie mes mots sur la courbe des dunes
Je tends le fil du labyrinthe
Le temps aura laissé ses plis tenaces
Dessiner le contour des choses
Ô ma joie lente à venir
Déjà
Déjà tu es seule
Dans l’attente du jour
Tu regardes monter la lumière
Sur la toile de l’aube
Une porte lourde a tourné sur ses gonds.
Tu écoutes sa plainte
Des rues se perdent aux croisements du temps
Tu déchiffres les pages
Déjà tu avances
Sur les routes de sable
Une nuit a duré bien au-delà des heures
Tu as compté tes pas
Des courbes amples ont soulevé le vent
Tu as saisi l’envol
Des pierres dressées ont tracé la frontière
Tu as franchi le seuil
Déjà tu danses
A l’horizon de l’île
De bleu et d’oiseaux
Ce fut un temps où le temps
S’ouvrait
Sur portes closes
Sur pesanteur de silence
Ce temps-là
De bleu et d’oiseaux
À regarder le ciel
Longtemps
Ce fut un temps où le temps
Glissait
Sur la surface du jour
Sur l’entaille de l’ombre
Sur la présence du vent
Ce temps-là
De bleu et d’oiseaux
À filer les nuages
Longtemps
Ce fut un temps où le temps
Me parlait
De neige piétinée
D’aubes glacées
De mort annoncée
Ce temps-là
De bleu et d’oiseaux
À écouter la nuit
Longtemps
Ce fut un temps où le temps
Estompait
La ligne d’horizon
Le bruit des lointains
Le vif du chagrin
Ce temps-là
De bleu et d’oiseaux
À guetter l’ange
Longtemps
Elle
Il était resté longtemps
À guetter le passage de l’ombre sur le chemin.
Puis la nuit était venue s’emparer de l’île.
Même la frange d’écume sur le sable
S’était assombrie.
Il guetterait son retour jusqu’à l’aube.
Il songea alors aux longues années d’exil,
Aux traversées impitoyables,
Aux bateaux démembrés sur les roches à nu,
Aux cris de ses compagnons engloutis.
Il s’étonnait d’en avoir fait si souvent le récit.
Tout désormais lui paraissait si vain.
Les mots qu’il avait choisis,
Les rythmes accordés aux percussions.
Il guetterait son retour jusqu’à l’aube.
Revenu dans l’île, il avait retrouvé sa démarche royale.
Il calmait en lui le désir de celle
Qui chaque jour soulèverait les tentures de l’alcôve
Pour l’accueillir.
Il avait pénétré dans le patio.
Il avait pressenti dans les corridors silencieux
La lente destruction du passé
Que rien ne comblerait.
Il guetterait son retour jusqu’à l’aube.
Dans la chambre désertée
Il avait aperçu sur le métier
La toile toujours recommencée
Sur la trame des jours
Il était sorti sur la terrasse
Pour chercher la trace de ses pas
Les vents avaient balayé
La poussière de mémoire.
Il guetterait son retour jusqu’à l’aube
A l’amie sans regard, je parle du printemps
Ton regard
Désormais
Se pose indifféremment sur le monde
Alentour.
Je dois te dire
Pourtant
Ce qu’il en est sur la rive
Ici.
Veux-tu
Encore
Savoir le mouvement des choses
Peut-être.
Je sais
Je devine
Que tu avances dans les couloirs
Vers où.
Mon regard
Pour toi
Se pose sur l’arbre en fleurs
Là.
Ma main
Doucement
Effleure le souffle du vent
Tout près.
Sens-tu
Maintenant
Le léger glissement du jour
Déjà.
Tu regardes
Ainsi
Tournée vers la lumière dorée
Enfin.
Note
- Saint Augustin.